Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'aborder le dispositif de l'apprentissage junior, je voudrais relayer deux constatations faites par des responsables de CFA, constatations que je trouve personnellement assez attristantes pour notre mode de fonctionnement gouvernemental et parlementaire.
La première constatation a trait au fait que, en l'espace de quatre ans, c'est la neuvième loi touchant au dispositif de l'apprentissage. J'espère juste que, pour tous les acteurs de ce type d'enseignement, nous cesserons pendant quelque temps d'apporter des modifications législatives nouvelles à cette filière et que nous la laisserons tout simplement vivre et s'installer dans la durée.
La seconde constatation est, à mes yeux, encore plus consternante que la première. Un responsable de CFA a fait la réflexion suivante à ma collègue Valérie Létard : « depuis plusieurs années, nous faisons un vrai travail dans les établissements scolaires pour montrer que l'apprentissage est une voie d'excellence. Aujourd'hui, nous avons le sentiment que tout cela a été mis par terre et que nous sommes de retour à la case banlieue . » Ce responsable ajoutait : « L'apprentissage doit-il toujours être considéré comme une solution aux problèmes sociaux ? Ne faut-il pas, au contraire, l'inscrire comme un investissement qui participerait au mode de gestion prévisionnel des emplois dont notre société aura besoin demain ? » Je crois que tout est dit !
Pour l'UDF, l'apprentissage ne doit pas être un moyen de résoudre la « crise des banlieues ». Si nous avons déposé des amendements portant sur le contrat d'apprentissage junior, c'est justement dans la perspective qu'il soit une voie d'accès à la qualification professionnelle non exclusivement réservée aux jeunes des cités. En tout cas, il ne faut pas leur donner l'impression qu'il n'existe que pour eux et que cela leur ferme implicitement l'accès aux voies de l'enseignement général.
Cela étant, de nombreux élèves ne se reconnaissent pas dans notre système scolaire encore trop normalisé. Avant de proposer de les en sortir précocement, j'aurais préféré que le débat que nous avons mené sur l'école cherche plus avant les causes de l'échec scolaire.
S'agissant des modalités de l'article lui-même, nous ne sommes bien évidemment pas hostiles à ce qu'un élève qui ne s'épanouit pas dans le cursus classique puisse choisir plus vite un accès à une formation professionnelle qualifiante. Nous souhaitons simplement nous assurer que ces orientations ne se feront pas par défaut, que l'élève pourra choisir en toute connaissance de cause et qu'on lui en laissera bien le temps. Qui peut imaginer que, à quatorze ans, les dés soient jetés une fois pour toutes ?
C'est la raison pour laquelle nous proposerons que l'on ne puisse entrer dans le dispositif d'apprentissage junior qu'à quatorze ans révolus, que la période d'initiation aux métiers sous statut scolaire puisse éventuellement se prolonger sur une deuxième année quand le jeune n'a pas réussi à finaliser un vrai projet professionnel, que l'accès aux métiers et à l'entreprise résulte de stages divers dans des univers professionnels variés. Nous voulons ainsi éviter qu'un aiguillage précoce et mal préparé ne se traduise par un nombre de ruptures de contrats d'apprentissage très élevé.
Je voudrais rappeler à ce sujet que, à l'heure actuelle, et avec des jeunes de plus de seize ans, le taux de rupture s'élève déjà à plus de 20 %. Que deviendra un jeune à quinze ans s'il abandonne une formation qu'il a choisie un peu « à l'aveuglette » ? De quelle alternative disposera-t-il ?