a tout d'abord insisté sur la gravité de la situation de la filière laitière, rappelant que de nombreuses manifestations et des blocages étaient intervenus en France et en Europe. Il est revenu sur l'origine de la crise, soit la baisse soudaine et brutale du prix du lait. Celui-ci, qui avait connu une flambée entre 2006 et 2008, après n'avoir cessé de baisser entre 2001 et 2006, est retombé à un niveau historiquement bas, 21 centimes d'euros par litre, soit un niveau inférieur aux coûts de production. Ainsi, les éleveurs laitiers ont dû accepter une baisse des prix de 30 % à la dernière livraison, en avril, décidée unilatéralement par les entreprises assurant la collecte.
Cette baisse est d'autant plus choquante, a souligné M. Gérard Bailly, qu'elle ne s'accompagne pas d'un recul similaire des prix de vente des produits laitiers aux consommateurs, ceux-ci n'ayant diminué que de 2,2 % au premier trimestre. Cet écart s'explique, non par une baisse brutale de la consommation de ces produits, qui stagne ou décroît très légèrement sur le long terme, mais par les « prélèvements » réalisés par les intermédiaires, transformateurs et distributeurs, qui n'ont répercuté que très marginalement la baisse des prix à la production sur les produits commercialisés.
Puis M. Gérard Bailly a évoqué les principales caractéristiques de la filière laitière. Elle rassemble 95 000 producteurs, 700 entreprises privées et coopératives, et compte près de 200 000 emplois au total. 55 % du lait collecté est livré à des coopératives, dont une partie est revendue à des industriels privés. La fabrication des produits de grande consommation absorbe 70 % du volume produit, le reste servant à la fabrication de produits industriels tels que la poudre de lait et le beurre. Le chiffre d'affaires de la filière laitière française était de 23,5 milliards d'euros en 2007, et générait un excédent commercial de 2,9 milliards d'euros.
a insisté sur le rôle des éleveurs en matière d'aménagement du territoire mais aussi de préservation de l'environnement et de la diversité paysagère, avec la culture de l'herbe et de pâturages que menacerait rapidement la friche s'ils étaient laissés à l'abandon, ainsi que sur la nécessité pour la France de préserver son indépendance alimentaire.
Il a précisé que la production de lait obéissait à des contraintes très particulières, avec un produit lourd, volumineux et fragile ne pouvant pas être stocké longuement. Le métier est particulièrement difficile, avec deux traites quotidiennes et peu de temps libre pour la vie privée. Les investissements très lourds rendent l'installation délicate, et ne sont rentabilisés qu'au bout de nombreuses années. Enfin, les producteurs ne connaissent le prix qui leur sera payé qu'un mois et demi après avoir livré leur lait.
Ces dernières années, le prix du lait faisait l'objet d'une recommandation nationale trimestrielle de l'interprofession, le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), fondée sur la combinaison de différents indicateurs et à caractère non obligatoire. Les CRIEL -structures régionales du CNIEL- étaient les enceintes de discussion au niveau local entre producteurs et transformateurs, où, sur la base de la recommandation nationale, étaient discutés les prix de base du lait. A ce titre, la filière laitière était souvent citée en exemple pour son organisation et son sens de la responsabilité.
Or, a indiqué M. Gérard Bailly, une lettre de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), demandant à l'interprofession laitière de cesser ses recommandations en matière d'évolution de prix, a été adressée au mois d'avril 2008 au président du CNIEL. Elle y assimilait l'accord interprofessionnel sur le prix du lait à une « entente », interdite par la réglementation communautaire et dont un secteur comme la viande bovine a déjà fait les frais en France. Officieusement, dans un contexte de flambée des prix alimentaires, était recherché un renforcement de la concurrence et, par ce biais, une baisse des prix. Conformément à l'injonction de la DGCCRF, le CNIEL a immédiatement cessé d'émettre des recommandations, dès le 1er juillet 2008.
Depuis cette remise en cause du cadre interprofessionnel par la DGCCRF, le système a volé en éclats et les acteurs ne s'entendent plus. En effet, les transformateurs et les distributeurs n'ont pas joué le jeu, soit en ne venant pas à la table de négociations, soit en ne présentant aucun chiffre, soit en proposant des prix d'achat du lait manifestement trop faibles. Le dialogue semble aujourd'hui suspendu, comme l'ont illustré l'échec des négociations nationales qui se sont tenues jeudi dernier et celui de la « réunion de la dernière chance » qui a eu lieu la veille et s'est poursuivie jusqu'à trois heures du matin. Toutefois, le ministre a demandé la poursuite des discussions sans délai.
a fait observer que le Gouvernement, et plus particulièrement le ministre chargé de l'agriculture, M. Michel Barnier, n'étaient pas restés inactifs. A court terme, ont été nommés deux médiateurs pour encourager la reprise des négociations entre les parties prenantes aux niveaux national et régional : M. Philippe de Guénin, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt des Pays de Loire, et ancien directeur adjoint de l'ONILAIT et du CNIEL, et M. Pierre Lepetit, inspecteur général des finances. Ils doivent aider à bâtir un nouveau cadre de régulation garantissant des relations durables entre éleveurs et industriels ainsi que la fixation d'un prix juste : le CNIEL établirait des « indices de prix » permettant « d'éclairer les acteurs de la filière », la négociation relevant ensuite des relations contractuelles entre producteurs et transformateurs.
A moyen terme, a noté par ailleurs M. Gérard Bailly, il est prévu que le projet de loi de modernisation de l'agriculture, attendu avant la fin de l'année, offre de nouveaux outils permettant d'améliorer la transparence. Enfin, a-t-il rappelé, le ministre a obtenu, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, deux rendez-vous à mi-parcours sur le marché laitier, en 2010 et 2012, qui n'étaient pas prévus au calendrier européen. Surtout, n'a pas été écartée l'idée d'un maintien du système des quotas après 2015, la France étant soutenue sur ce point par l'Allemagne et l'Autriche.
Les instances européennes, a cependant regretté M. Gérard Bailly, ne semblent pas dans les mêmes dispositions. Certes, suite à une initiative française, la crise du lait a été mise à l'ordre du jour du Conseil des ministres européens de l'agriculture du 25 mai dernier, et quelques mesures de soutien ont été annoncées, telles que le prolongement de l'intervention et des aides au stockage privé du beurre, ou le paiement anticipé, dès octobre prochain, de 70 % des subventions pour 2010 destinées aux producteurs laitiers les plus touchés. Mais la Commission a rejeté toute remise en cause de la hausse progressive des quotas avant 2013, et a confirmé leur suppression au-delà de cette date. Pour Mme Mariann Fischer Boel, en effet, ce ne sont pas les hausses de quotas qui expliquent la crise actuelle, mais la surproduction mondiale et la baisse de la consommation.
a indiqué que la commission des affaires économiques avait décidé la mise en place, au sein du groupe d'études sur l'élevage qu'il préside, d'un mini-groupe de suivi du dossier. Ont ainsi été reçus les Jeunes agriculteurs, M. Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Entremont et Danone, et la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Les auditions, a-t-il annoncé, se poursuivront tout au long du mois de juin avec la DGCCRF, l'Observatoire des prix et des marges, le CNIEL, les médiateurs nommés par le Gouvernement et les ministres en charge du dossier, avant que n'intervienne le débat en séance publique prévu pour le 25 juin. En outre, plusieurs membres de la commission ont posé au Gouvernement des questions d'actualité sur le sujet jeudi 25 mai. Enfin, a-t-il annoncé, le président de la commission, M. Jean-Paul Emorine, entend saisir de ce sujet l'Autorité de la concurrence, dont le président viendrait devant la commission à la rentrée pour exposer les conclusions de l'avis rendu par son institution.
a estimé qu'il était aujourd'hui nécessaire, non que le prix des produits laitiers à la consommation baisse, ce qui ne ferait qu'accroître la pression exercée sur les producteurs, mais que la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la filière soit plus équilibrée et équitable. Il a appelé à mettre fin à l'opacité s'agissant de la formation du prix final, en y introduisant plus de transparence. L'Observatoire des prix et des marges, créé par la loi de modernisation de l'économie, doit normalement travailler sur le sujet, mais tarde à se mettre en place. A un niveau plus opérationnel, a-t-il indiqué, il faudra que producteurs, transformateurs et distributeurs se retrouvent à nouveau pour négocier et discutent ouvertement de la répartition des marges. Cela exige que ces deux catégories, transformateurs et distributeurs, prennent leur responsabilité devant l'opinion et les pouvoirs publics, en communiquant leurs chiffres et en assumant les prix d'achat et de revente, ainsi que les marges qu'ils pratiquent.
Par ailleurs, a jugé M. Gérard Bailly, il sera impératif de revenir, au niveau européen, sur le régime laitier, et de rediscuter de la fin programmée des quotas laitiers. Les évolutions erratiques des marchés agricoles montrent, une fois de plus, qu'ils ne peuvent être abandonnés au libre-jeu de la concurrence, mais qu'ils doivent faire l'objet d'une régulation par les pouvoirs publics. Des mécanismes de stockage et de dégagement doivent être maintenus afin de faire face aux aléas climatiques et sanitaires.
Appelant à montrer très clairement la préoccupation du Sénat, et plus encore de la commission des affaires économiques, sur ce dossier, il a évoqué, pour finir, la possibilité de légiférer si les acteurs de la filière ne trouvaient pas d'accord ensemble.