Intervention de Pierre Bordier

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 17 octobre 2007 : 1ère réunion
Sport — Lutte contre le dopage - Audition de M. Pierre Bordry président de l'agence française de lutte contre le dopage accompagné de M. Jean-Pierre Verdy directeur du département des contrôles et de M. Michel Rieu conseiller scientifique

Photo de Pierre BordierPierre Bordier :

remettant le premier rapport d'activité de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) au président de la commission, a tout d'abord rappelé que l'AFLD était une jeune autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, créée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, et dont l'activité a démarré en octobre de la même année. Il a également souligné l'étendue des compétences attribuées à l'AFLD par cette même loi, puisque cette dernière lui confie le soin d'élaborer et de mettre en oeuvre la politique de lutte antidopage au niveau national, de planifier et de réaliser les contrôles, de procéder aux analyses des échantillons recueillis et, le cas échéant, d'exercer le pouvoir de sanction disciplinaire à l'égard des sportifs convaincus de dopage, en régulant éventuellement les décisions prises par les fédérations.

Il a mis en avant la profondeur des changements ainsi opérés, dès lors que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 précitée, la définition de la politique de contrôle relevait du ministère chargé des sports, qui exerçait de plus un pouvoir de tutelle à l'égard du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD), alors que le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), auquel l'AFLD s'est depuis substituée, n'était compétent qu'en matière de sanction.

En ce qui concerne les compétitions se déroulant sur le territoire français, mais organisées ou autorisées par une fédération sportive internationale, il a indiqué qu'il revenait à cette dernière de décider de mettre en place les contrôles en vertu des règlements internationaux applicables, l'AFLD pouvant alors intervenir comme prestataire de services pour le compte de celle-ci.

a ensuite tenu à souligner que la mise en place de l'AFLD a été facilitée par le climat de coopération et de bonne entente qui a présidé aux relations de l'agence avec l'ensemble de ses interlocuteurs naturels. Il a toutefois précisé qu'une courte période d'adaptation avait été nécessaire aux directions régionales de la jeunesse et des sports pour prendre la pleine mesure du nouveau cadre fixé par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 précitée.

Il a également tiré un bilan très positif des rapports entretenus par les fédérations sportives nationales avec l'AFLD, et a en particulier mis l'accent sur l'existence d'un correspondant de l'agence au sein de chacune d'entre elles. Il a rappelé l'importance de tels contacts, la bonne transmission par chaque fédération du calendrier d'entraînement des athlètes permettant au directeur du département des contrôles au sein de l'AFLD d'organiser au mieux les contrôles inopinés. Il a fait part de l'importance qu'il attachait à l'entretien d'une relation de confiance mutuelle avec les fédérations sportives, qui constitue à ses yeux le meilleur gage d'un encadrement, fondé sur des sanctions administratives efficaces des pratiques dans le monde du sport, sans doute préférable dans son principe à une régulation judiciaire qui porte quelquefois préjudice à l'image publique des disciplines.

Il a ensuite signalé qu'il ne pouvait évoquer le déroulement et les résultats des contrôles effectués durant la Coupe du monde de rugby en raison des accords de confidentialité liant l'AFLD à la fédération internationale concernée, l'International Rugby Board (IRB).

a rappelé à cette occasion la qualité des relations entretenues par l'AFLD avec l'ensemble des fédérations internationales, tout en indiquant que certaines divergences pouvaient quelquefois voir le jour quant aux modalités de mise en oeuvre des contrôles et des analyses des échantillons. Il a ainsi déclaré que l'AFLD n'était pas intervenue à l'occasion des derniers Internationaux de France de Tennis, la Fédération internationale de tennis (FIT) ayant préféré recourir aux services de préleveurs non assermentés et d'un laboratoire canadien, dont les prestations seraient moins coûteuses.

S'agissant du cyclisme, il a souligné que la coopération entre l'Union cycliste internationale (UCI), Amaury Sport Organisation (ASO) et l'AFLD avait été remarquable tout au long du dernier Tour de France. Il a ainsi noté que l'UCI, dont relevait l'organisation des contrôles, avait été extrêmement attentive aux propositions de l'AFLD à ce sujet et que ce dialogue avait permis à la lutte contre le dopage d'enregistrer les progrès significatifs dont les médias ont largement rendu compte.

Mettant ensuite l'accent sur l'organisation des contrôles, il a précisé qu'elle relevait de la compétence du directeur du département des contrôles, le collège de l'AFLD fixant quant à lui les grandes orientations. Il a fait observer qu'une telle indépendance garantissait l'efficacité de la mise en oeuvre de la politique de lutte anti-dopage.

a illustré ses propos en évoquant le cas de M. Floyd Landis, vainqueur du Tour de France de cyclisme en 2006 et contrôlé positif à la testostérone à l'issue d'une des étapes. Il a relevé que de tels événements et les procédures qui s'ensuivaient mettaient en évidence l'intérêt de pouvoir s'appuyer sur des préleveurs d'un très grand professionnalisme. Il a également indiqué que l'AFLD était saisie des agissements de M. Floyd Landis en vertu des textes applicables à l'époque des faits, qui prévoyaient la compétence du CPLD pour toutes les manifestations sportives organisées sur le territoire français, y compris celles relevant des fédérations internationales.

Après avoir évoqué ces événements, il s'est félicité de l'étroite collaboration qui s'est établie à cette occasion entre l'agence américaine de lutte contre le dopage, l'United States Anti-Doping Agency (USADA), et l'AFLD. Il a notamment rappelé que les deux agences avaient oeuvré de concert pour comprendre pourquoi un seul des contrôles-tests auxquels M. Floyd Landis avait été soumis durant le Tour de France 2006 s'était révélé positif, ce qui s'était traduit par un réexamen, sur la demande de l'USADA et après accord mûrement réfléchi de l'AFLD, des échantillons B correspondant aux échantillons A négatifs prélevés. M. Pierre Bordry a noté que ces analyses complémentaires avaient été réalisées dans son département des analyses, l'un des rares au monde à pratiquer les analyses isotopiques, et qu'elles avaient permis de mettre en évidence des traces de testostérone exogène dans les prélèvements. Il a signalé que grâce à ces résultats, l'USADA avait eu les moyens de démontrer qu'un sportif pouvait, s'il maîtrisait le protocole de dopage, utiliser de la testostérone de manière régulière sans franchir pour autant les seuils de détection.

Il a indiqué qu'il voyait dans cette coopération, exemplaire à ses yeux, un témoignage de l'efficacité croissante de la lutte internationale contre le dopage. Il a souligné toutefois qu'il était sans doute nécessaire d'aller plus loin, en examinant l'opportunité pour les instances disciplinaires françaises d'interdire, si nécessaire, à un athlète contrôlé positif et sanctionné par sa fédération internationale, de participer à des compétitions en France non seulement dans sa discipline, mais aussi dans des disciplines proches, à l'instar du triathlon pour un cycliste.

a présenté, ensuite, les réflexions que lui inspirait le projet de budget pour 2008 présenté par le Gouvernement, s'agissant de la lutte contre le dopage. A titre préliminaire, il a insisté sur le caractère partiel des informations dont il disposait, celles-ci étant uniquement issues de la conférence de presse donnée par Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Traçant tout d'abord les grandes lignes du budget de l'AFLD, il a rappelé que celui-ci reposait pour une large part sur une subvention versée par l'Etat, qui s'élevait pour 2007 à 7,18 millions d'euros. Il a ensuite estimé que le montant de ce concours, calculé à partir des sommes consacrées aux activités comparables qu'exerçaient auparavant le CPLD, le LNDD et le ministère chargé des sports ne permettrait pas à l'AFLD de faire face dans de bonnes conditions à l'ensemble de ses missions.

Il a, en premier lieu, évoqué la charge de la délivrance des autorisations d'usage thérapeutique (AUT), de plus en plus nombreuses. Il a ainsi évalué à 800 le nombre de demandes d'AUT déposées entre mai et septembre, avec une forte croissance depuis la rentrée.

A ce sujet, il a rappelé l'existence de deux types d'AUT, les premières, dites « abrégées », étant réputées acquises dès que l'AFLD a reçu la demande complète, les secondes, dites « standard », supposant une décision expresse de l'agence, prise sur avis conforme d'un comité d'au moins trois médecins. Il a indiqué à cet égard que l'Agence mondiale antidopage s'orientait vers une suppression de la procédure des AUT « abrégées », ce qui permettrait de bénéficier d'un regard médical sur chaque demande.

a également fait part de la nécessité de prévoir des investissements matériels et humains substantiels pour étendre les capacités d'analyses isotopiques utilisées notamment dans le cas de M. Floyd Landis, qui avaient à cette occasion démontré toute leur efficacité. Il a ensuite fait part des difficultés rencontrées par l'AFLD pour mener à bien sa mission de localisation des sportifs de haut niveau, celle-ci supposant des moyens humains substantiels pour gérer les informations concernées et surtout leur mise à jour. Il a néanmoins informé les membres de la commission de la décision de l'AFLD de mettre en oeuvre cette mission dans le cadre de la préparation olympique des athlètes français, l'Agence partageant avec le Comité national olympique et sportif français et son président, M. Henri Serandour, le souci de préserver l'image du sport français. Il a de plus indiqué qu'il avait saisi le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports d'une demande d'informations sur le dispositif de la préparation olympique, sans avoir obtenu de réponse à ce jour.

Il a ensuite présenté les modalités choisies par l'AFLD pour la localisation des athlètes, en faisant en particulier observer que l'Agence avait décidé de recourir au système d'administration et de gestion anti-dopage ADAMS, développé par l'Agence mondiale anti-dopage (AMA) pour l'ensemble des fédérations internationales et des agences nationales intéressées. Il a déclaré que l'AFLD avait obtenu l'accord de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) ainsi que celui de l'AMA, qui a autorisé l'AFLD à user du système ADAMS, à la condition que celle-ci s'engage à accepter à cette occasion le code mondial de la lutte anti-dopage, ce qu'elle a fait, du moins dans les limites de ses propres compétences. Désireux de préciser la position de l'AFLD sur ce point, il a notamment rappelé que le collège de l'agence avait émis un avis favorable sur la révision en cours de ce code, qui permet de véritables avancées, notamment dans le sens d'une plus grande personnalisation des sanctions disciplinaires en matière de dopage. Il a signalé que, sur ce point, l'évolution en cours du code mondial rapproche les normes internationales des positions prises par le Conseil d'Etat et tranche avec la doctrine appliquée jusque-là dans les pays de culture anglo-saxonne.

a ensuite estimé que la subvention de 7,3 millions d'euros inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008 contraindrait l'AFLD à faire des choix difficiles dans l'élaboration de sa politique de contrôle, dès lors que l'augmentation de 120 000 euros du concours de l'État ne permettrait de tenir que les engagements déjà pris, notamment envers les personnels de l'Agence ou liés aux coûts des réactifs du laboratoire. Il a en particulier souligné que le fonctionnement du département des analyses de l'Agence reposait sur des agents particulièrement qualifiés et jugé indispensable que leurs rémunérations soient établies en conséquence.

Il a jugé cela d'autant plus nécessaire que les personnels de ce département des analyses ont souvent fait l'objet d'une très forte pression médiatique, voire de menaces. C'est pourquoi le renforcement de la sécurité est prioritaire, en particulier contre les risques d'intrusion informatique. A titre d'exemple, il a fait état des attaques de ce type dont a été victime le laboratoire l'année dernière, qui ont conduit l'agence à recourir aux services spécialisés du secrétariat général de la défense nationale, afin de renforcer sa protection informatique.

Il a ensuite élargi son propos à la question du dialogue social au sein de l'AFLD, soulignant notamment qu'une commission paritaire y avait été créée et qu'elle permettait des échanges réguliers avec les représentants des personnels.

Souhaitant conclure son intervention par l'évocation des activités de l'AFLD en matière de recherche, M. Pierre Bordry a signalé l'existence auprès de l'agence d'un conseil scientifique, qui existait d'ailleurs antérieurement auprès du Laboratoire national de dépistage du dopage et qu'il importait de conserver pour être crédible vis-à-vis de l'AMA. Il a également observé que si l'AFLD n'avait pas vocation à disposer de structures de recherche qui lui soient propres, en dehors de son département des analyses, elle soutenait financièrement les travaux qui lui paraissaient susceptibles de faire progresser la lutte contre le dopage. Il a insisté sur l'intérêt de ces projets, auxquels s'associent souvent des fédérations sportives. Il a notamment cité à l'appui de son propos l'intérêt manifesté par la Ligue de football professionnel (LFP) pour des travaux scientifiques portant sur la mort subite des sportifs, engagés par le CPLD et poursuivis par l'agence. Il a également souhaité mentionner les nombreux partenariats établis entre l'AFLD et les grands organismes de recherche français et rappelé que l'AMA avait décidé de financer intégralement l'un des projets soutenus par l'Agence.

Il a enfin mis en avant la convergence existant entre la lutte contre le dopage et la recherche médicale et a fait état de l'intention de l'AFLD d'utiliser les demandes d'AUT pour recenser les pathologies dont souffrent les athlètes et analyser les pratiques thérapeutiques en matière de médecine du sport. Il a ainsi déploré un recours massif aux infiltrations de corticoïdes et exprimé son inquiétude devant les traitements prescrits à des jeunes sportifs mineurs souvent épuisés par un entraînement intensif. Il s'est toutefois réjoui de l'attention croissante accordée à ces questions au niveau international, tout en regrettant que le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports n'ait pas jusqu'ici jugé utile de renforcer les délégations françaises qui participent aux réunions sur ces sujets, alors même que les questions de médecine du sport relèvent pleinement de sa compétence.

Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.

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