Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que l'éducation est au coeur même de la lutte contre les inégalités, que prévoit votre projet de loi sur l'égalité des chances dans le système scolaire ? La création de l'apprentissage junior.
Vous n'intervenez qu'au niveau du collège, alors que les inégalités se sont déjà creusées et se sont installées durablement, et ce pour organiser une filière de relégation pour les élèves en situation d'échec, au lieu de mettre l'accent sur les dispositifs passerelles qui ont pourtant fait leurs preuves. Qu'en est-il du programme de trajet d'accès à l'emploi ou programme TRACE, qu'en est-il des classes et ateliers relais, de l'école de la seconde chance ?
Vous amplifiez ainsi la hiérarchisation des voies de formation en fonction du degré d'échec des élèves dans leur parcours antérieur.
En faisant de l'apprentissage la principale réponse à l'échec scolaire, vous associez apprentissage et formation de bas niveau. Vous renoncez de manière déguisée à la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En apprentissage junior, le jeune de 15 ans est à la fois sous contrat de travail et dans un statut hybride, il est « sous projet pédagogique », mais, quoi qu'il en soit, il n'est plus sous statut scolaire.
Vous faites miroiter des passerelles, un retour possible au collège, mais c'est un leurre : il s'agit en fait de bâtir une nouvelle filière, et la première année de l'apprentissage junior se déroulera dans un lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis.
La répartition même des différents types d'enseignement - enseignement général, enseignement technologique et stages en milieu professionnel - n'est pas connue.
En tout état de cause, l'apprentissage ne représente que treize semaines de cours par an. Comment des élèves en difficultés scolaires pourraient-ils acquérir les connaissances fondamentales dans ces conditions ?
Pour ceux qui n'avaient pas compris au moment de la discussion du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école que le socle commun n'était qu'un « cache-sexe », la preuve ultime en est désormais faite. Le socle n'est commun que jusqu'à la cinquième et l'ambition scolaire est réduite aux connaissances utilitaires. L'objectif de porter 80 % d'une génération au baccalauréat et d'atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur a pourtant été réaffirmé dans votre loi sur l'avenir de l'école. Il ne s'agit, là encore, que d'un leurre.
On ne trouve aucun dispositif de solidarité nationale en matière d'éducation, dans ce texte « fourre-tout ». Pire, c'est une logique contraire qui s'exprime, à travers la refonte des zones d'éducation prioritaire annoncée par M. Gilles de Robien à la suite de la crise des banlieues.
Votre conception de l'éducation prioritaire consiste à organiser la concurrence entre les élèves les moins favorisés, à faire sortir de leur quartier une poignée de bons élèves pour les faire accéder à des établissements plus prestigieux, ce qui permettra de légitimer le renoncement à la réussite de tous les autres et, ainsi, d'obtenir la paix sociale.