Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 24 février 2006 à 15h15
Égalité des chances — Article 1er

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Votre conception de l'éducation prioritaire, c'est en outre d'enfoncer un peu plus les quartiers dans la ghettoïsation, sous prétexte qu'il ne faut plus aider les territoires mais les individus.

Ceux qui auront réussi le devront à leur mérite, à leur talent, les autres ne devront s'en prendre qu'à leur démérite et à leur manque de talent naturel, alors que chacun sait que l'échec scolaire trouve prioritairement ses racines dans les inégalités sociales.

Vous renoncez à la transformation de l'école pour lutter contre la reproduction des inégalités en son sein.

Prenons l'exemple de la santé scolaire : l'observatoire des zones sensibles a montré que la présence médicale est plus faible en ZUS que dans les autres unités urbaines et que les problèmes de surpoids et d'obésité et les problèmes dentaires sont plus fréquents, dès la grande section de maternelle, dans les établissements scolaires situés en ZUS.

À quelles mesures vous a conduit ce constat ? À aucune !

Les collèges en ZUS comptent 12 % d'élèves d'origine étrangère, contre 4 % dans les collèges situés hors ZUS. Que proposez-vous, dans ce projet de loi, pour assurer la réussite scolaire des élèves non francophones ? Rien ! L'égalité des chances, ce n'est pas pour eux.

Ajoutons à cela l'idéologie qui sous-tend le contrat de responsabilité parentale, et vous transformez littéralement les victimes d'une société inégalitaire en coupables.

Vous abandonnez l'idéal républicain de justice sociale pour une vision individualiste, où les défaillances de notre société à offrir une place à chacun sont travesties en une mise en cause et une culpabilisation des plus faibles qui, en définitive, légitime l'exclusion.

Ceux qui restent finalement sur le bord de la route sont renvoyés à leurs propres responsabilités : leur situation est telle parce qu'ils ne sont pas adaptables, pas intégrables.

L'égalité des chances à l'école, pour ne pas rester un simple slogan, doit se mettre en place dès la maternelle. Nous faisions d'ailleurs des propositions en ce sens.

L'égalité des chances doit suivre un continuum jusqu'à l'enseignement supérieur, car l'insertion professionnelle des jeunes est d'autant plus réussie que leur niveau de formation initiale est élevé. C'est ce que montrent toutes les études internationales. Le Gouvernement est loin d'en avoir tiré les conséquences dans sa politique d'éducation.

Votre politique en matière d'éducation en effet, comme en matière sociale, c'est la politique du renoncement : suppression des travaux personnels encadrés qui préparaient aux méthodes de travail de l'enseignement supérieur ; socle de savoirs fonctionnels déconnectés de la culture - qui leur donne sens - et qui n'est plus commun ; proposition d'installer, dans des lycées qui manquent d'infirmières ou de conseillers d'éducation, des permanences policières ; apprentissage de la lecture appréhendé comme une simple inculcation de mécanismes ; diminution de fait de l'âge de la scolarité obligatoire, au lieu d'aménager la scolarité pour qu'elle offre à tous les élèves les moyens d'accéder aux fondamentaux de la citoyenneté. Vous privilégiez l'exclusion par rapport à la formation, l'expulsion par rapport à l'intégration, la culpabilisation par rapport à la protection. Cela ressemble fort à un projet de M. le ministre de l'intérieur.

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