a tout d'abord remercié M. Jean Bizet de l'avoir accompagnée à la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui s'est tenue à Genève du 30 novembre au 2 décembre 2009 et dont elle a conduit la délégation française aux côtés du ministre de l'agriculture M. Bruno Le Maire et de représentants des partenaires sociaux, notamment la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF).
Après avoir précisé qu'elle centrerait son propos introductif sur la situation des négociations à l'OMC, elle a abordé les points suivants :
- cette audition intervient à un moment charnière au niveau européen en matière de politique commerciale pour deux raisons principales : d'une part l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui fait du Parlement européen un co-législateur en matière de politique commerciale ; d'autre part l'entrée en fonction du Belge M. Karel de Gucht au poste de commissaire au commerce, en remplacement de Mme Catherine Ashton ;
- les négociations du cycle de Doha ont échoué en juillet 2008 en raison d'un désaccord entre les États-Unis et l'Inde concernant la possibilité pour cette dernière d'utiliser une mesure de sauvegarde pour protéger son agriculture, et elles n'ont guère avancé depuis lors, en dépit des appels répétés des chefs d'État du G20 ;
- trois raisons principales, à la fois conjoncturelles et structurelles, expliquent ce blocage : en premier lieu la survenue de la crise a donné lieu à un retour de la tentation protectionniste, ce qui a conduit l'OMC à s'investir activement dans le monitoring des mesures protectionnistes même si l'atmosphère générale n'était pas favorable en 2009 à une nouvelle étape de libéralisation commerciale ; de manière plus profonde, le contexte international a beaucoup évolué depuis le lancement du « Cycle de développement de Doha » qui avait pour objectif premier d'ouvrir les échanges en faveur du développement des pays les plus pauvres et, notamment, depuis 2001, la Chine a plus que doublé sa part de marché dans le commerce mondial ; enfin, la nouvelle administration américaine du Président Barack Obama ne semble ni accorder la priorité aux négociations commerciales ni disposer du soutien politique nécessaire pour conclure le cycle de Doha ;
- le blocage repose aujourd'hui essentiellement sur un désaccord entre les États-Unis et les grands pays émergents sur le degré d'ouverture de leur marché et l'Union européenne, membre autrefois actif des négociations commerciales internationales, n'est plus au centre des discussions et peine à mettre en avant ses intérêts offensifs.
a indiqué que, dans ce contexte difficile, la France défendait une position ferme quant au cycle de Doha :
- sur le volet agricole, l'Union européenne est allée au bout de ses concessions dans sa proposition de juillet 2008 et il n'est pas envisageable d'aller plus loin ; à cet égard, le Gouvernement reste particulièrement déterminé à ce qu'un accord sur l'agriculture à l'OMC n'oblige pas l'Union européenne à revoir la politique agricole commune, réformée en 2003 ; l'argument d'éventuelles concessions agricoles supplémentaires de la part de l'Union européenne qui « aideraient » les États-Unis à assouplir leur position vis-à-vis des pays émergents doit être fermement écarté ;
- sur le volet industriel, stabilisé en juillet 2008, les résultats peuvent être améliorés notamment à travers des ouvertures plus poussées dans certains secteurs et cette discussion sectorielle sera vraisemblablement très difficile avec les pays émergents : actuellement l'Union européenne est offensive sur la chimie et les machines industrielles et la Commission réfléchit par ailleurs à une initiative de libéralisation des biens environnementaux ;
- sur les services, le Gouvernement cherche à pousser la Commission à rester offensive et à demander que des offres révisées de libéralisation soient présentées.
a ajouté que la France avait également l'ambition que de nouveaux sujets soient abordés à l'OMC, considérant que la place du cycle de Doha dans son agenda ne devait pas retarder des discussions indispensables sur les enjeux actuels du commerce international, qui ne sont plus seulement les droits de douane :
- il est indispensable de réintroduire dans les discussions de l'OMC les grandes questions qui n'auraient jamais dû en sortir comme les marchés publics et la sécurité des investissements à un moment où la crise a montré que c'était précisément dans ces domaines que le protectionnisme avait pu s'épanouir ;
- par ailleurs, la question des relations entre règles commerciales, sociales et environnementales doit être enfin traitée à l'OMC : le Président de la République a ainsi proposé de travailler sur le lien entre les règles de l'OMC et celles de l'Organisation internationale du travail (OIT), en mettant en place un système de questions préjudicielles ; s'agissant du climat, le débat sur les mesures d'ajustement aux frontières pour éviter les fuites de carbone est incontournable ;
- porter ces nouvelles priorités à Bruxelles nécessite d'une part un travail d'explication approfondi avec la nouvelle Commission et les autres États membres, en particulier l'Allemagne, et d'autre part un dialogue constant avec la société civile, en particulier avec les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG) ainsi qu'avec les parlementaires nationaux et européens.
Enfin, Mme Anne-Marie Idrac a présenté aux membres de la commission les résultats de la première conférence ministérielle ordinaire de l'OMC qui s'est tenue à Genève :
- l'OMC n'est plus aujourd'hui un sujet de tension comme elle l'a été en 2008 : dans un contexte de difficultés de la gouvernance internationale, illustrées par l'échec de Copenhague, c'est un système de régulation qui fonctionne bien, doté d'un organe de règlement des conflits efficace, et tous les ministres présents à Genève, y compris les représentants des pays les plus pauvres, ont défendu l'ouverture commerciale et rejeté le protectionnisme ;
- bien qu'absent de l'ordre du jour, le cycle de Doha a pesé sur la conférence de décembre 2009 et aucun accord consensuel n'a été trouvé pour annoncer la tenue d'une réunion ministérielle de bilan du cycle avant la fin du 1er trimestre 2010 même si la présence de nombreux ministres éminents des différents pays membres de l'OMC témoigne d'un intérêt dynamique porté au commerce extérieur ;
- il n'a pas été possible d'amorcer de véritable discussion sur les nouveaux sujets ;
- en matière de libéralisation commerciale la tendance semble être de plus en plus à la conclusion d'accords régionaux, comme le montre par exemple la vitalité du commerce intra-zone en Asie du Sud-Est ;
- la Commission a dégagé un certain nombre de priorités : faire aboutir l'accord avec la Corée du Sud ; relancer les négociations sur la Colombie ; entamer les négociations avec Singapour ; poursuivre les négociations avec l'Inde et le Canada, principalement centrées sur les marchés publics.