Intervention de Philippe Séguin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 juin 2009 : 1ère réunion
Certification des comptes de l'etat et exécution budgétaire de 2008 -Audition de M. Philippe Séguin premier président de la cour des comptes et de M. Christian Babusiaux président de la première chambre de la cour des comptes

Philippe Séguin :

S'agissant de la certification des comptes de l'Etat pour 2008, M. Philippe Séguin a précisé que douze réserves avaient été émises, dont neuf substantielles. En certifiant les comptes, la Cour a toutefois adopté une démarche constructive afin d'accompagner l'Etat dans son processus de modernisation. Plusieurs progrès ont été constatés par rapport à l'exercice 2007, et deux réserves ont été intégralement levées, concernant le compte des procédures publiques gérées par la Coface et la section des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que les provisions pour risques de l'Etat. Ont également été réglés les désaccords entre la Cour et l'Etat sur la comptabilisation des déficits fiscaux reportables en avant et sur la valorisation des immobilisations incorporelles spécifiques. Au total, la Cour a formulé 283 observations d'audit et obtenu des corrections et ajustements à hauteur de 9 milliards d'euros au compte de résultat, de 27 milliards d'euros au bilan et de 33 milliards d'euros au titre des engagements hors-bilan.

Il convient de se féliciter de ce que la comptabilité générale favorise la diffusion d'une culture de maîtrise des risques au sein de l'Etat, ainsi qu'une plus grande transparence de l'information, s'agissant par exemple des stocks de déficits fiscaux qui viendront s'imputer sur les recettes futures ou de la valorisation des nouveaux actifs de l'Etat liés aux autorisations d'exploiter le spectre hertzien, aux quotas d'émissions de gaz à effet de serre ou à des opérations d'armement telles que la mise au point de l'A 400M.

Des difficultés persistantes sont néanmoins à déplorer. Ainsi, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) devrait être incluse dans le périmètre des comptes de l'Etat, qui la contrôle et en assume les risques. Son reclassement en entité contrôlée aboutirait à grever la situation nette de l'Etat de 80 milliards d'euros. De même, plusieurs problèmes ayant donné lieu à la formulation de réserves substantielles en 2006 et 2007 peinent à trouver leur solution. Il en va ainsi de la valorisation exhaustive et fiable du patrimoine immobilier de l'Etat ou du recensement des opérateurs, dont les comptes sont par ailleurs de qualité médiocre et produits tardivement.

Au cours du prochain exercice de certification, la Cour fera preuve de compréhension à l'égard des chantiers qui ne peuvent raisonnablement aboutir à brève échéance, tels que la modernisation des systèmes d'information. Il n'en sera pas de même des domaines où les progrès sont à portée de main, à l'instar des comptes de trésorerie, des produits régaliens ou des passifs d'intervention. En la matière, la Cour devra tirer toutes les conséquences d'une éventuelle inertie, sous peine de priver la mission de certification de toute crédibilité.

a ensuite présenté les conclusions de la Cour sur les résultats et la gestion budgétaire pour 2008. Si l'exercice 2009 se caractérisera par un niveau de déficit et de dette sans précédent, la fin de l'exercice 2008 manifeste déjà une nette dégradation du solde. Selon le projet de loi de règlement, le déficit de l'Etat s'établit à 56,3 milliards d'euros en 2008, en augmentation de près de 47 % par rapport à 2007. Ce montant équivaut au quart des recettes annuelles de l'Etat.

Comme à l'accoutumée, le résultat affiché dans le projet de loi de règlement ne prend pas en compte certaines dépenses ou dettes pourtant exigibles, pour un total de 5,9 milliards d'euros. Par ailleurs, les « errements » traditionnellement constatés, tels que les sous-budgétisations, les contractions de recettes et de dépenses ou les reports de charges ne semblent ni plus ni moins importants que les années précédentes. La Cour, qui ne reprend à son compte aucun chiffre alternatif de déficit, n'est pas habilitée à statuer sur la sincérité du projet de loi de règlement, dont elle n'examine que l'exactitude. La portée du dernier alinéa du nouvel article 47-2 de la Constitution aura donc vocation à être précisée, afin de déterminer si les principes de régularité et de sincérité des comptes des administrations publiques qu'il définit s'appliquent à la seule comptabilité patrimoniale ou s'étendent aux résultats budgétaires.

Selon M. Philippe Séguin, la crise n'a eu qu'un impact limité sur la dégradation du déficit en 2008, dégradation dont les causes sont essentiellement structurelles. Celles-ci résident dans une diminution des recettes fiscales et non fiscales, indépendante de la conjoncture, et dans une croissance insuffisamment maîtrisée des dépenses, non imputable aux effets du plan de relance. Les recettes fiscales nettes diminuent, pour la troisième année consécutive, de 2,5 % par rapport à 2007. Une première baisse de 6,1 milliards d'euros résulte des transferts de recettes opérés vers les collectivités territoriales pour accompagner la dévolution de nouvelles compétences, ainsi que vers les administrations de sécurité sociale en compensation des politiques d'exonération et d'allègement de charges. Un second facteur d'érosion réside dans les allègements d'impôts, pour 7,8 milliards d'euros, dont 3,2 milliards d'euros au titre de la seule loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Hors transferts, allègements et aléas ayant affecté la prévision, l'impact de la crise sur les recettes de 2008 est, au total, inférieur à 4 milliards d'euros.

Parallèlement, les dépenses ont crû en valeur de 2,8 % au lieu des 1,9 % programmés en loi de finances initiale, et ce sans tenir compte de certaines dépenses irrégulièrement payées en dehors du budget de l'Etat. Figurent parmi ces dépenses les primes d'épargne logement financées au moyen d'avances rémunérées du Crédit foncier de France ou le remboursement de dettes à la sécurité sociale au moyen d'une contraction irrégulière de recettes et de dépenses. La réintégration de ces sommes conduit à une augmentation de 3,4 % de la norme de dépense, dont il convient de rappeler qu'elle exclut les charges des comptes spéciaux, les opérations de trésorerie, et surtout les dépenses fiscales, qui ont augmenté de 7 % par rapport à 2007 pour s'établir à un total de 73 milliards d'euros. Sur ce dernier point, l'amélioration de l'information contenue dans les projets et rapports annuels de performance, la création d'un objectif annuel de dépense fiscale et l'obligation de gager toute nouvelle création d'une telle dépense constituent toutefois d'indéniables avancées.

A l'instar du constat formulé sur les recettes, l'impact de la crise sur les dépenses est demeuré très faible en 2008. Le plan de relance pèsera essentiellement sur 2009 et le plan de soutien au secteur financier a reposé avant tout sur l'octroi de garanties n'ayant pas encore donné lieu à des déboursements de la part de l'Etat, hors prise de participation dans le groupe Dexia. La comptabilité patrimoniale contribue à affiner et à « assombrir » le diagnostic, en faisant apparaître un alourdissement de la dette financière de près de 100 milliards d'euros en 2008. En deux ans, le résultat comptable de l'Etat s'est dégradé de 131 %, traduisant la progression des charges financières, de fonctionnement et d'intervention de l'Etat.

a considéré que la nouvelle comptabilité générale doit désormais constituer le support privilégié de l'analyse de la soutenabilité des finances publiques. Comme l'illustrent les informations précieuses qu'elle fournit sur les conséquences des garanties accordées par l'Etat dans le cadre du soutien au secteur financier ou sur les engagements hors-bilan associés aux pensions, cette comptabilité permet de s'affranchir de la vision partielle et parfois en « trompe-l'oeil » de la comptabilité budgétaire. Il a conclu en jugeant nécessaire de porter un coup d'arrêt à la baisse des recettes, de mettre en oeuvre des réformes structurelles plus ambitieuses que celles qui sont en cours et de ne pas prendre prétexte de la crise pour renoncer à la pleine application de la LOLF.

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