Intervention de Pierre Perrin

Commission des affaires économiques — Réunion du 8 mars 2006 : 1ère réunion
Petites et moyennes entreprises — Audition de M. Pierre Perrin président de l'union professionnelle artisanale upa

Pierre Perrin, président de l'UPA :

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Perrin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

Après avoir rendu hommage au travail parlementaire, et notamment à celui du Sénat, qu'il a estimé faire preuve d'écoute à l'égard des problématiques de l'artisanat, M. Pierre Perrin, président de l'Union interprofessionnelle artisanale (UPA), a souligné l'importance du secteur de l'artisanat en termes d'emploi, en particulier en milieu rural où il est le premier employeur, et de développement économique, observant qu'alors que la mondialisation et l'intégration européenne amplifiaient le phénomène des délocalisations, l'artisanat créait pour sa part des emplois dans les territoires.

Puis, abordant le projet de loi sur l'égalité des chances, il s'est félicité de la position adoptée par le Sénat à l'initiative de M. Pierre André, rapporteur de la commission des affaires économiques, sur les articles concernant l'urbanisme commercial dans les zones franches urbaines (ZFU). Il a considéré que les mesures dérogatoires des articles 13, 14 et 15, supprimés par le Sénat, auraient été extrêmement pénalisantes pour le commerce de proximité dans les ZFU en même temps qu'elles auraient offert des opportunités discrétionnaires aux grandes et moyennes surfaces, ce qui aurait, selon lui, contribué à la déshumanisation des quartiers et à leur paupérisation.

Il a, par ailleurs, rappelé que l'UPA avait été sensible à la proposition de loi de M. Alain Fouché, adoptée par le Sénat à la suite du rapport qu'il avait rédigé sur l'urbanisme commercial, considérant qu'il s'agissait d'un premier pas et que l'effort devait être poursuivi, l'équilibre entre toutes les formes de commerce n'existant pas aujourd'hui. Il a estimé que derrière la question à caractère économique portant sur la pertinence du système de distribution français, étaient posées des questions sous-jacentes en termes d'aménagement du territoire, d'animation des quartiers, de qualité de vie, de santé et d'hygiène alimentaire ainsi que de comportement consumériste, c'est-à-dire toutes les dimensions d'un véritable sujet de société.

Examinant ensuite la remise en cause de la loi Galland sur les relations commerciales résultant de la loi relative aux PME du 2 août 2005, M. Pierre Perrin, président de l'UPA, a rappelé qu'avec la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), l'UPA avait fait part de ses plus vives réserves concernant les intentions du Gouvernement en matière d'intégration progressive des marges arrières dans le prix de vente. Exprimant sa crainte que les nouvelles règles n'arrivent pas à enrayer une guerre des prix entre distributeurs, il a estimé que l'éventuelle réduction des prix dans la grande distribution se paierait par une pression toujours plus forte sur les fournisseurs et par une incapacité du commerce de détail à tirer son épingle du jeu dans un marché devenu un véritable oligopole.

Poursuivant l'examen des dispositions de la loi PME du 2 août 2005, il a estimé que, grâce à l'intervention active de la commission et de son rapporteur, M. Gérard Cornu, ce texte comportait un certain nombre de mesures importantes pour le secteur de l'artisanat, citant en particulier le dispositif de provision pour investissement, l'extension du prêt participatif, ou encore la reconnaissance du statut et des droits sociaux du conjoint collaborateur. Il a, en revanche, porté un jugement négatif sur le dispositif de formation professionnelle continue, considérant que sa mission première était remise en cause dès lors que les fonds d'assurance formation (FAF) pouvaient désormais financer la formation des créateurs ou repreneurs d'entreprise artisanale et commerciale. Il a observé qu'alors que, dans tous les secteurs d'activité, était préconisée la formation tout au long de la vie, cette disposition faisait suite à la réduction de la contribution des artisans au dispositif de formation pour assurer la contrepartie du relèvement de la taxe pour frais des chambres de métiers, et s'accompagnait de la décision de reporter la réforme des FAF. A cet égard, rappelant que cette réforme aurait dû, en vertu d'une ordonnance de simplification, faire rentrer la formation professionnelle continue des artisans dans le droit commun et simplifier les circuits de financement dès le 1er janvier 2006, il a regretté le report de deux ans de sa mise en oeuvre en soulignant qu'il risquait de faire ressurgir des antagonismes qui avaient pu être aplanis dans le cadre d'un compromis et qu'il plaçait l'aboutissement d'une réforme utile dans la plus grande incertitude. Concluant sur ce point, il a appelé le Parlement à exercer son « droit de suite » sur les textes qu'il a votés, soulignant l'importance de pouvoir rapporter à la réalité du terrain les dispositifs législatifs soumis à l'usage du temps et à l'appréciation de ceux qu'ils concernent directement.

Abordant ensuite la question de l'emploi, dont il a relevé qu'elle faisait partie des priorités du Gouvernement, M. Pierre Perrin, président de l'UPA, a souligné l'enjeu que représenterait dans les prochaines années la transmission des entreprises artisanales au regard de leur pérennité, rappelant que de 250.000 à 300.000 entreprises artisanales allaient devoir trouver un nouveau dirigeant du fait des départs en retraite. Il a par ailleurs indiqué que, dans le rapport, publié récemment par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, établissant la liste des secteurs allant connaître dans les mois à venir des besoins en termes d'emploi, figuraient beaucoup de professions relevant du secteur des métiers. Il a souligné qu'il s'agissait, pour l'UPA, d'un dossier important sur lequel travaillait son organisation, notamment avec le Fonds national de promotion du commerce et de l'artisanat (FNPCA), pour développer des campagnes promotionnelles visant à attirer les jeunes et à mettre en avant les véritables perspectives de carrière offertes par l'artisanat.

Puis M. Pierre Perrin, président de l'UPA, a précisé que son organisation était favorable au « contrat nouvelle embauche » (CNE) et qu'elle avait soutenu cette initiative du Gouvernement après avoir trouvé, avec le ministre du travail, le meilleur équilibre possible entre la souplesse qu'exigeaient les mouvements d'activité d'une petite entreprise en fonction d'un marché instable et les garanties minimales à apporter aux salariés. Abordant la question de la précarité évoquée par les détracteurs du CNE, il a estimé que les caractéristiques du fonctionnement de l'entreprise artisanale, et en particulier la confiance que devait avoir l'artisan dans ses salariés - lesquels pouvaient, sur un chantier, dans une boutique ou dans un atelier, être conduits à le remplacer -, ne conduiraient pas les artisans à recourir à des « CNE Kleenex ». Il s'est en outre félicité que le « contrat première embauche » (CPE), destiné aux entreprises de plus de vingt salariés, vienne compléter utilement le dispositif du CNE, applicable aux seules petites entreprises.

S'agissant de « l'apprentissage junior », qui figurait également dans le projet de loi sur l'égalité des chances, il a contesté que l'UPA, très impliquée dans la filière de l'apprentissage, ait été hostile à ce nouveau cursus, précisant que son organisation avait simplement observé qu'il ne constituait pas une réponse universelle à l'insertion professionnelle des jeunes et que la famille et l'éducation nationale devaient jouer leur rôle dans l'acquisition des savoirs et compétences élémentaires des apprentis.

Par ailleurs, il a estimé que le développement de la pratique du curriculum vitæ anonyme, suggéré par un amendement adopté par le Sénat, constituait une mesure d'apparence généreuse mais tout à fait inadaptée à la réalité du recrutement dans les très petites entreprises.

Après avoir rappelé la sorte de psychodrame vécu dans les derniers mois de 2005 en ce qui concernait la prorogation de la TVA à taux réduit dans le secteur du bâtiment, M. Pierre Perrin, président de l'UPA, a souligné la nécessité d'établir une relation de confiance entre un secteur économique et ses représentants d'un côté, et le Gouvernement de l'autre, et estimé indispensable de mener une réflexion au niveau des instances européennes pour avancer sur la fiscalité européenne. En outre, il a considéré que le débat sur l'adaptation de la fiscalité aux secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre n'était pas achevé, évoquant à cet égard les secteurs de la restauration et de la coiffure.

Puis il s'est félicité que le nouveau texte de la directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein », récemment adopté en première lecture par le Parlement européen, semblât écarter désormais les risques de dumping social. Il a souligné à cet égard que l'UPA et, plus largement, le secteur de l'artisanat, étaient favorables à l'ouverture du marché dans le cadre d'une « concurrence libre et non faussée » et à la libre circulation des salariés ressortissants des nouveaux Etats membres, dans le respect des règles sociales et fiscales du pays d'accueil.

Estimant ensuite que la question de la réforme du financement de la protection sociale, souhaitée par le Président de la République, était fondamentale pour mettre fin à un système qui pénalisait l'emploi, M. Pierre Perrin, président de l'UPA, a observé que l'élargissement de l'assiette des cotisations sociales constituait l'une des plus anciennes revendications portées par l'UPA en tant que partenaire social engagé dans le paritarisme et la gestion de la sécurité sociale. Il a précisé que la voie privilégiée par son organisation consistait à moduler le montant des cotisations patronales en fonction de l'importance de la masse salariale dans le chiffre d'affaires, de sorte que le niveau des charges serait d'autant plus réduit que la part des salaires serait élevée.

En conclusion, il a souhaité alerter la commission, et plus particulièrement ses rapporteurs pour avis pour le budget de la mission « Développement et régulation économiques », sur les crédits affectés au développement économique. Relevant qu'il s'agissait d'une enveloppe, qu'il a jugée extrêmement modeste au regard des engagements publics consentis dans d'autres secteurs, utilisée, dans un cadre contractuel, par les organisations professionnelles pour développer des actions de soutien décentralisées auprès des artisans (emploi, conseil, accompagnement...), il a précisé que son utilisation avait récemment fait l'objet d'une réforme visant à mieux en évaluer l'usage. Regrettant que les crédits concernés aient subi depuis deux ans une réduction progressive et conséquente, il a considéré que si la délégation aux organisations professionnelles du soutien au développement économique était toujours considérée comme opportune par les pouvoirs publics, le respect des engagements pris devait conduire le Gouvernement à accompagner de manière significative un secteur d'activité apportant sa part à la croissance et au dynamisme de l'économie française. Faisant référence aux prérogatives dévolues au Parlement en matière de contrôle budgétaire, il a appelé la commission et ses rapporteurs budgétaires à être très vigilants sur ce point.

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