Intervention de Baudouin Prot

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 janvier 2010 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative pour 2010 — Audition de M. Baudouin Prot président et de Mme Ariane Obolensky directrice générale de la fédération bancaire française fbf

Baudouin Prot, président de la Fédération bancaire française :

a tout d'abord exposé le contexte général de cette taxation exceptionnelle et a insisté sur les différences entre les industries bancaires française, britannique et américaine. La taxe annoncée par le Président Obama doit permettre de récupérer l'intégralité des pertes subies par le Trésor américain au titre du soutien qu'il a apporté à l'économie. En France, en revanche, le plan de soutien aux banques s'est finalement révélé positif pour les finances publiques puisqu'il a rapporté près de deux milliards d'euros à l'Etat. Par ailleurs, près de 13 milliards d'euros, sur 17 milliards d'euros engagés, ont été remboursés par les établissements financiers. Au Royaume-Uni, le coût du soutien aux banques est estimé à environ 100 milliards de livres sterling, sans qu'aucune échéance de remboursement n'ait, pour l'instant, été fixée.

a également souligné que les banques françaises ont continué, l'an dernier, à financer l'économie en dépit de la crise. L'objectif d'une hausse moyenne de l'encours de crédit de 3 % ne sera probablement pas tenu mais il devrait se situer au-dessus de 2 %. Les crédits à l'habitat ont été dynamiques. La situation du crédit aux entreprises est plus contrastée. Les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) devraient voir leur encours de crédit augmenter d'environ 2 %. Ce niveau ne devrait néanmoins pas être atteint pour les plus grandes entreprises qui ont préféré se financer par le biais du marché obligataire. Il a enfin observé que, en termes d'emploi, l'industrie bancaire française a consenti un effort significatif puisque 30 000 contrats à durée indéterminée (CDI) ont été signés en 2009.

a ensuite jugé que la France a été exemplaire et pionnière sur la question des rémunérations variables et des bonus. Il a rappelé que des règles professionnelles spécifiques ont été établies en février 2009 et précisées en août 2009 après avoir été approuvées par le G 20. En septembre 2009, la Commission bancaire a procédé à un contrôle approfondi auprès de sept établissements. Par un arrêté du 3 novembre 2009, la France a été le premier pays au monde à donner une force juridique contraignante à ces normes. M. Michel Camdessus a été désigné pour en suivre l'application. Il procédera notamment à l'examen approfondi des cent premières rémunérations des plus grands établissements de la place de Paris, et pourra formuler des recommandations à leurs conseils d'administration.

Il a estimé que ces changements sont la traduction d'une profonde rupture pour les banques. Il a insisté sur le fait qu'aucun autre pays n'a, dans son corpus juridique, de texte aussi précis. Il a notamment précisé que l'arrêté du 3 novembre 2009 dispose qu'au moins 50 % de la rémunération variable est étalée sur trois ans. De surcroît, cette part différée doit être conditionnelle. Elle sera effectivement versée en fonction des performances de l'individu et de l'entreprise dans la durée.

a ensuite observé que les banques doivent désormais supporter deux nouvelles charges. La réforme de la taxe professionnelle entraîne un surcoût pour le secteur bancaire de près de 150 millions d'euros. Par ailleurs, le montant de la contribution destinée à financer l'autorité de contrôle prudentiel s'élèvera également à 150 millions d'euros, selon les derniers calculs effectués par la FBF. Il a insisté sur le caractère pérenne de ces deux nouvelles charges. Les banques devront aussi répondre à une exigence accrue de fonds propres. Il a estimé que le niveau des fonds propres réglementaires pourrait tripler pour certaines activités. Les nouvelles réglementations du Comité de Bâle pourraient ainsi conduire à diminuer la capacité des banques à financer l'économie dans un contexte de plus en plus contraint. En effet, il a jugé que la politique monétaire devrait inéluctablement être amenée à se durcir. De même, les politiques budgétaires seront probablement plus rigoureuses dans les années à venir. Il a observé que le modèle rhénan de financement de l'économie par les banques demeure prédominant en France tandis que les entreprises anglo-saxonnes ont majoritairement recours aux marchés financiers. Dès lors, il importe que les fonds propres des banques ne soient pas soumis à la pression de prélèvements excessifs et croissants.

a rappelé que la compétitivité constitue un élément cardinal de l'industrie bancaire, qui demeure une activité à très haute valeur ajoutée et facilement délocalisable. Celle-ci représente, pour la place de Paris, près de 30 000 emplois. Il a remarqué que le projet de taxe sur les bonus est restreint à la France et au Royaume-Uni. En revanche, ni les Etats-Unis, ni les places asiatiques ne semblent désireux de mettre en place une telle taxe.

En ce qui concerne l'article 1er du projet de loi de finances rectificative tel qu'il est soumis à l'examen de l'Assemblée nationale, M. Baudouin Prot a souligné que la taxe doit rester exceptionnelle et se limiter à une seule année. Il a jugé cet élément vital pour la compétitivité de la place de Paris. Par ailleurs, il a mis en garde contre une taxation qui repose en grande partie sur une assiette « virtuelle ». En effet, le produit de la taxe sera définitivement acquis à l'Etat en 2010 même si la partie différée de la rémunération variable relative à l'exercice 2009 n'est finalement pas versée aux professionnels de marché. Enfin, il a plaidé pour que la déductibilité de la taxe à l'impôt sur les sociétés soit maintenue. Il a notamment argué du fait que toutes les taxes, hormis les amendes et les pénalités, sont déductibles de cet impôt. Il a expliqué que pour un euro de rémunération variable attribué, 2,8 euros sont acquittés sous forme de prélèvements obligatoires.

a indiqué que l'existence de la taxe devrait amener les banques à modérer l'enveloppe des rémunérations variables qu'elles entendent distribuer. Sur le périmètre de la taxe, il a rappelé qu'elle ne devrait concerner que les professionnels de marché, à l'exclusion des courtiers, qui sont intéressés au chiffre d'affaires selon une logique différente. A cet égard, il a salué la rédaction de l'avant-projet britannique qui se réfère aux seuls « bonus discrétionnaires ».

Il a enfin relevé que la rentabilité des banques françaises est bonne et qu'elle doit absolument être maintenue. En effet, elle constitue un gage fondamental pour lever des fonds propres qui permettront, par ailleurs, de développer l'activité de crédit et le financement de l'économie. Il a considéré que la marge de manoeuvre des banques françaises demeure limitée et qu'elle ne doit pas être obérée par des ponctions trop importantes sur leurs bénéfices.

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