Intervention de François Pillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 janvier 2009 : 1ère réunion
Audition de M. François Ailleret président de la commission sur le développement de la poste

Photo de François PilletFrançois Pillet, président de la Commission sur le développement de La Poste :

Remerciant M. François Ailleret d'avoir accepté de venir présenter le rapport de cette commission, constituée à la demande du Premier ministre, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé l'intérêt que la commission des affaires économiques avait toujours porté à La Poste, et, plus généralement, à l'évolution des grands services publics, commandée en particulier par le droit communautaire.

En introduction à son propos, M. François Ailleret a brièvement rappelé le déroulement des travaux de la commission sur le développement de La Poste. A la suite de la lettre de mission du Premier ministre, datée du 25 septembre 2008, la commission a été installée le 26 septembre par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation. La commission a tenu quinze réunions au cours desquelles, après avoir entendu M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste, elle en a étudié les différents métiers et examiné le point de vue de ses clients, ainsi que certains exemples étrangers. M. François Ailleret a insisté sur le fait que la commission, dont étaient membres des députés et des sénateurs, avait tenu à entendre les élus locaux, à travers l'association des maires de France (AMF), mais aussi des représentants des communes rurales, des élus de la montagne, des départements et des régions, des parlementaires. Le rapport, dont le président de la commission sur le développement de La Poste a souligné qu'il n'engageait que lui, a été présenté au Premier ministre le 17 décembre 2008 et a fait, le 19 décembre, l'objet d'une réunion à l'Elysée à laquelle ont notamment participé, autour du Président de la République, le Premier ministre et les ministres concernés.

Rappelant que La Poste, qui a déjà beaucoup évolué au cours des dernières années, n'était pas une entreprise comme les autres du fait de sa dimension symbolique, politique et sociale, M. François Ailleret a souligné qu'au sein de la commission certains éléments avaient fait l'objet d'un consensus :

- le statu quo ne paraît pas acceptable ;

- il faut confirmer les missions de service public et de service universel de La Poste, mais aussi assurer son développement dans des activités commerciales ;

- La Poste doit rester une entité publique et l'unité du groupe constitue une force essentielle ;

- la présence postale sur le terrain est une obligation mais aussi un atout ;

- La Poste a besoin de croissance et doit mener une politique active de développement, notamment pour acquérir ou conforter une dimension européenne.

Abordant ensuite l'examen des enjeux auxquels est confronté chacun des « métiers » de La Poste, M. François Ailleret a relevé que -ce qui constitue une singularité française- La Poste est un groupe intégré regroupant des métiers différents correspondant à des obligations de service public : le service universel postal ; la contribution à l'aménagement du territoire ; le transport et la distribution de la presse ; l'accessibilité bancaire. Chacune de ces activités, a-t-il souligné, a en principe un mode de financement particulier mais, en pratique, la majeure partie de leur coût est financée par les bénéfices du courrier. Par ailleurs, La Poste, qui, avec 299 000 salariés, est, après l'Etat, le premier employeur de France, est déjà confrontée à la concurrence sur le marché du colis express, sur lequel interviennent les postes néerlandaise et allemande et des opérateurs américains.

a observé que La Poste présentait des fragilités.

Ainsi, l'activité « courrier » baisse en volume pour la première fois depuis sa création sous Louis XI, en particulier en raison de la concurrence des médias électroniques, et l'ouverture totale à la concurrence de ce marché au 1er janvier 2011 constitue un défi à relever.

Certes, La Poste a un potentiel de croissance important dans le secteur du colis express, de la banque et de la diversification des services de courrier mais, pour réaliser ce potentiel, des investissements importants seront nécessaires, alors que l'entreprise supporte déjà un endettement de 6 milliards d'euros, trois fois supérieur à son résultat brut d'exploitation.

Dans ce contexte, la commission sur le développement de La Poste a estimé que l'entreprise devait réagir vigoureusement, et dans le même temps répondre aux inquiétudes relatives à l'avenir de ses missions de service public.

Détaillant les perspectives de modernisation dans les différents métiers de La Poste, M. François Ailleret a tout d'abord fait état des moyens de résister au déclin du courrier, principalement menacé par le développement du courrier électronique. Pour y faire face, La Poste doit d'abord poursuivre et achever la modernisation de l'outil industriel du courrier : M. François Ailleret a cité, à cet égard, l'exemple de l'insuffisance du parc des machines permettant de séquencer automatiquement le courrier dans l'ordre de tournée des facteurs, ce qui a pour conséquence que cette opération est encore fréquemment effectuée manuellement. Toutefois, cet effort de modernisation posera des problèmes de mobilité et de reconversion des personnels.

Il faut aussi développer de nouveaux services, notamment en amont de la chaîne de valeur du courrier, par exemple la gestion de bases de données, le conseil en marketing direct, ou des offres multicanal en direction du grand public (archivage, gestion documentaire) ou des entreprises (routage et transfert de documents numériques, telles les factures). M. François Ailleret a noté que de grands groupes - IBM, Xerox, Google ou Microsoft - commençaient aussi à s'intéresser à ce genre de services, ce qui impose à La Poste de réagir rapidement pour affirmer sa place sur ces marchés.

Dans le secteur du colis express, La Poste occupe une très bonne position en France et une assez bonne en Europe. Elle doit cependant compléter son réseau pour couvrir l'Europe. M. François Ailleret a indiqué, à cet égard, que plus de 160 fusions-acquisitions avaient eu lieu dans les dix dernières années dans ce secteur très concurrentiel : il y a donc pour La Poste des « occasions à ne pas perdre » pour lui permettre de compléter son réseau européen.

La Banque postale, créée le 1er janvier 2006, est aujourd'hui une banque de détail de taille moyenne sur un marché qui arrive à maturité. Elle n'est pas, et ne doit pas être, une banque comme les autres, notamment du fait de son accessibilité aux populations les plus modestes. Elle dispose aujourd'hui d'une image très positive, mais doit néanmoins poursuivre le développement de son offre de services et l'amélioration, déjà bien engagée, de sa productivité.

Enfin, il faut moderniser le réseau de l'Enseigne, qui représente 17 000 points de contacts et 65 000 collaborateurs, dont 35 000 guichetiers, pour mieux satisfaire la clientèle. Le réseau souffre, en effet, du retard pris dans la modernisation des bureaux de poste, le problème de l'attente au guichet étant aussi un sujet de mécontentement. La Poste travaille donc à l'élaboration du « bureau de poste de demain », notamment en améliorant la personnalisation des services et en automatisant les services les plus simples : cette modernisation, qui exige des moyens, est aussi une priorité.

a ensuite évoqué les missions de service public qui sont au coeur de la vocation de La Poste.

En ce qui concerne le service universel du courrier, la commission sur le développement de La Poste a mesuré le profond attachement au passage régulier du facteur, notamment pour les personnes à mobilité réduite : M. François Ailleret a souligné, à ce sujet, que les normes françaises, qui prévoient une distribution six jours par semaine au domicile des destinataires, allaient au-delà des exigences communautaires, qui n'imposent la distribution que cinq jours par semaine. Il a, d'autre part, indiqué que la proportion de lettres parvenues en « J+1 », c'est-à-dire distribuées le jour ouvrable suivant celui de l'envoi, était passée de 65 % en 2003 à 83 % en 2007, tout en observant qu'il convenait sans doute de réévaluer périodiquement, et éventuellement de réajuster, les objectifs en matière de qualité du service pour tenir compte de la demande des usagers, qui peuvent, dans certains cas, préférer des offres moins onéreuses que le « J+1 » ou, dans d'autres cas, n'être pas satisfaits de l'absence de garantie de respect du délai prévu.

Il a relevé que la commission avait demandé que la mission de service universel soit confirmée pour une longue durée, afin d'assurer la visibilité des investissements qu'elle nécessite. Il faut également que La Poste soit dans une situation équitable vis-à-vis de la concurrence et donc que le surcoût du service universel soit compensé. Le code des postes et des communications électroniques a prévu, à cette fin, un fonds de compensation, auquel devraient contribuer les concurrents de La Poste : la commission a estimé que ce mécanisme devrait être mis en oeuvre dès que cela apparaîtrait nécessaire.

La contribution de La Poste à l'aménagement du territoire se traduit actuellement par l'existence de 17 000 points de contact sur l'ensemble du territoire, soit un chiffre supérieur à celui résultant des obligations définies par la loi (14 500), dont 9 000 en zone rurale, avec 4 000 bureaux de poste dans les communes de moins de 2 000 habitants, 3 600 agences postales en mairie et 1 400 relais-poste installés dans des commerces.

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