S'agissant du deuxième bouleversement, à savoir la redistribution mondiale des activités, Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, a relevé que la mobilité grandissante du capital, ainsi que du travail, s'exprimait de façon évidente par les délocalisations ou les transferts de siège social vers des pays fiscalement plus attractifs, mais aussi et surtout, de manière moins visible, par la relocalisation des commandes, des sous-traitances et des activités nouvelles. Elle a estimé que ce mouvement était normal, puisqu'il permettait une croissance mondiale à un rythme inégalé jusqu'alors, et qu'il ne devrait donc pas s'interrompre, l'écart des coûts entre les pays développés et les pays émergents, qui disposent d'un potentiel de main-d'oeuvre élevé, étant en effet durable. Pour souligner que les transformations en cours étaient rapides et profondes, car les pays émergents « montaient en gamme » de manière spectaculaire, bien loin de leur image traditionnelle, elle a indiqué que la part des nouvelles technologies dans le PIB indien avait quadruplé entre 1998 et 2005 et que les machines et équipements de transports représentaient aujourd'hui quelque 43 % des exportations chinoises, contre seulement 18 % pour les articles textiles et d'habillement.
Puis abordant le troisième bouleversement, elle a relevé que l'Europe connaissait une rupture de croissance et, pour la France en particulier, une rupture de compétitivité, soulignant qu'alors que jusqu'au début des années 90, notre pays avait une croissance supérieure à celles des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne, il était aujourd'hui largement distancé. Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, a considéré que, loin d'être due aux « effets ravageurs de la mondialisation », cette situation traduisait essentiellement une évolution négative des trois sources essentielles de la croissance de moyen terme : la démographie, avec le « papy boom » ; la productivité, dont la stagnation depuis de nombreuses années n'était pas sans relations avec les 35 heures ; et l'insuffisance d'investissements et de recherche/innovation, le taux français de chercheurs en entreprise étant ainsi inférieur de moitié à celui des Etats-Unis. Pour illustrer ce problème de croissance et de compétitivité propre à la France, elle a pris l'exemple du décrochage récent en matière de commerce extérieur par rapport non seulement au commerce mondial, mais aussi par rapport à l'Allemagne, observant à cet égard que, pendant que la demande mondiale avait augmenté de 40 % depuis 1999, la croissance des exportations allemandes avait atteint 51 %, tandis que celle des exportations françaises n'avait été que de 23 %.
Exprimant ensuite sa deuxième conviction, elle a estimé que la France avait besoin d'une réforme en profondeur de son marché du travail. Considérant qu'un des obstacles à la croissance française était l'insuffisance de la quantité de travail, qui traduisait pour l'essentiel un mauvais fonctionnement du marché du travail, elle a cité quelques chiffres le démontrant :
- la sortie du système scolaire, chaque année, de près de 150.000 jeunes n'ayant aucun diplôme ou seulement titulaires du brevet, alors même que le taux de chômage des jeunes non qualifiés atteint près de 40 % ;
- la très faible mobilité des emplois, exprimée par le fait que 85 % des salariés du privé occupent le même emploi d'une année à l'autre ;
- la différence de dix points entre le taux d'emploi en France et le taux d'emploi aux Etats-Unis ou dans les pays nordiques ;
- le fait que l'essentiel de la formation professionnelle soit réservé aux salariés les plus qualifiés, dans les plus grandes entreprises.
Tout en convenant que des progrès importants avaient été récemment engagés pour améliorer certains dispositifs, et citant à cet égard l'apprentissage, la valorisation des acquis professionnels, la création du droit individuel à la formation ou celle du contrat nouvelle embauche (CNE), Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, a estimé qu'il convenait aujourd'hui d'élargir la réflexion à l'ensemble des sujets en traitant de manière conjointe les questions :
- de l'adéquation de la formation initiale aux besoins des entreprises, trop de formations apparaissant déconnectées des réalités des entreprises et trop de filières hyper-spécialisées conduisant à des impasses, alors même que de nombreuses entreprises souhaitant embaucher ne trouvent pas de personnel qualifié ;
- de l'évolution du contrat de travail, la corrélation entre la complexité de la réglementation du travail et le taux de chômage anormalement élevé en France conduisant nécessairement à s'interroger sur la simplification et la sécurisation des procédures d'embauche et de rupture, sur la place respective des garanties collectives et des garanties individuelles, ou encore sur la diversité ou l'unicité des contrats ;
- de la liberté du travail, la législation sur les 35 heures ayant mécaniquement conduit à une réduction de la quantité de travail et fait naître une utopie qui serait la fin du travail, alors même que la baisse du temps de travail devrait être uniquement connectée à l'évolution de la productivité. A cet égard, jugeant nécessaire de remettre la valeur travail au coeur de toutes les réflexions et faisant part de ses convictions quant à la force du contrat et des relations avec les organisations syndicales, Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, a rappelé qu'elle avait proposé de mettre en débat le concept même de durée légale afin, à l'instar de ce qui se pratique dans nombre de pays développés comparables, de renvoyer la fixation des horaires, dans la limite du droit communautaire, à la négociation collective pour adapter les modalités du temps de travail à la réalité économique des secteurs d'activité, des branches, des entreprises, de l'évolution de la concurrence et de la conjoncture ;
- de la fixation des salaires minima, toutes les études démontrant aujourd'hui qu'un relèvement trop fort du SMIC détruisait de l'emploi, ce qui justifierait de mettre fin au caractère éminemment politique de cette fixation en confiant l'évolution du SMIC à une commission indépendante, statuant uniquement sur des critères économiques ;
- de la remise à plat de l'assurance-chômage, comme l'ont décidée en fin d'année dernière les partenaires sociaux, et de l'avenir du service public de l'emploi, thème dont l'importance vient tout juste d'être rappelée par le récent rapport de la Cour des comptes.
Affirmant que la réduction du chômage constituait un objectif prioritaire de son organisation, Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, a considéré que la question de l'emploi passait d'abord par une revalorisation en profondeur du concept de travail lui-même et estimé que, malgré les événements actuels, l'opinion, comme les partenaires sociaux, étaient prêts à cette réforme prioritaire.
Abordant enfin sa troisième et dernière conviction, elle a souligné la nécessité pour l'Etat d'évoluer et de se réformer. Se félicitant de la récente publicité faite au rapport Pébereau, elle a estimé indispensable de résoudre le problème majeur de l'endettement du pays, rappelant à cet égard que la France subissait un taux de dépenses publiques de cinq ou six points plus élevé que la moyenne européenne, une dette en croissance vertigineuse et un déficit souvent maîtrisé grâce à des recettes providentielles.
Dans ce contexte, elle a relevé que le premier enjeu majeur était celui de l'assurance-maladie. Observant que si la réforme de 2004 commençait à porter ses premiers fruits, il convenait désormais d'engager la réforme de l'hôpital, faute de quoi le pays connaîtrait une nouvelle aggravation des déficits, et donc une augmentation des prélèvements, ce qui serait gravement préjudiciable au moment où la concurrence fiscale des nouveaux membres de l'Union européenne faisait rage.
En second lieu, elle a appelé à combattre ce qu'elle a qualifié « d'illisibilité grandissante » de la France. Jugeant qu'en multipliant les paradoxes et les injonctions contradictoires en matière de lois, de réglementations, d'attributions, etc., les gouvernements de tous bords politiques avaient, depuis vingt ans, suscité une véritable incompréhension des acteurs économiques, elle a rappelé que ceux-ci avaient besoin de stabilité et de lisibilité à moyen terme pour avoir confiance dans l'avenir, prendre des risques et investir dans la durée. Aussi a-t-elle estimé indispensable de rebâtir un droit plus simple, en faisant pour cela davantage confiance aux acteurs économiques et sociaux.