a tout d'abord présenté la situation comparée de l'emploi des seniors. Leur taux d'emploi est nettement plus faible en France (environ 38 %) que dans les autres pays industrialisés, loin derrière les pays scandinaves (environ 70 %) et les pays anglo-saxons (presque 60 % au Royaume-Uni). Cet écart est encore accentué pour les hommes. De plus, en raison des écarts en termes d'âge de départ à la retraite, les différences sont exacerbées dans la catégorie des personnes de plus de soixante ans : leur taux d'emploi est de 18 % en France contre 67 % au Japon ou 63 % en Suède. La France se distingue également par un taux d'emploi des jeunes relativement bas ; le faible emploi des seniors ne favorise donc pas l'emploi des jeunes. En revanche, la situation française est comparable à celle des autres pays pour la tranche d'âge comprise entre vingt-cinq et cinquante-quatre ans.
Par ailleurs, la situation démographique a largement évolué. Alors que l'espérance de vie après le départ en retraite était limitée à trois ans en 1945, elle est aujourd'hui d'environ vingt ans. De plus, la part de la population de plus de soixante-cinq ans devrait doubler à l'horizon 2050. De ce fait, le maintien de la part des actifs dans la population totale est un objectif majeur pour préserver le niveau de vie des Français et assurer la viabilité des retraites par répartition. Dans un tel système, le taux de cotisation dépend en effet de trois leviers d'action : le taux de remplacement du salaire par la pension, le nombre de retraités et celui des actifs. La part des actifs dans la population détermine également le niveau du revenu par habitant, c'est-à-dire la richesse nationale.
En France, l'âge de cessation d'activité dans le secteur privé (58,5 ans) se situe bien avant l'âge de liquidation de la retraite (61,5 ans). Cet écart s'explique par l'importance du nombre de personnes en préretraite ou au chômage à ces âges : il crée une zone de précarité et entraîne une baisse du niveau des retraites. Dans ces conditions, un but majeur de l'action publique doit consister à augmenter l'âge de cessation d'activité et à réduire l'écart avec l'âge de liquidation. En effet, comment peut-on repousser l'âge de la retraite alors que près d'un Français sur deux n'est déjà plus en activité avant de prendre sa retraite ?
Souvent, le développement des nouvelles technologies et la corrélation entre le niveau des salaires et l'ancienneté sont avancés comme éléments explicatifs du faible taux d'emploi des seniors. Cependant, peu d'éléments empiriques vont dans ce sens. En effet, comment expliquer un décrochage si net à partir de cinquante-cinq ans ? Le rôle des représentations collectives sur la place des seniors est également une explication possible, mais elle ne se révèle pas essentielle.
En définitive, la raison principale du faible taux d'emploi des seniors réside dans les conditions très favorables d'indemnisation des préretraites, qui permettent d'atteindre, dans des conditions relativement satisfaisantes, l'âge d'une retraite à taux plein en situation d'inactivité. En effet, les chômeurs de plus de cinquante-sept ans ont droit à trois années d'indemnisation qui peuvent se prolonger après soixante ans jusqu'à l'âge du taux plein. Le problème n'est donc pas tant le non-retour en emploi que l'intensité des départs consensuels provoqués par le dispositif des préretraites. Combien de départs à l'amiable ou négociés reposent sur la possibilité d'attendre l'âge de la retraite sans les stigmates du chômage ?
Depuis 2008, le Gouvernement a certes programmé la fin progressive de la dispense de recherche d'emploi ; cet acte symbolique fort restera cependant insuffisant tant que les entreprises pourront « pousser vers la sortie » des salariés de plus de cinquante-sept ans sans effet nuisible pour elles-mêmes ou pour eux. Alors que tous les pays européens ont mis un terme à ces préretraites déguisées, parfois par des mesures impopulaires qui s'attaquaient à un système trop laxiste de mise en invalidité, il n'y a pas d'autres solutions que de supprimer les filières longues d'indemnisation du chômage qui sont le support effectif des divers dispositifs de préretraite depuis les années soixante-dix.