Intervention de Jean-Olivier Hairault

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 18 février 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de Mm. Antoine d'auTume et jean-olivier hairault professeurs à l'université de paris i panthéon-sorbonne auteurs du rapport du conseil d'analyse économique sur les seniors et l'emploi en france

Jean-Olivier Hairault, professeur à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne :

a ensuite insisté sur le fait que l'âge de la retraite influence mécaniquement le taux d'emploi des seniors, car il agit directement sur la génération qui précède, c'est-à-dire les quinquagénaires en France. Du fait de la fixation à soixante ans du départ à la retraite, l'âge social diffère sensiblement, en France, de l'âge biologique : on y est plus vieux à cinquante-huit ans qu'ailleurs en Europe. De plus, alors que la plupart des systèmes par répartition ont comme âge pivot celui de la liquidation de la retraite à taux plein, l'âge de référence communément admis en France est l'âge minimal du départ en retraite, à savoir soixante ans. Ainsi, comparer les soixante ans français et les soixante-cinq ans allemands n'a pas de sens, car ces deux âges ne correspondent pas aux mêmes réalités.

En outre, la France connaît, par rapport à la plupart de ses voisins, un certain nombre de spécificités : l'âge minimal du départ à la retraite, l'âge du taux plein et les surcotes y sont plus faibles. Certes, des évolutions sont en cours : la durée de cotisation doit progressivement augmenter pour atteindre quarante-deux ans en 2020. Ceci étant, pour un âge d'entrée dans la vie active situé autour de vingt et un ans en moyenne, cette mesure repousse l'âge de la retraite à soixante-trois ans en 2020, ce qui sera toujours éloigné de la situation des pays européens dont l'âge du taux plein est - aujourd'hui - fixé à soixante-cinq ans.

Par ailleurs, les derniers chiffres de la caisse nationale d'assurance vieillesse montrent que les Français se sont adaptés au système des surcotes et reportent très souvent leur départ à la retraite jusqu'à l'obtention d'un taux plein. Cet élément nouveau doit être pris en compte dans l'appréciation sociétale de toute réforme.

Dans ces conditions, il est nécessaire d'accélérer le rythme de la réforme et de privilégier l'axe de l'allongement de l'activité par le recul de l'âge de la retraite. Cependant, l'assurance chômage des seniors doit également être profondément modifiée.

La piste de l'augmentation des prélèvements obligatoires, qui constituerait un transfert des actifs vers les inactifs, entraînerait un appauvrissement relatif du pays, puisque les gains de productivité seraient consacrés à la baisse de l'activité. De même, l'augmentation des cotisations patronales pèserait in fine sur les Français via leurs salaires, leurs conditions de travail ou leur pouvoir d'achat.

Augmenter l'âge effectif de la retraite pourrait passer par des mesures drastiques, par exemple le report de l'âge légal ou l'allongement de la durée de cotisation au-delà de ce qui est programmé, ou par des mesures plus douces, par exemple l'augmentation des surcotes. Les premières pourraient toutefois mettre en cause le contrat social.

Selon M. Jean-Olivier Hairault, le système suédois des comptes notionnels, dans lequel la pension dépend de la durée de cotisation individuelle par l'accumulation de points tout au long de la vie et de l'espérance de vie de la génération, permet à chacun d'opérer un choix personnel entre activité et inactivité, consommation et loisirs. Sa mise en oeuvre en France permettrait de résoudre un certain nombre de difficultés et la mise en place des surcotes a révélé que les Français peuvent être sensibles à ce type d'arbitrage. Une telle réforme - un « big bang », même s'il s'agit toujours d'un système par répartition - apporterait pourtant plus de justice sociale, d'équité et d'efficacité. Cependant, dans les autres pays européens, une réforme de cette ampleur a toujours été entreprise sur le fondement d'un large consensus social.

En ce qui concerne la pénibilité, son intégration dans le système des retraites serait, en pratique, extrêmement complexe. Si les principales sources de pénibilité (horaires alternés ou de nuit, travail à la chaîne ou cadences imposées, manutention, bâtiment, exposition à des agents toxiques...) ont pu être identifiées lors de précédentes réformes, il relève plutôt des systèmes d'invalidité de les prendre en compte, sauf à créer de nouvelles complexités. Il est vrai que la France a un certain génie créateur en la matière ! On notera que le passage au système des comptes notionnels permettrait de prendre en compte la pénibilité par l'attribution de points supplémentaires.

En conclusion, toute réforme des retraites doit s'inscrire dans une réforme d'ensemble qui toucherait aussi les préretraites, la formation professionnelle et l'aménagement des tâches et des horaires dans la fin de la vie active. Une véritable gestion des ressources humaines sur l'ensemble du cycle de la vie active doit en outre s'imposer comme une nécessité, tant pour les salariés et les entreprises que pour la société.

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