Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
a commencé par rappeler que le contenu de l'accord européen sur le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC) conclu le 20 novembre dernier à Bruxelles était loin du projet initialement présenté par la Commission européenne. Ce dernier, fondé sur une inspiration libérale, tendait à davantage de dérégulation, à un affaiblissement des aides et à un renforcement du second pilier. La négociation a permis de l'amender en profondeur pour aboutir à un texte ouvrant des marges aux États membres en vue de réorienter le soutien à leur agriculture. Ces progrès ont été rendus possibles par une opposition ferme mais constructive de la France.
Le ministre a fait part de sa conviction qu'il était nécessaire de passer d'une logique de guichet à une logique de projet, car c'est à la condition d'être une force de proposition que la France peut espérer renforcer la PAC après 2013 et sauver le principe du soutien à l'agriculture. Il a indiqué que c'est là que se situait le véritable enjeu du bilan de santé de la PAC et des décisions qu'il avait annoncées le 23 février 2009 à la suite de l'accord européen : disposer d'un cadre permettant de préparer dès aujourd'hui l'échéance de 2013. C'est l'existence même de la PAC qui sera alors en jeu, de sorte qu'il faut s'atteler dès maintenant à la construction d'un projet cohérent et fédérateur sur son avenir.
Au vu des consultations menées depuis 18 mois, le ministre a dit avoir le sentiment qu'il existe un consensus pour construire ce projet et re-légitimer la PAC, non seulement aux yeux des agriculteurs, mais aussi de la société. Cette légitimité confortée passe par l'orientation vers une politique agricole équitable, préventive et durable. Pour y parvenir, l'effort est dirigé vers quatre objectifs prioritaires : l'emploi, l'agriculture durable, l'élevage à l'herbe et la gestion des risques.
a développé l'idée que la consolidation de l'emploi sur tout le territoire passait par le refus d'un système d'aide unique à l'hectare qui, en fragilisant certaines filières, détruirait des emplois. Il est préférable de mettre en oeuvre un soutien plus ciblé vers certaines productions, telles que l'élevage ovin, le lait en zones de montagne, des productions spécifiques liées à des territoires ou les légumes de plein champ, tout en conditionnant les aides à des efforts de structuration des filières. C'est dans cette perspective que s'inscrit la revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN).
S'agissant de l'élevage à l'herbe, M. Michel Barnier a rappelé que le soutien de ce secteur était un objectif annoncé par le Président de la République dès septembre 2007. Le montant en sera multiplié par quatre en 2010 pour atteindre près d'un milliard d'euros. Le soutien dans le cadre du premier pilier s'élèvera à 700 millions d'euros et sera de nature économique. Il sera donc complémentaire de la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE), d'un montant de 240 millions d'euros et cofinancée par le budget national.
Concernant la troisième priorité, l'accompagnement d'un mode de développement agricole durable, M. Michel Barnier a réaffirmé que la satisfaction des besoins alimentaires mondiaux impliquait, non seulement de produire plus, mais aussi de produire mieux. Il convient donc d'exploiter les décisions du bilan de santé de la PAC qui permettent d'aller dans ce sens, notamment la possibilité ouverte d'introduire un soutien à la production de protéines végétales et à l'agriculture biologique. Au total, les soutiens dans le domaine de l'agriculture durable sur le premier pilier dépasseront 100 millions d'euros. Il a souligné que l'on pourrait y rattacher le soutien aux surfaces en herbe.
Sur la question de la gestion des risques, M. Michel Barnier a indiqué que l'accord sur le bilan de santé de la PAC serait utilisé pour répondre à la situation paradoxale des entreprises agricoles, qui sont à la fois les plus exposées aux aléas sanitaires et climatiques et les moins bien protégées. Il est donc prévu de créer un fonds doté de 40 millions d'euros pour compenser les conséquences des événements affectant la qualité sanitaire des produits et de généraliser l'assurance récolte en mobilisant une enveloppe de 100 millions d'euros. Cette PAC préventive pourrait ouvrir la voie, après 2013, à la mise en place de dispositifs assurantiels couvrant les risques économiques.
a conclu son intervention en soulignant que le financement de ces objectifs passait par un prélèvement sur les aides européennes atteignant près de 8 %, avec un taux supplémentaire de 14 % sur les aides aux grandes cultures et 12 % sur les aides animales. Cette réorientation est nécessaire pour renforcer la légitimité de la politique agricole européenne et permet de préparer les orientations françaises de la PAC de l'après 2013.
Le ministre a estimé que le débat sur la future PAC, qui allait s'engager, s'annonçait très dur : dans un contexte de crise économique, beaucoup veulent réduire le budget agricole de l'Union européenne en oubliant que son importance s'explique par le fait qu'il s'agit de la seule politique mutualisée. Il a estimé néanmoins qu'il n'y avait pas de fatalité à ce que le budget de la PAC diminue, à condition que l'on sache en expliquer le contenu. Il a averti qu'il y aurait également davantage de personnes en France prêtes à plaider pour une baisse de ce budget, dans la mesure où notre pays sera pour la première fois contributeur net sur la PAC à compter de 2013. Il a souligné la nécessité de mettre en avant les grands enjeux de la PAC pour la société française, notamment en matière d'emplois dans les territoires, de développement durable et de sécurité alimentaire.
a souhaité que les propositions françaises pour la future PAC puissent être présentées dès début 2010, considérant que le Parlement serait en première ligne pour définir le projet agricole que la France veut soutenir. Il a observé que les institutions européennes seraient en suspens durant l'année 2009, en raison des élections au Parlement européen et du changement de Commission, mais que l'administration de Bruxelles continuerait à travailler. Il a affirmé la nécessité pour la France d'être prête suffisamment tôt afin de participer à un débat qui s'annonce particulièrement difficile.