Intervention de Jean-Christophe Rufin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 mars 2009 : 1ère réunion
Situation au sénégal — Audition de M. Jean-Christophe Rufin ambassadeur de france au sénégal

Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal :

a indiqué que la Casamance était dans une situation de « ni paix, ni guerre ». Après une période plutôt calme, les maquis s'agitent de nouveau sous la forme de barrages de route notamment. On observe une inquiétante criminalisation de certains mouvements armés.

La situation en Guinée Bissau, où le Président et le chef d'état-major bissau-guinéens ont été récemment assassinés, suscite des inquiétudes pour la Casamance voisine.

La situation politique locale pourrait également évoluer, le secrétaire général de la présidence étant candidat à la mairie de Ziguinchor contre M. Robert Sagna l'actuel titulaire de ce mandat, homme fort de la région.

En ce qui concerne l'AQMI, les assassins des touristes français en Mauritanie ont fui par le Sénégal et ont été arrêtés à Bissau. Cet épisode a été l'occasion de vérifier que le Sénégal n'est pas un pays actif en matière de terrorisme même s'il peut être utilisé comme lieu de transit pour des mouvements radicaux opérant dans les pays voisins. La structure confrérique de l'Islam sénégalais reste à cet égard une protection. Les deux principales confréries, les Mourides et les Tidianes, sont des éléments efficaces de contrôle social.

Pour ce qui concerne l'aide multilatérale, les Sénégalais ignorent trop souvent que la France contribue pour un quart au fonds européen de développement. C'est à la France de le leur rappeler. Quant au fonds mondial pour le sida, le paludisme et la tuberculose, c'est une véritable réussite qui a le mérite de multilatéraliser notre action. Planter le drapeau français partout n'est pas toujours productif et il est souvent préférable de jouer le jeu européen. L'aide multilatérale présente également le mérite d'être intégrée. En matière de réseau de transports, par exemple, les bailleurs multilatéraux raisonnent à l'échelle régionale.

La diminution des crédits de la coopération classique de l'ambassade de France a été plus que compensée par l'augmentation des crédits de développement solidaire pour des projets qui associent des migrants.

Pour ce qui concerne le réseau culturel, la fusion des instituts dans un établissement unique, réalisée au Sénégal, est une très bonne chose. L'expérience s'est arrêtée à ce stade pour l'instant, c'est-à-dire avant la fusion avec le service de coopération et d'action culturelle (SCAC).

Le Sénégal est dans une position particulière à l'égard de la langue française. Elle reste la langue officielle du pays qui possède une autre langue véhiculaire, le wolof. Cette dernière ne peut toutefois pas devenir langue officielle en raison de la concurrence d'autres langues locales comme le peul. Cependant, pour le français, il y a un chantier immense auprès des nouvelles générations. Il faut maintenir l'effort français en direction des établissements scolaires et les ouvrir plus, en particulier le lycée Mermoz, aux élèves sénégalais. Est encouragé aussi le développement d'écoles privées en langue française et la France apporte un appui à l'enseignement public sénégalais par le biais de sa coopération. Les bourses et la coopération universitaire sont également des moyens très utilisés.

Du point de vue de l'offre culturelle, nous devons certainement mener une réflexion sur les outils de la France. Dakar est une ville qui a changé de géographie. Le Dakar colonial du Plateau n'est plus le seul centre de la ville. Elle a tendance à se déplacer aujourd'hui vers le quartier de l'université et les Almadies. Certains ont même avancé l'idée de vendre les bâtiments du centre culturel pour le transférer dans cette zone. Mais, pour l'instant, aucune décision n'a été prise dans ce sens. Quoiqu'il en soit, il faudra renforcer l'offre de formation en langue française. Jusqu'ici le pays est considéré comme francophone, ce qui n'est plus totalement le cas, en particulier chez les jeunes et il devient légitime de proposer des cours de français langue étrangère.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion