Intervention de Henri Prévot

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 22 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Henri Prévot ingénieur général des mines auteur du livre « trop de pétrole ! energie fossile et réchauffement climatique »

Henri Prévot, ingénieur général des mines, auteur du livre « Trop de pétrole ! Energie fossile et réchauffement climatique » :

a tout d'abord expliqué que les menaces sur la sécurité d'approvisionnement électrique pouvaient découler, d'une part, de facteurs accidentels, tels qu'un problème sur le réseau, une tempête ou une hausse imprévue de la demande, comme pendant l'été 2003 et, d'autre part, de raisons chroniques, liées à des difficultés récurrentes en matière de fourniture d'électricité du fait d'une insuffisance globale de l'offre, avec des conséquences importantes en termes de délestage. Il a annoncé qu'il allait centrer son exposé sur l'inadaptation du potentiel de production par rapport à la demande à moyen et long terme, avec en toile de fond l'impérieuse nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il a tenu en effet à souligner que les questions de l'épuisement des ressources fossiles et de l'augmentation de l'effet de serre ne pouvaient pas être mises sur le même plan, dans la mesure où la consommation par l'humanité de l'ensemble des ressources disponibles en pétrole, gaz et charbon, entraînerait des dommages dramatiques du fait d'une augmentation très importante de la température de la planète. Dès lors, le problème serait donc plutôt celui d'une surabondance des énergies fossiles, dont les coûts ne sont aujourd'hui pas suffisamment élevés pour inciter à réduire leur consommation.

Dans ce contexte, M. Henri Prévot s'est demandé comment il serait possible de respecter l'objectif de la division par deux, voire par trois, des émissions de GES en trente ans, conformément à l'article 2 de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE), en tenant compte à la fois des marges en matière d'économies d'énergie et des contraintes financières imposant de choisir les solutions les moins onéreuses, plus acceptables pour les citoyens.

En ce qui concerne les économies d'énergie, rappelant que l'article 3 de la loi POPE prévoit un rythme annuel de réduction de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030, il a estimé cet objectif réalisable par la stabilisation de la consommation d'énergie dans le transport et le chauffage, et sans faire peser des contraintes plus lourdes sur les entreprises industrielles, qui subissent la concurrence internationale. Il a évoqué concrètement l'utilisation de techniques prometteuses combinant les différents types d'énergie comme les véhicules hybrides, les batteries, le stockage de la chaleur dans les nappes d'eau souterraines, les pompes à chaleur ou encore l'utilisation de l'électricité comme une résistance introduite dans l'eau du chauffage central en période de pointe, technique qui permet d'arrêter d'utiliser de l'électricité en pointe et aux consommateurs équipés de « s'effacer » pendant ces périodes.

S'agissant ensuite du bouquet énergétique permettant d'atteindre l'objectif de diminution d'émission des GES, M. Henri Prévot a considéré qu'en dehors de la biomasse et du nucléaire, les différentes sources d'énergie renouvelables ne pourraient contribuer qu'à hauteur de 10 % du résultat à atteindre. Les éoliennes ont ainsi une production à la fois faible, aléatoire et coûteuse. L'utilisation de l'énergie fossile avec stockage du gaz carbonique, même si elle devenait possible, serait quant à elle deux à trois fois plus chère que l'énergie nucléaire et pourrait poser des problèmes au regard de l'étanchéité des sites. L'énergie hydraulique, l'utilisation de la mer et des déchets urbains, la géothermie profonde et les cellules photovoltaïques se heurtent enfin à des limites techniques ou financières, tout au moins dans les trente prochaines années. Aussi a-t-il estimé en conclusion qu'avec une stabilisation de la consommation d'énergie et une mobilisation maximale de la biomasse, une augmentation de la capacité nucléaire de 50 % en trente ans serait nécessaire pour diviser par deux les émissions de GES, et de 80 % pour les diviser par trois. Cet objectif impliquerait concrètement le lancement de deux ou trois tranches nucléaires par an.

Relevant que le coût de production de l'électricité était essentiel pour analyser correctement la problématique de la sécurité d'approvisionnement, M. Henri Prévot a indiqué qu'avec une hypothèse où le baril de pétrole coûte 100 dollars, il suffisait qu'une centrale nucléaire fonctionne 800 heures dans l'année, soit moins d'un dixième du temps, pour que le coût de production soit inférieur à celui d'une centrale au gaz. Il a reconnu néanmoins que les variables étaient nombreuses, soulignant notamment l'importance du coût de financement des investissements. A cet égard, il a précisé que le coût de production en continu du MW d'origine nucléaire était de 30 euros si le taux d'emprunt pour financer les infrastructures était fixé à 8 %, et de 22 euros seulement, soit un écart de 30 %, si ce taux d'intérêt était de 4 %, niveau habituellement retenu pour les investissements publics.

Il a enfin estimé que les intérêts stratégiques de la France devraient la conduire à mettre en place rapidement, même de façon isolée, une politique de réduction des GES, dans la mesure où cela permettrait d'anticiper sur une très probable prise de conscience au niveau mondial, dans les années à venir, de l'urgence de la situation, ainsi que sur une vraisemblable aggravation des tensions sur les sources d'approvisionnement en énergies fossiles.

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