Intervention de Jean François-Poncet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 juillet 2009 : 1ère réunion
Gestion intégrée des zones côtières de la méditerranée — Examen du rapport

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet, rapporteur :

a présenté les problèmes particuliers de la région, évoquant tout d'abord les trois défis auxquels elle est confrontée.

Le premier défi, qui se pose depuis 1948, est celui du conflit israélo-palestinien. A l'origine israélo-palestinien et israélo-arabe, ce défi comporte désormais une composante israélo-occidentale. Le rapporteur s'est étonné que les Israéliens n'aient pas tranché entre la proposition de l'Etat unique, binational, qui ne peut aboutir qu'à une dilution, voire une disparition de son identité juive, et la solution des deux Etats, que l'Occident pourtant privilégiait depuis longtemps et dont on connaissait tous les paramètres depuis la négociation de Taba et les propositions du Président Clinton. La seule chose qui fasse défaut, a-t-il ajouté, est la décision politique. Selon lui, les raisons pour lesquelles Israël ne parvient pas à trancher ce dilemme s'expliquent par le fait que sa sécurité est assurée et que son armée est supérieure à toute autre dans la région. Ces deux éléments conjugués incitent les dirigeants israéliens à la procrastination. Mais la raison principale de l'absence de choix tient au système politique israélien lui-même et aux effets de la représentation proportionnelle intégrale. Celle-ci aboutit à un grand nombre de partis politiques et à l'absence de majorités cohérentes. Politiquement trop faible pour faire la paix, militairement trop fort pour en avoir besoin, le gouvernement israélien ne pourra changer d'orientation que sous la pression des Etats-Unis. De ce point de vue, le Président Obama, contrairement au Président Bush qui n'avait jamais osé le dire au cours de ses deux mandats, a affirmé qu'il était en faveur de la solution des deux Etats et a demandé l'arrêt complet de la colonisation. La question est de savoir de quelle détermination il fera preuve à long terme et quelle capacité il aura à affronter le lobby pro-israélien. A cet égard, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que la mission avait eu l'occasion de rencontrer les principaux lobbies pro israéliens, tant à Washington qu'à New York, et que ceux-ci disposaient de ressources humaines et financières importantes. Pour l'instant le Président Obama a une grande marge de manoeuvre, qu'il n'est cependant pas sûr de conserver longtemps.

a ensuite évoqué le dossier du programme nucléaire iranien, deuxième défi dans la région, dont l'enjeu était la nucléarisation de toute la région. Il a rappelé qu'on pouvait s'interroger sur la nature militaire du programme, que les autorités iraniennes démentaient avec la plus grande fermeté. Selon lui, même s'il n'existe pas de preuve formelle du caractère militaire de ce programme, il y a un faisceau d'indices plaidant en ce sens : l'absence de réponses aux questions de l'AIEA, la rationalité économique discutable du développement du nucléaire civil, enfin la mise au point d'un programme de missiles balistiques sophistiqués. Il a ajouté que, si les installations nécessaires aux premiers cycles d'enrichissement de l'uranium, du type de Natanz, occupaient une grande superficie au sol et étaient difficiles à dissimuler, en revanche, les usines impliquées dans les phases finales de l'enrichissement étaient de bien plus petite taille et pouvaient très bien faire l'objet d'une dissimulation. Il en a conclu que ce programme, qui n'avait pas pour l'instant de rationalité économique et technique, pouvait avoir une finalité militaire. Si tel est le cas, est-il possible d'arrêter le programme nucléaire iranien ? M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que le régime iranien n'était pas menacé, mais qu'il était impopulaire et que des dissensions commençaient à apparaître au sein de l'élite religieuse du pays. Malgré des élections vraisemblablement truquées, le régime repose, selon lui, sur des piliers solides tels que les Pasdaran et les Basidj. Les sanctions adoptées sont efficaces alors que les négociations entreprises dans le cadre 5 + 1 sont un échec. Ces sanctions peuvent encore être renforcées afin de faire évoluer le régime. A la question de savoir si les troubles actuels étaient susceptibles de pousser à l'ouverture ou à l'intransigeance, il a avoué pencher plutôt pour l'intransigeance tant, a-t-il estimé, ce régime avait besoin d'ennemis pour se maintenir.

a ensuite évoqué le cas du Yémen, troisième et dernier défi. Cet Etat n'est pas encore un Etat failli mais semble sur le point de le devenir. Il a rappelé l'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis, en septembre 2008, qui a causé la mort de seize personnes, et le fait que le Président Ali Abdullah Saleh n'ait en réalité plus d'autorité que sur le territoire de sa propre capitale. Il a évoqué la rébellion houtiste au nord du pays, les tentations irrédentistes du sud et l'insécurité régnant dans la région de l'Hadramaout, berceau natal de la famille Ben Laden. Il a déclaré que la situation était d'autant plus préoccupante que ce pays était en train de devenir une nouvelle base pour Al-Qaïda.

a ensuite évoqué les raisons d'espérer une amélioration de la situation au Moyen-Orient, au premier rang desquelles figurait, selon lui, le changement de la politique américaine. Il a également évoqué, d'une part, la renaissance de l'Irak du fait de l'amélioration de la sécurité, des progrès de la démocratie et d'une vie parlementaire active et, d'autre part, en contrepoint, l'extrême dégradation des infrastructures, entièrement à reconstruire, ainsi que la nécessité, pour les Irakiens, d'établir des règles de partage de la rente pétrolière.

Toujours au titre des raisons d'espérer, M. Jean François-Poncet a évoqué la consolidation du régime saoudien, un moment ébranlé par le problème dit des « égarés ». Il a rendu hommage au roi Abdallah, grand roi réformateur, prudent mais déterminé, populaire dans son pays et influent dans la région. Les réserves financières tirées de la rente pétrolière ont été placées avec beaucoup de sagesse et la crise économique affectera moins ce pays que d'autres. Il a indiqué que ce pays était à la veille d'un changement de génération dans la classe dirigeante, la loi successorale devant permettre de trouver un modus vivendi entre les différents prétendants.

S'agissant des autres Etats du Golfe, principalement les Emirats Arabes Unis, le Qatar et le Bahreïn, il a indiqué qu'ils présentaient un visage nouveau de la modernité arabe, comme en témoignent certains développements architecturaux ainsi que l'intérêt porté à l'éducation au Qatar ou à la culture à Abu Dhabi. Il a regretté que ces régimes restent conservateurs dans leurs conceptions sociales.

s'est par ailleurs réjoui du repli d'Al-Qaïda, quasiment disparu d'Irak.

Le rapporteur a ensuite abordé les problèmes récurrents du Moyen-Orient, au premier rang desquels la question de la succession du Président Hosni Moubarak. Entre son fils Gamal et Omar Souleimane, le choix n'a pas été fait, ce qui préoccupe les observateurs de la région, d'autant que cette succession s'ouvrira dans un climat économique très dégradé.

Il a ensuite évoqué le cas de la Syrie, déclarant que le Président de la République française avait eu raison en renouant les contacts avec M. Béchir El Assad, et s'est interrogé sur le fait de savoir s'il était envisageable de détourner ce pays de son alliance traditionnelle avec l'Iran. Il a répondu par la négative sauf si un accord permettait à la Syrie de récupérer le Golan, ce dont pour l'instant les dirigeants israéliens ne voulaient pas entendre parler.

Enfin s'agissant du Liban, il a évoqué le problème du confessionnalisme et l'importance du Hezbollah chiite, qui a établi un Etat dans l'Etat, et qui est en relation très directe avec Téhéran.

a ensuite présenté les recommandations de la mission à la commission.

En premier lieu, il a indiqué qu'il ne serait pas possible de progresser dans le conflit israélo-palestinien sans contact direct avec le Hamas. Les membres de la mission ont rencontré M. Khaled Mechaal à Damas, ce qui leur a valu l'anathème des dirigeants politiques israéliens. Il a également indiqué qu'il fallait que la France et les Européens appuient la politique du Président des Etats-Unis afin d'exercer le maximum de pression sur les dirigeants israéliens, en particulier pour qu'ils lèvent le blocus de Gaza et acceptent l'arrêt de la colonisation.

Concernant l'Iran, il a considéré comme une litote le fait de dire que les relations entre nos deux pays n'étaient pas bonnes et a relaté un déjeuner, à l'invitation de l'ambassadeur d'Iran en France, au cours duquel l'ambassadeur avait porté des jugements inacceptables sur notre propre pays. Il convient de soutenir la politique d'ouverture des Etats-Unis, mais, en cas d'échec, il lui a semblé clair que les occidentaux auront à choisir entre la bombe et le bombardement, ce qui n'empêche pas, dans l'immédiat, de poursuivre les efforts et pressions afin que l'Iran accepte l'intégralité des inspections de l'AIEA dans le cadre du TNP.

S'agissant du Yémen, il a indiqué qu'il fallait absolument s'en préoccuper et, concernant la Syrie, il a considéré, une nouvelle fois, que cela avait été une bonne chose de s'en rapprocher, le rétablissement des relations diplomatiques permettant d'exercer une pression utile bien que limitée.

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