Après avoir salué la qualité des travaux du Sénat à l'occasion de l'examen de la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), M. Denis Olivennes a estimé que ce sujet devait bénéficier d'une certaine « extra-territorialité politique ».
Evoquant les enjeux liés à la lutte contre le « téléchargement pirate », il a souligné la spécificité de la France, qui est l'un des seuls pays au monde à disposer d'une industrie cinématographique, musicale et audiovisuelle puissante, et à enregistrer des niveaux élevés de consommation de biens culturels produits sur son territoire (les parts de marché sont de l'ordre de 50 % pour les films français et de 40 % pour les oeuvres musicales françaises).
s'est inquiété de la menace grave que fait planer la consommation gratuite des oeuvres sur le financement de la création culturelle. C'est pourquoi, après avoir évoqué la politique industrielle conduite par les Etats-Unis dans le domaine culturel, il a défendu la nécessité de se préoccuper de l'avenir de nos « champions nationaux », qui contribuent à forger notre identité culturelle. Or la France est devenue le « paradis » du piratage, le phénomène ayant concerné, en 2005, l'équivalent de 60 millions d'albums musicaux (provoquant une chute de 40 % du chiffre d'affaires du secteur en 5 ans) et concernant de plus en plus la filière cinématographique.
a indiqué que les sanctions très lourdes prévues par la loi DADVSI n'étaient pas adaptées au « petit piratage de masse ». Il a précisé qu'après avoir entendu tous les producteurs de contenus, les sociétés de perception et de répartition des droits, les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), et avoir étudié les dispositifs mis en oeuvre aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, il avait souhaité qu'un accord soit conclu entre les différentes parties prenantes. Deux atouts - une industrie de l'Internet très innovante et une industrie des contenus très puissante - ont permis une convergence vers les trois mesures - l'une préventive, les autres tendant à stimuler l'offre légale - qui ont fait l'objet d'un accord unanime des producteurs de contenus et des FAI, signé à l'Elysée le 23 novembre dernier :
- la première mesure d'avertissement-sanction est préventive : les pirates repérés se verraient mis sous surveillance par les FAI, au moyen d'un premier avertissement par courriel, puis d'une lettre recommandée avec accusé de réception en cas de récidive. A l'étranger, 90 % des pirates ont cessé leurs pratiques à ce stade. En l'absence de résultat, l'abonnement du titulaire serait suspendu pendant 15 jours puis, le cas échéant, résilié ;
- la deuxième mesure tient à l'engagement des constructeurs de matériels de supprimer les verrous numériques qui limitent aujourd'hui l'usage légal des oeuvres achetées, ceci dans un délai d'un an à compter de la mise en oeuvre du mécanisme d'avertissement-sanction ;
- la dernière mesure concerne le raccourcissement, dans le même délai, des fenêtres d'exploitation prévues par la chronologie des médias (il est aujourd'hui de six mois après la sortie d'un film en salle pour les DVD et de sept mois et demi pour la vidéo à la demande), le rapport préconisant un délai de quatre mois.
a souligné que la mission avait souhaité s'inscrire dans le droit existant et limiter ainsi les modifications législatives nécessaires à la mise en oeuvre du nouveau dispositif. Afin d'assurer la protection des libertés publiques, elle a préconisé de confier ces nouveaux pouvoirs à une autorité indépendante. Il pourrait s'agir, le cas échéant, de l'Autorité de régulation des mesures techniques, créée par la loi DADVSI à l'initiative du Sénat, dont les compétences pourraient être élargies.
Il a avancé plusieurs solutions à cet égard :
- les ayants droit recherchant les infractions pourraient, après obtention de l'autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), apporter une présomption d'infraction à cette autorité indépendante, laquelle enjoindrait le FAI concerné à lancer l'avertissement ;
- l'autorité compétente pour délivrer les sanctions pourrait être soit le juge, soit l'autorité indépendante sous le contrôle du juge.
a relevé que la France reprendrait, sur le terrain culturel, une position fidèle à ses traditions si elle mettait en place un tel dispositif dans un délai raisonnable. Elle serait ainsi le premier pays à y procéder et serait suivie par d'autres Etats soucieux de protéger leur industrie culturelle.
Un large débat s'est ensuite engagé.