Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 juin 2010 : 1ère réunion
Audition de l'amiral edouard guillaud chef d'état-major des armées

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Amiral, vous avez été nommé chef d'état-major des armées le 25 février 2010 et c'est aujourd'hui votre première audition devant notre commission. Je ne rappellerai pas toutes les étapes de votre carrière mais vous avez commandé le porte-avions Charles-de-Gaulle de 1999 à 2001 dont vous aviez été l'officier de programme de 1993 à 1997. Votre carrière vous a amené comme adjoint à l'état-major particulier du président de la République de 2002 et 2004, avant d'être nommé préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord et de revenir à la présidence de la République en tant que chef d'état-major particulier de 2006 jusqu'à votre nomination comme chef d'état-major des armées.

Pour ce premier contact avec notre commission les thèmes à aborder ne manquent pas : défense antimissile, OTAN, concept stratégique, Europe de la défense. Nous parlerons naturellement aussi des opérations et en particulier de l'évolution de la situation en Afghanistan.

Mais c'est sur l'actualité budgétaire que nous souhaitons principalement vous entendre. Une diminution des crédits de 5 milliards d'euros sur les trois prochaines années est envisagée comme contribution de la défense à la politique de rigueur et de redressement des finances publiques. Ce montant est considérable puisqu'il représente 25 % de l'effort global demandé au budget de l'État alors même que le budget de la défense ne représente que 12 % de l'ensemble. Cet effort nous préoccupe vivement non seulement parce qu'il remet profondément en cause la loi de programmation militaire que nous venons d'adopter et dont l'équilibre connaissait déjà des problèmes avec la réalisation très partielle des recettes exceptionnelles.

Mais surtout les conséquences de cette décision - si elle était fixée à ce niveau - me paraissent particulièrement importantes dans trois domaines :

La défense est un instrument au service d'une politique. Une diminution drastique du budget de la défense, qui exclura naturellement la dissuasion, ne risque-t-elle pas de peser sur nos capacités opérationnelles à intervenir dans les opérations de maintien de la paix ou sur notre dispositif prépositionné ? Nous avons abouti à un équilibre exigeant entre nos forces en métropole et nos forces projetées. Il me paraîtrait difficile de maintenir notre effort en OPEX dans un contexte budgétaire profondément dégradé. Ces décisions s'inscrivant dans le court terme, une mutualisation des interventions avec nos alliés ne me paraît pas une solution immédiatement opérationnelle.

Faute de maintenir notre participation aux opérations extérieures dans le cadre de l'ONU, de l'OTAN ou de l'Union européenne, c'est-à-dire faute de disposer au même niveau de l'outil de notre politique, nous risquons d'aboutir à un véritable déclassement de notre pays et donc à une perte d'influence internationale.

La seconde conséquence est humaine. Une diminution des crédits devra porter non seulement sur les programmes mais aussi sur les personnels. Ne pensez-vous pas que le corps militaire dans son ensemble, qui a accepté et conduit des bouleversements majeurs de son organisation et de son format en contrepartie de la modernisation de l'outil et de la revalorisation de sa condition, ne soit pas profondément affecté par ces décisions, qu'il le vive comme une rupture du contrat moral passé avec eux. De plus, la « manoeuvre RH » est un élément fondamental de la réforme de nos armées. La baisse des crédits ne risque-t-elle pas de remettre en cause cette manoeuvre non seulement en accélérant la diminution des effectifs mais aussi en rendant moins attractif la carrière militaire alors même que le renouvellement des générations est fondamental ?

Enfin, il faut également prendre en compte l'impact de la rigueur sur notre industrie de défense non seulement en termes d'emplois mais aussi en termes de maintien des compétences.

Nous sommes bien conscients de la difficulté qui est la vôtre quelques mois après votre prise de fonction de devoir organiser une gestion à la baisse des crédits affectés à nos armées.

Amiral, je vous passe la parole.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion