Intervention de Amiral Edouard Guillaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 juin 2010 : 1ère réunion
Audition de l'amiral edouard guillaud chef d'état-major des armées

Amiral Edouard Guillaud, Chef d'État-major des armées :

S'agissant du Livre blanc, il a été prévu qu'il soit régulièrement réactualisé, avec une périodicité de cinq ans. Il ne me semble pas que l'évaluation de la menace établie par le Livre blanc en 2008 ait fondamentalement changé, même si des ajustements sont toujours possibles. Face à cet état de la menace, c'est au décideur politique de fixer un niveau d'ambition pour le pays. Les armées ne font que mettre en oeuvre le mandat qui leur est confié. Je ne crois pas que l'on puisse dire que le Livre blanc est mort. L'état des lieux reste valable et je pense que pour l'instant, nous restons capables d'assumer un certain niveau d'ambition, si nous savons faire preuve d'imagination sur les moyens à mettre en oeuvre.

A propos du Kosovo, cela fait un an que nous avons annoncé notre intention de nous retirer de ce théâtre lors du passage en « Gate 2 ». Nous ne prenons donc pas nos partenaires par surprise. J'observe que tous les Etats membres de l'OTAN ne contribuent pas à la KFOR, quand bien même ils participent à toutes les structures de l'Alliance. Nous- mêmes ne participons pas, par exemple, aux forces navales permanentes (Standing Naval Forces) de l'OTAN. Il ne faut donc pas faire de lien entre notre pleine et entière participation aux structures militaires de l'OTAN et notre engagement dans telle ou telle opération, qui n'a rien d'obligatoire ou d'automatique.

Aujourd'hui, l'OTAN n'a pas pris de décision concernant l'évolution de sa présence au Kosovo. Certains peuvent considérer que le temps n'est pas venu de modifier la posture, étant donné que le Kosovo n'est toujours pas reconnu comme Etat indépendant par une partie de la communauté internationale et que la situation de la partie serbe du pays n'est toujours pas réglé. Le statu quo n'inciterait guère les parties en présence à rechercher un accord politique. La réduction de la posture, avec passage en « Gate 2 » pourrait créer un électrochoc signifiant qu'après plus de dix ans de présence internationale, il faut trouver une solution définitive à cette crise. La France a clairement indiqué son intention de retirer ses troupes lorsque ce jalon serait franchi, quelle qu'en soit la date. Mais nous sommes également réalistes. Nous avons dit que notre retrait ne serait pas brutal, qu'il serait coordonné avec nos alliés et progressif.

Monsieur le sénateur Reiner, vous m'avez demandé s'il reste encore des gisements d'économie. Peut-être un petit peu sur les ressources humaines. Il est toujours possible de fermer le robinet du recrutement, mais cela présente des inconvénients. Si l'on allonge la durée de carrière des militaires, on crée un problème de pyramidage et on accroît la moyenne d'âge, ce qui se ressent sur les aptitudes physiques en opération. Sur le fonctionnement, il est clair que nous ne bénéficions pas encore des retombées des mesures prises depuis 2008. Toute restructuration génère dans un premier temps des dépenses. Les économies viendront à compter de 2013. Il est cependant toujours possible de prendre de nouvelles initiatives. Je l'ai fait en décidant de rassembler sur un même site l'ensemble des hélicoptères Caracal des armées, qu'ils relèvent de l'armée de terre ou de l'armée de l'air. Nous essayons d'identifier d'autres gisements d'économie.

En ce qui concerne les équipements, les programmes les plus fragiles sont en général les plus récents, sur lesquels encore peu d'engagements ont été passés. J'estime qu'il serait pour le moins paradoxal de pénaliser les programmes liés à la fonction « connaissance et anticipation », alors que c'est précisément l'une des priorités fortes du Livre blanc.

Nous explorons les voies de mutualisation ou de coopération européenne, mais pour coopérer, il faut la convergence de trois volontés : celle des armées, et elles y sont prêtes ; celle des gouvernements, qui est également réelle ; enfin, celles de ce que j'appellerai les canaux historiques, c'est-à-dire les structures étatiques et industrielles internes à qui il n'est pas toujours facile de faire admettre que l'on peut travailler différemment. Le Royaume-Uni est sur cette ligne et nous espérons également pouvoir travailler avec l'Allemagne. La tentation des réflexes de repli national existe partout en Europe. Bien entendu, il y a des concertations entre les chefs d'état-major des armées des différents pays européens, mais tous n'ont pas le même niveau de responsabilité en matière de programmation.

L'accentuation des coopérations pourra être une façon de préserver le niveau d'ambition du Livre blanc. Nous en étudions la faisabilité dans plusieurs domaines, par exemple la constitution d'une flotte d'avions ravitailleurs.

Monsieur Chevènement, il n'est heureusement pas question de supprimer des programmes. S'il fallait supprimer quelque chose, ce serait peut-être la possession de certains équipements, mais sans renoncer à leur usage. On pourrait par exemple imaginer une force navale de lutte contre les mines commune à la marine et à la Royal Navy. Nous sommes dans une période de réflexion active des deux côtés de la Manche.

En matière de dissuasion nucléaire, nous avons rigoureusement appliqué la stricte suffisance. Avec quatre SNLE et deux escadrons pour la composante aérienne, il est difficile d'aller plus loin. Je puis vous assurer que les programmes liés à la dissuasion sont suivi de très près, dans le souci du meilleur emploi des crédits. Le Président de la République a confirmé le maintien des deux composantes qui donnent à notre force de dissuasion de la crédibilité, y compris en Europe, et de la souplesse.

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