Intervention de Jacques Gautier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 juin 2010 : 1ère réunion
Déplacement au gabon — Communication

Photo de Jacques GautierJacques Gautier, co-rapporteur :

Le Livre blanc définit la bande sahélienne, de l'Atlantique à la Somalie, comme le lieu géométrique d'un certain nombre de menaces : immigration clandestine, radicalisation religieuse, terrorisme, réseaux criminels, trafics divers et risques sanitaires. Il indique que la fragilité de cette zone appelle une vigilance et un investissement spécifique dans la durée.

Ces menaces et la défense des intérêts partagés avec les pays africains qu'a rappelées Daniel Reiner justifient notre présence militaire sur le continent.

La France déploie un petit peu moins de 10 000 hommes le long de l'arc de crise. Ces forces sont des forces temporaires, comme en Côte d'Ivoire, au Tchad ou en République Centrafricaine, des forces sous mandat international comme au Liban ou dans le cadre de l'opération Atalanta, des forces de présence, en particulier à Djibouti, au Sénégal, au Gabon et aux Emirats arabes unis et, enfin, des forces de souveraineté sur l'île de la Réunion et à Mayotte.

Les seules forces de présence comptent 5 400 hommes dont un petit peu plus de 900 au Gabon. Elles assument quatre missions :

- assurer la prévention, la protection et l'évacuation éventuelle des ressortissants français établis dans les différents pays africains ;

- contribuer à la préservation des espaces essentiels à l'activité économique et à la liberté des échanges ;

- participer à la réalisation des engagements internationaux de la France dans les cadres européen et onusien ;

- participer activement, à travers les actions de coopération, à la mise en place de forces africaines autonomes, dans un cadre régional comme dans le cadre de l'Union africaine (forces en attente).

Notre déploiement au Gabon illustre parfaitement la mise en oeuvre de notre politique en Afrique.

Dans le cadre de la concentration nécessaire de notre dispositif, le choix de la base Ouest s'est posé entre le Sénégal et le Gabon. Les difficultés que nous avons rencontrées avec le Gouvernement du Président Wade ont conduit à choisir le Gabon. Comme le souligne, à juste titre, le Livre blanc, la présence française sur le continent est « là où elle est souhaitée ». Conformément aux voeux du Gouvernement sénégalais, une cérémonie de restitution symbolique des emprises occupées par les forces françaises a eu lieu au camp Bel Air le 9 juin 2010. En accord avec les autorités sénégalaises, la France ne conservera à Dakar qu'un simple « pôle opérationnel de coopération à vocation régionale », fort d'environ 300 militaires. Une nouvelle affectation, vraisemblablement immobilière, sera donnée à l'emprise du camp Bel Air.

Les effectifs et les infrastructures des forces françaises au Gabon seront donc vraisemblablement renforcés dans les années à venir.

L'accord de partenariat et de défense avec le Gabon a été signé lors de la visite officielle du Président de la République en février dernier. Il constitue le fondement juridique de notre présence au Gabon. Comme les accords dont notre commission va avoir à débattre prochainement avec le Togo et le Cameroun, l'accord avec le Gabon sera déposé sur le bureau de l'une des deux assemblées et discuté. Le texte encore provisoire, puisqu'il doit être soumis à l'avis du Conseil d'État, reprend les mêmes dispositions que les accords avec le Togo ou avec le Cameroun. S'y ajoute une annexe sur les facilités opérationnelles pour les forces françaises au Gabon.

L'ensemble des entretiens que nous avons eus avec le Premier ministre, avec les ministres des affaires étrangères et de la défense ou avec nos collègues du Sénat gabonais, dont il faut souligner la chaleur de l'accueil, nous ont permis de constater l'accord unanime des autorités politiques gabonaises pour une coopération étroite et confiante avec la France. Comme l'a souligné le Président de la République, c'est un partenariat exigeant, entre égaux et au bénéfice mutuel des deux parties.

La coopération entre la France et Gabon vise à renforcer les capacités humaines, techniques et logistiques des forces gabonaises. Au-delà de cette fonction traditionnelle de formation des cadres de l'armée nationale, l'objectif est de participer directement à la mise en place et au renforcement du système de sécurité collective de l'Afrique. En particulier, toute l'action de la coopération militaire, qu'elle soit structurelle ou opérationnelle, est orientée vers la montée en puissance de la force africaine en attente, et notamment de la brigade régionale constituée dans le cadre de la communauté économique de l'Afrique centrale.

Les nouveaux accords de défense comportent également une dimension multilatérale qui prévoit l'association au partenariat de défense des institutions de l'Union européenne et de l'Union africaine, des ensembles sous-régionaux de cette dernière et, le cas échéant, d'autres pays africains ou européens. Notre coopération avec le Gabon s'inscrit dans le cadre du partenariat stratégique UE-Afrique.

Outre cette mission de coopération avec les forces armées gabonaises et avec la brigade de l'Union africaine, les forces françaises au Gabon ont la mission d'assurer la sécurité des 12 000 ressortissants français qui y sont installés et, plus largement, celle des ressortissants d'autres pays dont la sécurité pourrait être menacée, comme ce fut le cas au Tchad par exemple.

De plus, en tant que force prépositionnée, les FFG constituent un point d'appui et d'accueil pour les opérations menées en Afrique, notamment les opérations de maintien de la paix auxquelles la France participe sur le continent. Enfin nos forces constituent un point d'appui essentiel pour la mise sur pied d'une force aéroterrestre à capacité aéroportée en vue d'une éventuelle intervention de première urgence en Afrique centrale et de l'Ouest.

Au cours de notre mission, nous avons pu visiter l'ensemble du dispositif installé à Libreville. Ces visites ont permis d'illustrer l'action de notre pays au Gabon et dans la sous-région.

Le dispositif est placé sous le commandement d'un officier général, le général Commins qui s'appuie sur un état-major interarmées. Il est responsable non seulement des forces françaises au Gabon mais il est aussi le correspondant des organes militaires de la CEEAC et des chefs d'état-major des armées concernées de la région.

Les forces terrestres sont composées du 6è bataillon d'infanterie de marine, dans lequel j'ai eu l'honneur de servir, du détachement de l'aviation légère de l'armée de terre et d'une mission logistique installée au Cameroun. Le détachement air comprend un groupement de transport opérationnel dont un détachement d'hélicoptères légers et une escale de transit qui est implantée sur une partie de l'aéroport international de Libreville, la base Guy Pidoux.

Sur ce dernier point, nous avons pu constater les conditions précaires de l'installation de l'armée de l'air sur cette base qui est indiscutablement trop exigüe et qui ne dispose pas de hangars permettant d'assurer dans de bonnes conditions le maintien en condition opérationnelle des matériels. Les réparations ou l'entretien sur les moteurs des Transals s'effectuent en plein air avec une simple bâche pour couvrir les moteurs et leur équipement électronique en cas de pluie, ce qui est évidemment très fréquent au Gabon. La sécurité n'est donc pas assurée. Il en va de même pour les locaux de stockage des pièces détachées qui doivent être modernisés. Enfin, le passage à proximité immédiate de la base de la route littorale peut poser des questions de sécurité.

Il est évident que le choix du Gabon comme «hub Ouest » de notre dispositif en Afrique suppose que nous disposions de facilités opérationnelles meilleures. La base jouxte le tarmac réservé à l'aviation présidentielle gabonaise qui autorise gracieusement une utilisation temporaire. Cette situation n'est néanmoins pas satisfaisante et il est nécessaire de négocier une extension de la base Pidoux et de l'équiper de hangars permettant le stationnement et l'entretien de nos appareils dans de bonnes conditions.

Lors des rencontres avec nos militaires, officiers, sous-officiers et hommes du rang, nous avons pu constater l'extraordinaire motivation de l'ensemble du personnel ainsi que la chaleur des liens professionnels et humains de nos soldats, quel que soit leur grade, avec leurs homologues de l'armée gabonaise et des armées de la CEEAC.

En particulier, nous avons pu assister à la préparation de l'exercice Kwanza 2010. Cet exercice, qui s'est déroulée au mois de mai, avait pour objectif la certification de la brigade de la force africaine en attente pour la région. À partir d'un scénario d'intervention, il s'agissait d'évaluer les avancées de la force multinationale de l'Afrique centrale en matière de gestion de crise au sein de la sous-région. Cet exercice a engagé environ 4 000 hommes provenant des différentes armées nationales et de nombreux matériels.

La tenue de cet exercice montre les progrès effectués et la volonté des différents pays de la zone de contribuer et, à terme, de prendre en charge la résolution des conflits et l'instauration de la paix et de la sécurité régionales. Cette progression est très encourageante, même si l'on peut regretter le rythme sans doute trop lent de la montée en puissance de la force en attente de l'Union africaine. Elle témoigne aussi de la pertinence et de l'efficacité de notre coopération.

Nous avons également pu vérifier la qualité des liens entre nos militaires et les militaires des armées de la zone au travers des différentes des actions de coopération militaire.

En particulier, nous avons visité deux des 17 écoles nationales à vocation régionale africaines (ENVR) qui sont implantées au Gabon : l'école d'état-major et l'école d'application du service de santé. Ces écoles constituent une véritable force d'intégration régionale. Elles sont devenues un élément clé de notre politique de coopération.

Les deux écoles d'état-major dont nous disposons au Mali et au Gabon vont être fusionnées au profit de celle de Libreville, doublant ainsi sa capacité d'accueil et de formation.

L'école d'application du service de santé est un pôle d'excellence au Gabon. Elle permet la formation des médecins militaires des armées et de la zone. Je dois souligner l'excellent équipement et la tenue de l'hôpital Omar Bongo que nous avons visité à Libreville.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion