Je suis très heureux d'accueillir ce matin M. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, dans le cadre d'un cycle d'auditions sur la défense antimissile balistique et ses implications pour la France que nous allons conduire d'ici la fin de la session.
La question de la défense antimissile est aujourd'hui relancée au sein de l'OTAN.
L'administration Obama a réorienté les programmes mis en place par l'équipe précédente, mais la défense antimissile reste une grande priorité de la stratégie de défense des Etats-Unis, tant pour la protection du territoire américain que pour celle des pays alliés ou partenaires. A la lecture de la « Ballistic Missile Defense Review » ou de la « Nuclear Posture Review », on constate que la défense antimissile est un élément clef des garanties et des architectures de sécurité que les Etats-Unis veulent consolider dans trois régions du monde : l'Asie de l'Est, le Golfe et l'Europe, en privilégiant pour cette dernière le cadre de l'OTAN.
Dans le même temps, le groupe d'experts sur le concept stratégique propose d'inscrire la défense antimissile parmi les missions de l'OTAN et le secrétaire général, M. Rasmussen, souhaite une décision de principe lors du sommet de Lisbonne en novembre prochain.
Notre pays va donc devoir définir sa position dans ce débat.
Nous ne sommes pour l'instant engagés que dans la défense antimissile de théâtre, notamment avec le programme Aster, dont les capacités seront dans un premier temps assez limitées. Il est prévu que nos moyens participent au système de défense de théâtre développé par l'OTAN.
En revanche, nous n'avons pas prévu dans l'immédiat de lancer des développements en vue d'une protection du territoire contre les missiles balistiques, même si le Livre blanc prévoit l'acquisition d'ici la fin de la décennie d'une capacité d'alerte, avec un satellite et des radars à très longue portée.
Alors qu'une forte pression s'exerce au sein de l'OTAN, de nombreuses questions se posent.
Quelles sont la réalité et l'urgence du besoin ?
Quelles pourraient être les modalités de mise en oeuvre ? S'agit-il purement et simplement de faire protéger l'Europe par le système américain ou de connecter à ce dernier un ensemble de moyens propres de l'OTAN et des contributions nationales ?
Au vu des différentes hypothèses, quel serait le coût d'un tel système ? Alors que nous traversons une situation budgétaire critique, ce coût serait-il raisonnable au regard du niveau de la menace et de l'efficacité potentielle du système ?
Comment le commandement de cette défense antimissile intégrée serait-il assuré ?
Comment la Russie pourrait-elle être associée à cette capacité de défense continentale ?
Pour la France, les enjeux sont évidemment politiques et stratégiques, mais ils sont également technologiques et industriels. La défense antimissile est un vecteur pour de nombreux développements technologiques futurs et nos groupes industriels disposent déjà d'un certain nombre de compétences en la matière.
Nous sommes en quelque sorte confrontés à une double crainte : celle d'être entraînés dans une course technologique dépassant nos ressources financières et les détournant d'autres priorités essentielles ; celle de demeurer à l'écart et de voir s'établir un monopole américain, tant politique et stratégique que technologique.
Je remercie M. Camille Grand d'avoir bien voulu venir éclairer ce débat en précisant les différents enjeux pour notre pays et les options qui se présentent à nous face aux développements en cours au sein de l'OTAN.