Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 mai 2009 : 1ère réunion
Accord entre la france et le saint-siège sur la reconnaissance des diplômes — Communication

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Puis la commission a entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur l'accord entre la France et le Saint-Siège portant sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur, signé le 18 décembre 2008.

a souhaité apporter des précisions au sujet de l'accord entre la France et le Saint-Siège portant sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur, signé le 18 décembre 2008 et publié au Journal officiel le 19 avril 2009, cet accord ayant fait l'objet d'une polémique dont la presse s'est fait l'écho et ayant soulevé des interrogations de la part de certains membres de la commission.

a d'abord indiqué que l'accord entre la France et le Saint-Siège, signé le 18 décembre 2008, portait sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur et qu'il s'inscrivait dans le cadre de la construction d'un « espace européen de l'enseignement supérieur », engagée par les ministres européens de l'enseignement supérieur à Bologne en 1999, qui se traduit notamment par l'harmonisation des cursus universitaires autour du modèle LMD (Licence-Master-Doctorat) et qui vise à favoriser la reconnaissance des diplômes dans l'espace européen et la mobilité des étudiants et des professeurs.

Il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une initiative de l'Union européenne mais d'une coopération intergouvernementale, qui regroupe aujourd'hui 46 Etats européens, dont la France et le Vatican.

a indiqué que l'accord signé entre la France et le Saint-Siège, qui fait suite à plusieurs accords bilatéraux conclus par la France notamment avec l'Espagne ou l'Italie, a pour objet de reconnaître les périodes d'études, les grades et les diplômes de l'enseignement supérieur délivrés par l'une des deux parties et de permettre ainsi la poursuite d'études dans l'autre partie.

Il a précisé que cet accord s'applique, pour la France, aux grades et aux diplômes délivrés sous l'autorité de l'Etat par les établissements d'enseignement supérieur, et concernant le Vatican, aux grades et diplômes délivrés par les universités catholiques, les facultés ecclésiastiques et les établissements d'enseignement supérieur habilités par le Saint-Siège. La liste précise des institutions et des disciplines concernées devrait être transmise prochainement par le Vatican aux autorités françaises.

Soulignant que cet accord avait soulevé des interrogations, tant sur la procédure, que sur le fond, M. Josselin de Rohan, président, a ensuite voulu apporter des précisions sur ces deux points.

Tout d'abord, en ce qui concerne la procédure et la question de savoir si cet accord devait ou non être soumis au Parlement, il a rappelé que l'article 53 de la Constitution énumère les traités ou accords qui doivent faire l'objet d'une procédure d'autorisation parlementaire, qui comprennent les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, les traités qui engagent les finances de l'Etat, ceux relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire et, enfin, les traités qui modifient des dispositions de nature législative.

Faisant observer que cet accord n'était à l'évidence ni un traité de paix, ni un traité de commerce, ni un traité ou accord portant cession, annexion ou échange de territoire, qu'il ne concernait pas une organisation internationale et n'engageait pas non plus les finances de l'Etat, il a indiqué que la seule interrogation était de savoir si cet accord ne portait pas sur une matière législative.

A cet égard, il a rappelé que le Conseil constitutionnel avait jugé, dans sa décision du 19 juin 1970, qu'un traité ou accord devait être soumis à l'autorisation parlementaire de ratification ou d'approbation, dès lors qu'il portait sur une matière législative, sans qu'il soit besoin de considérer si ce traité ou accord modifie une telle matière.

Il a fait remarquer que la jurisprudence du Conseil constitutionnel privilégiait donc une interprétation large, allant au-delà de la lettre de l'article 53 de la Constitution, qui revenait à soumettre un grand nombre de traités ou accords à une procédure d'autorisation parlementaire, puisque dès lors qu'un traité ou accord porte sur une matière législative, il doit être soumis au Parlement.

Il a toutefois estimé que tel ne semblait pas être le cas de l'accord entre la France et le Saint-Siège, puisque cet accord porte uniquement sur la reconnaissance mutuelle des grades et diplômes de l'enseignement supérieur et qu'il ne touche pas aux principes fondamentaux de l'enseignement, qui seuls relèvent de la loi, en vertu de l'article 34 de la Constitution.

Rappelant que le Conseil d'Etat avait jugé, dans un arrêt du 10 mars 1993, que la création d'un nouveau diplôme ne touchait pas aux principes fondamentaux de l'enseignement, il a estimé qu'il en allait de même a fortiori, de la simple reconnaissance des diplômes. Il a, en outre, fait observer que cet accord avait été pris sur le fondement de la convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur, signée à Lisbonne le 11 avril 1997, et que cette convention n'avait fait l'objet d'aucune autorisation du Parlement préalablement à sa ratification, car il avait été considéré à l'époque qu'elle ne comportait aucune disposition de nature législative. Il a donc estimé qu'il serait surprenant que la procédure soit différente concernant l'accord entre la France et le Saint-Siège qui vise à mettre oeuvre cette convention. Il a en outre indiqué que les précédents accords de reconnaissance des diplômes signés par la France, par exemple avec l'Espagne ou l'Italie, n'avaient pas été soumis à une procédure d'autorisation parlementaire.

Évoquant ensuite le fond, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que dès sa publication au Journal officiel, cet accord avait suscité des protestations de plusieurs syndicats ou associations au nom de la défense du principe de laïcité.

Il a indiqué que, sans vouloir entrer dans cette polémique, il convenait de ne pas exagérer la portée de cet accord.

Il a rappelé que la France était liée par une trentaine d'accords portant sur la reconnaissance des diplômes, dans le cadre du processus de Bologne, avec des pays européens comme l'Espagne, mais aussi extra-européens, comme la Chine ou la Colombie, et que l'accord avec le Saint-Siège n'était pas différent des précédents.

Il a ensuite fait observer que, si le texte de l'accord était assez ambigu en ce qui concerne les institutions et les diplômes concernés et que leur liste n'avait pas encore été publiée, le ministère des affaires étrangères et européennes avait précisé, dans un communiqué de presse, que seuls devraient être concernés les diplômes canoniques délivrés par les universités catholiques ou les établissements d'enseignement supérieur habilités par le Saint-Siège, ainsi que les diplômes ecclésiastiques directement délivrés par les facultés ecclésiastiques sous l'autorité du Saint-Siège.

Ainsi, il a indiqué que cet accord concernerait, à ce stade, des études ou des diplômes dans des matières ecclésiastiques, comme la théologie, le droit canon, les langues anciennes ou encore la philosophie scolastique, et qu'il ne devrait pas s'appliquer aux matières « profanes », comme le droit, les sciences ou la médecine.

Il a cependant fait observer que l'accord et son protocole ne visaient pas une liste limitative mais posaient un principe général de reconnaissance et que, à l'avenir, la question pourrait se poser d'élargir ou non cette liste à d'autres matières.

Il a également indiqué que l'accord ne devait s'appliquer qu'aux diplômes délivrés par les cinq facultés catholiques françaises, comme l'Institut catholique de Paris, auxquelles il faut ajouter le Centre Sèvres, géré par les Jésuites, et l'Ecole cathédrale, instance de formation du diocèse de Paris.

Enfin, il a rappelé que chaque université française conservait le droit de reconnaître ou non le diplôme délivré par un établissement d'enseignement supérieur catholique pour la poursuite des études, cette reconnaissance n'étant ni automatique, ni de droit, ce qui préserve le principe de l'autonomie des universités.

A la suite de cette communication, un débat s'est engagé.

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