a, pour sa part, estimé que l'association « Retravailler » était en danger, en s'inquiétant de la diminution de ses moyens financiers, et notamment de ceux provenant de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Elle a regretté, elle aussi, que l'on passe aujourd'hui d'une « logique d'orientation » à une « logique de placement ».
Après s'être félicitée de la contribution de l'association à la généralisation du travail des femmes, elle a déploré que la France, malgré une forte participation des femmes à la vie professionnelle, reste « loin du compte » du point de vue de l'égalité professionnelle, avec un différentiel salarial qui demeure de l'ordre de 25 %.
Puis elle a analysé les caractéristiques de « l'enclavement du travail des femmes », en distinguant une double discrimination, à la fois verticale, qui se manifeste par l'existence d'un « plafond de verre », et horizontale, dont témoigne le fait que 70 % des femmes qui travaillent demeurent concentrées dans six groupes de professions sur vingt-sept. Précisant que la discrimination verticale était en voie de légère diminution, mais que l'enclavement des femmes dans les métiers les moins bien rémunérés tendait plutôt à s'aggraver, elle a souligné que le parti pris de la mixité professionnelle était l'un des socles de la philosophie de l'association « Retravailler ».
Elle a alors évoqué l'origine des stéréotypes professionnels, en faisant observer que l'orientation des femmes vers les métiers de l'éducation, du secteur social ou de la santé pouvait s'analyser comme le prolongement, dans la sphère marchande, du rôle joué par la mère dans la sphère privée. Elle a jugé essentiel de « casser cette césure » qui fait dériver la ségrégation professionnelle du partage des rôles familiaux, en estimant qu'à l'appui de cette démarche, l'argument économique, tiré de l'augmentation des besoins de main-d'oeuvre dans certains secteurs traditionnellement « masculins », aurait sans doute plus de poids que le rappel des enjeux démocratiques et de justice sociale.
Puis elle a indiqué que l'association considérait comme « stratégique » de placer au premier rang de ses priorités l'orientation professionnelle des femmes en situation de crise, qui ont perdu leur emploi, et qui, bien souvent isolées en raison des séparations de plus en plus fréquentes des couples, sont contraintes, par le « principe de réalité », de se diriger vers des métiers en tension « estampillés masculins ».
Elle a regretté que, plus en amont, à l'adolescence, au moment des choix d'orientation, les filles aient tendance à « mélanger identité sexuelle et identité sexuée » et se dirigent massivement vers les métiers connotés comme féminins, du secteur social en particulier, qui leur paraissent susceptibles de permettre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente, Mme Françoise Fillon a précisé que le phénomène de ségrégation horizontale du travail féminin se manifestait, contrairement aux idées reçues, de manière comparable en France et dans les pays du Nord de l'Europe.
Puis, évoquant les moyens d'action de l'association, elle a insisté sur l'importance d'une information approfondie sur les métiers et de la promotion des compétences des femmes auprès des entreprises, grâce à l'établissement par ces dernières de « référentiels de compétences » clairs. Elle a également présenté comme essentielle la féminisation des noms de métiers, qui aide les femmes à se projeter sur des activités jusqu'alors sémantiquement masculines.
Par ailleurs, afin de combattre les fausses représentations, Mme Françoise Fillon s'est appuyée sur l'analyse des trois stéréotypes qui se dégagent des différentes études conduites à travers l'Europe et tendent à empêcher la mixité des métiers : la pénibilité physique, la moindre disponibilité des femmes et la notion de « compétences différenciées ». Elle a démontré que ces trois stéréotypes ne résistaient pas à un examen réaliste.
S'agissant tout d'abord de la pénibilité physique, elle a pris l'exemple du métier d'infirmière, qui est particulièrement pénible, et a souligné que les progrès de l'ergonomie permettent désormais un accès égalitaire des femmes et des hommes dans la plupart des métiers, comme en témoigne le secteur du bâtiment.
Constatant ensuite que la créativité professionnelle est toujours meilleure dans les « collectifs de travail » mixtes, elle a rappelé, en ce qui concerne l'argument de la moindre disponibilité, d'une part, qu'il existait un certain nombre de femmes sans enfant, qui vivaient mal de ne pas être dans la « normalité » représentée par la maternité : jeunes, elles n'accèdent que rarement aux postes de responsabilité, car leurs employeurs appréhendent une éventuelle maternité ultérieure et, à partir de 40 ans, elles sont parfois bloquées dans leur carrière, en étant considérées comme des « personnalités potentiellement dangereuses », car suspectées de ne pas être équilibrées. D'autre part, toujours au sujet du problème de la disponibilité, elle a estimé qu'il fallait raisonner en termes de « parentalité », et non de maternité, en favorisant l'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants. A cet égard, prenant l'exemple du congé parental, elle a constaté que si la loi avait évolué, il n'en était pas de même des us et coutumes.
Enfin, elle a estimé que la notion de compétences différenciées ne s'observait pas chez les enfants : c'est à l'adolescence que peuvent apparaître des différences, en particulier en matière d'orientation spatiale, ce clivage sexué des compétences relevant, selon elle, de freins culturels. L'enjeu majeur, a-t-elle rappelé, est de « casser » ces représentations, ce qui implique le lancement de vastes chantiers d'action sur les stéréotypes que diffusent les parents, ainsi que les enseignants, et des interventions massives en matière de formation et de sensibilisation de tous les acteurs de l'orientation.
a jugé essentiel de mettre les femmes « en situation » professionnelle, pour leur démontrer par l'expérience qu'elles ont les compétences requises pour exercer avec succès des métiers qui leur paraissaient, a priori, inaccessibles. Elle a cité, à cet égard, des expériences qui, grâce à un partenariat entre différents acteurs de l'insertion professionnelle comme l'AFPA ou les chambres consulaires, ont permis d'insérer des femmes dans l'agriculture, l'artisanat ou le bâtiment, par exemple, et des hommes dans le secteur des services à la personne. Elle a cependant déploré une certaine « réticence machiste » qui se manifeste parfois du côté du petit artisanat et freine la reprise d'activité par des femmes.