Vous avez techniquement raison, mais les marchés ne le croiront pas. Il y a aujourd'hui un problème de crédibilité de la parole publique : on nous assurait que la Grèce ne ferait pas défaut, c'est chose faite depuis le 21 juillet ; la solidité financière des banques était réputée à toute épreuve, et il a fallu sauver Dexia...
Je suis un Européen de coeur et un fédéraliste, mais la solution que je préconise ne l'est pas ; elle est en revanche pleinement démocratique. Pas de mise en commun des dettes publiques, pas de zone euro ! L'Italie, l'Espagne ou le Portugal ne pourront pas procéder aux ajustements budgétaires indispensables ni, surtout, améliorer leur compétitivité - ce qui suppose de baisser les coûts et les salaires et de procéder aux réformes ajournées depuis quarante ans - avec une croissance nulle pendant plusieurs années et des taux d'intérêt de 6 %. Je comprends les réticences des Allemands, qui ne veulent pas donner un chèque en blanc aux pays endettés. Le gouvernement italien avait promis le 8 août de procéder à toutes les réformes exigées par la BCE, avant d'annoncer le contraire le 15 août... Le FESF ne suffira pas à éteindre l'incendie ; on ne peut pas non plus demander à la BCE de racheter toutes les dettes, car cela inciterait au laxisme. D'où la proposition que je formule dans un article à paraître demain dans Les Echos : tous les pays qui demanderont au FESF ou à la BCE de racheter une partie de leur dette devront se soumettre à un programme du FMI ; ce sera peut-être humiliant, mais c'est le seul moyen de rassurer les marchés. Car si la BCE a les poches larges, le FMI seul sait imposer une conditionnalité - alors qu'il n'a plus d'argent à prêter, et que les Asiatiques rechignent à renflouer les Européens.
En outre, je propose d'appliquer la jurisprudence du Club de Paris. Que se passe-t-il lorsqu'un pays africain voit s'effondrer le cours d'une matière première dont il est très dépendant ? Il demande l'aide du FMI ou de la Banque mondiale et procède aux ajustements budgétaires nécessaires ; il peut parvenir à réduire son déficit, mais si le cours de la matière première ne remonte pas, il n'arrive pas à rembourser sa dette. Alors, on applique la jurisprudence suivante, acceptée par tous les investisseurs publics ou privés : si les flux sont maîtrisés, on restructure le stock, c'est-à-dire que l'on redéfinit a posteriori la qualité des dettes accumulées. Toute la dette émise avant l'accord conclu avec le FMI ou une autre institution est considérée comme restructurable et appelée junior ; toute la dette émise après cette date est considérée comme non restructurable et appelée senior.