La Cour a mené cette enquête au premier semestre 2011, au titre de l'article 58-2° de la LOLF, pour répondre à des interrogations récurrentes de votre commission. Celle-ci s'interrogeait sur la gestion de LADOM et sur le quadruplement apparent des contributions de l'État depuis 2010, sur les conditions d'exercice de ses nouvelles missions de continuité territoriale, et sur l'articulation entre LADOM et l'Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (Ifcass) de Dieppe, l'un des multiples organismes de formation auxquels l'agence a recours.
LADOM est une entreprise publique qui gère 100 millions d'euros de crédits exclusivement publics, issus de l'État, des collectivités locales et des fonds européens. Elle disposait en 2011 de 126 ETP et 30 agents temporaires, qui seront intégrés dans son plafond d'emploi dès 2012.
Sa mission historique est la formation professionnelle des ultramarins dont elle organise la mobilité en métropole : environ 4 000 jeunes formés chaque année. Sa nouvelle mission de continuité territoriale comprend le passeport mobilité-études et la délivrance de bons finançant une partie des voyages, sous condition de ressources : au moins 60 000 bons délivrés chaque année. Le décret d'application datant de novembre 2010, cette deuxième mission n'a été mise en oeuvre qu'à compter de 2011, mais l'agence s'y était préparée en créant des plateformes communes entre les deux missions. L'organisation, stabilisée pour ce qui concerne la formation professionnelle, est encore expérimentale en ce qui concerne l'aide à la continuité territoriale ; nous nous limitons donc sur ce point à formuler des recommandations et alertes.
L'opérateur est soumis à un contrôle obligatoire et régulier de la Cour ; le dernier date de 2004. LADOM, qui a son siège à Saint-Denis, compte neuf délégations régionales métropolitaines et cinq ultramarines. En sus des contrôles sur pièces et sur place, nous nous sommes rendus dans les antennes de Paris, Nantes et Marseille, de Saint-Denis de la Réunion et de Mamoudzou, à Mayotte. La phase de contradiction s'est déroulée dans d'excellentes conditions.
Nos douze recommandations, qui figurent en annexe du rapport, s'articulent autour de trois volets. D'abord, l'évolution institutionnelle et financière. LADOM a le statut de société d'État, alors qu'elle présente toutes les caractéristiques d'un établissement public administratif (EPA). Compte tenu des problèmes de gestion observés, pourquoi ne pas mettre son statut en adéquation avec la réalité de ses missions et de son fonctionnement, d'autant que le statut d'EPA entraîne la présence d'un comptable public ?
Le quadruplement des crédits est la conséquence d'un effet de périmètre et d'échelle, avec l'intégration de crédits qui jusqu'ici ne transitaient pas par ses comptes, et l'attribution de nouvelles ressources pour assurer ses nouvelles missions. Les ressources dédiées à la mobilité professionnelle n'ont augmenté que de 15 %, les crédits consacrés à la continuité territoriale s'élevant à 28 millions en 2011. Les frais de fonctionnement représentent 16 % des dépenses totales. Le nouveau contrat de performance devra intégrer les nouvelles missions et préciser les indicateurs et les modalités de leur suivi.
Deuxième volet, la gestion. L'Agence ne respecte pas l'ordonnance du 6 juin 2005 en matière de marchés publics, privilégiant les négociations directes sur les procédures d'achat formalisées. Elle s'est toutefois engagée à y remédier, et a recruté un spécialiste des marchés publics. La tutelle s'est également engagée à ce que cette situation soit régularisée. Autres problèmes : la défaillance du contrôle interne, l'inexistence du contrôle de gestion, l'hétérogénéité des procédures, l'inadaptation des ressources humaines aux missions, l'absence de rationalisation de la politique immobilière, malgré les remarques répétées de la Cour.
Le dernier volet dresse un bilan de l'efficacité de LADOM. Pour la formation professionnelle, le choix politique de confier à l'agence une compétence relevant a priori des régions se justifie par la situation particulière des jeunes ultramarins. L'agence a entrepris une mutation appréciable pour renforcer l'adéquation entre offre et demande d'emploi, mettant l'accent sur les métiers en tension et le partenariat avec les entreprises. Reste des progrès à faire pour assurer un suivi qualitatif, garantir l'insertion dans l'emploi, développer les partenariats. Si l'indicateur d'inclusion dans l'emploi a progressé - 45 % des jeunes ayant suivi une formation et donné de leurs nouvelles en 2010, contre 32 % en 2005 -, la performance reste limitée, ne donne aucune indication sur la nature de l'emploi, et ne porte que sur 70 % des jeunes suivis par l'Agence : on est loin de l'objectif fixé par la convention d'objectifs et de moyens de 60 % de jeunes insérés sur 95 % suivis.
L'aide à la continuité territoriale est une activité de guichet, sans valeur ajoutée. L'État souhaitait reprendre le contrôle d'un dispositif confié aux régions et largement détourné de ses fins. L'organisation de cette nouvelle activité au sein de LADOM n'est pas encore stabilisée. Des plateformes de continuité territoriale ont été créées en 2010, avec du personnel temporaire. La mise en place du contrôle interne n'est pas aboutie.
Surtout, le suivi budgétaire demeure fragile, et l'enveloppe de 19,2 millions pourrait être dépassée. Dans certains départements, dont la Réunion, les engagements au 1er juillet représentaient 100 % des montants annuellement disponibles. Si la consommation effective des bons est incertaine, la visibilité des tutelles est insuffisante. Le sujet est politiquement sensible, d'autant que cette aide est désormais perçue comme un droit. Qu'adviendra-t-il si les crédits viennent à manquer ? Il faut mettre en place le comité de suivi prévu par les textes réglementaires, afin d'ajuster les paramètres - seuil de ressources ou montant des aides.
Enfin, l'action de LADOM ne serait pas renforcée par la création de groupements d'intérêt public (GIP) entre État et collectivités, envisagée par l'article 50 de la LODEOM, qui seraient au contraire source de frais supplémentaires et de stratification institutionnelle. La voie du conventionnement paraît préférable, afin de prévoir une association plus étroite entre services d'accueil, gérés par les collectivités, et services de validation et de contrôle plus resserrés gérés par LADOM.
Les recommandations de la Cour, qui figurent en annexe, serviront de cadre lors de futurs contrôles de l'agence.