a déclaré à titre liminaire que la déclaration d'une pandémie de grippe A (H1N1)v le 11 juin 2009 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) constituait un événement sans précédent.
En mai 2009, l'OMS avait supprimé la sévérité de la maladie dans la définition d'une alerte pandémique de phase 6, n'exigeant plus qu'un unique critère : la diffusion rapide et mondiale d'un nouveau virus contre lequel la population n'est pas immunisée.
Ainsi, pour la première fois, des mesures coûteuses telles que la production de vaccins et des campagnes de vaccination de masse ont été déclenchées dans l'ensemble du monde. Et nous sommes toujours à la phase 6 de la pandémie, bien qu'il n'y ait eu aucune indication d'une menace sérieuse pour la santé du fait du virus A (H1N1) dans les deux hémisphères, et bien que le virus ne soit pas nouveau.
Ni l'OMS, ni les comités d'experts nationaux sur la grippe, ni les gouvernements n'ont informé le grand public que le virus A (H1N1) était connu depuis des décennies. Il a été apporté aux Etats-Unis par les soldats revenant du Viêt-Nam dans les années 70, et était connu sous l'appellation de grippe porcine asiatique. En 1976, une campagne nationale de vaccination contre cette grippe a été lancée à l'initiative du président Gérald Ford, à la suite, en fait, d'une série, à Philadelphie, de cas de légionellose qui est une affection bactérienne et non virale. Quarante millions de citoyens des Etats-Unis ont néanmoins été vaccinés contre la grippe parce que les spécialistes en maladies infectieuses du Center for Disease Control (CDC) étaient convaincus que le virus A (H1N1) était similaire à celui qui avait provoqué l'épidémie de grippe espagnole de 1918-1920, qui a fait vingt-cinq à quarante millions de victimes au sein de populations frappées par la guerre et la faim.
Cependant, la campagne de vaccination a été arrêtée brutalement quand on s'est avisé que le virus n'avait causé qu'une maladie bénigne et sans complications chez seulement cinq cents personnes, et un seul décès. Le vaccin, en revanche, avait des effets secondaires neurologiques sévères, à savoir le syndrome de Guillain-Barré. L'histoire de cette campagne de vaccination a été rappelée par le Washington Post le 27 avril 2009. Dans leur ouvrage « L'épidémie qui n'a pas existé », Richard Neustadt et Harvey Fineberg ont conclu que cinq facteurs avaient affecté le processus de décision de 1976 :
- la confiance excessive des spécialistes dans des théories extrapolées à partir de maigres données ;
- une conviction alimentée par la conjonction d'objectifs personnels ;
- un engagement prématuré de décider plus que ce qui n'avait à l'être ;
- l'absence d'une prise en compte des incertitudes, qui aurait permis de prévoir de revenir en arrière ;
- une mise en question insuffisante de la logique scientifique et des processus de mise en oeuvre.
A l'évidence, on n'a pas tiré les enseignements de l'épisode de 1976. Les effets bénins du virus A (H1N1) ont été observés dans le monde entier, comme ce fut le cas à l'époque. En Allemagne, dix mille morts sont imputées chaque année à la grippe saisonnière, en particulier chez les personnes âgées et fragiles, alors que la prétendue pandémie de grippe A n'y a provoqué que trois cents décès.
A l'évidence, aussi, les personnes les plus âgées étaient évidemment immunisées contre le virus A (H1N1), puisqu'on n'a trouvé quasiment aucune infection chez les personnes de soixante ans et plus. Ce qui indique clairement que ces personnes ont été déjà en contact avec le virus ou avec des vaccins contenant un antigène du virus.
En dépit du caractère contradictoire des données provenant du Mexique et de la faiblesse des preuves peu convaincantes compilées par le CDC d'Atlanta et le Centre européen de contrôle des maladies de Stockholm (ECDC), le directeur général de l'OMS, le docteur Margaret Chan, a déclaré le 12 juin 2009 une pandémie de grippe A (H1N1) qui a déclenché en cascade, dans les différents Etats, les actions qui avaient été préparées dans les années suivant les craintes relatives à des épidémies de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et de grippe aviaire.
En Allemagne, le ministère fédéral de la santé et les ministères des seize Länder ont commandé cinquante millions de doses de vaccins et s'attendaient à vacciner des millions de personnes. Il est intéressant de noter que les contrats contraignants et étendus avec le producteur de vaccins pour l'Europe, GlaxoSmithKline (GSK), avaient déjà été signés en 2007, après l'autorisation d'une maquette de nouveau vaccin pandémique.
L'OMS insiste sur le concept théoriquement dangereux de réassortiment génétique, c'est-à-dire d'une combinaison de deux virus infectant simultanément un hôte qui aboutit à la création d'un nouveau virus hautement pathogène et meurtrier. Ces scénarios de « virus tueurs », qui ont été propagés par les gouvernements, les producteurs de vaccins et leurs experts d'abord pour le SRAS puis pour la grippe aviaire, puis pour la grippe A, assortis de la prédiction de millions de morts, renvoient à des peurs profondément enracinées, liées à des fléaux comme la grippe espagnole. Cependant, il n'y a pas eu en Allemagne un seul décès dû au SRAS ou à la grippe aviaire et la grippe A n'a causé que trois cents morts, bien en-deçà du nombre habituel des victimes de la grippe saisonnière.
Néanmoins, des quantités massives d'antiviraux ont été commandées en Allemagne, trente-quatre millions de doses de vaccins ont été achetées sur cinquante millions commandées par les autorités fédérales et les Etats. Les laboratoires producteurs de vaccins ont gagné plus de 500 millions d'euros du fait de cette campagne de vaccination inutile. Ce coût doit être supporté par le contribuable allemand.
Dans les années récentes, on a assisté à plusieurs campagnes fondées sur la peur, avec le SRAS en 2002-2003, puis la grippe aviaire en 2005-2006 et nous vivons aujourd'hui la soi-disant pandémie de grippe A. Le nombre de morts dues au SRAS n'est cependant que de cinquante-trois dans le monde, et la grippe aviaire n'a jusqu'ici frappé que quatre-cent quatre vingt-seize personnes, tuant deux-cent quatre-vingt-treize d'entre elles. Il est important de se rappeler que la grippe aviaire n'a pu être contractée que par des personnes en contact étroit avec des oiseaux et est restée dès lors une zoonose régionale. Pourtant, la grippe aviaire est devenue le modèle des scénarios de grippe pandémique transformant les stratégies de prévention saisonnière présentées comme inefficaces face à une pandémie. Encore une fois, aucune de ces prédictions ne s'est réalisée.
Au regard des faits, la grippe A apparaît comme une énorme « bulle de marketing ». L'OMS, et ses conseillers nationaux et internationaux ainsi que les autorités nationales doivent révéler leurs processus de décision et tirer les conséquences de leurs erreurs de jugement. Sinon, un mouvement perpétuel mondial d'épidémies imaginaires ne cessera de nous hanter, avec des conséquences financières désastreuses.
Un article publié dans le British Medical Journal du 10 février 2010 a évoqué avec raison le « tour de passe-passe des alertes exagérées ». Il est essentiel de mettre fin à cette série ininterrompue depuis le SRAS et d'éviter de renouveler les mêmes erreurs. Il faut poser les conditions d'une analyse et d'un discours équilibrés sur les pandémies. M. Ulrich Keil a conclu en rapportant que, lors du dernier congrès annuel d'épidémiologie allemande à Münster, il avait demandé au docteur Krause, de l'institut Robert Koch de Berlin, s'il lancerait une campagne de vaccination si l'année prochaine l'OMS déclarait une pandémie d'éternuements. A sa grande stupéfaction, ce dernier lui a répondu par l'affirmative.