Intervention de Bernard Murat

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 26 septembre 2007 : 1ère réunion
Sports — Associations de supporters - examen du rapport d'information

Photo de Bernard MuratBernard Murat, rapporteur :

a rappelé en introduction qu'à la suite des évènements du 23 novembre 2006 ayant conduit à la mort d'un supporter du Paris Saint-germain (PSG), la commission avait mis en place un groupe de travail sur les associations de supporters, mais qu'entre ce drame et la constitution réelle du groupe de travail en mars 2007, de nombreux actes de violence avaient été constatés à Nancy le 30 novembre, à Lille, le 20 février en Coupe d'Europe, et le 3 mars à Sedan et à Saint-Etienne.

S'interrogeant ensuite sur le fait de savoir pourquoi le football est le seul sport concerné, il a expliqué que le spectacle sportif était potentiellement plus violent que le théâtre ou un concert parce que les spectateurs étaient très nombreux, que le public prenait une part active à l'animation par les chants et les sifflets, que la compétition inhérente au spectacle était créatrice de conflits et que les spectacles violents entraînaient souvent des comportements violents chez les spectateurs.

a observé que cela n'expliquait toutefois pas pourquoi au rugby, les tribunes étaient relativement paisibles. Il a donc identifié des facteurs complémentaires :

- l'âge des spectateurs est un élément central de l'explication. Au football, 80 % des spectateurs ont moins de 40 ans et les supporters ont en général entre 15 et 25 ans. Ils ont un comportement lié à leur classe d'âge. Au rugby, les spectateurs, plus âgés, exercent un contrôle social fort sur leurs pairs. Par ailleurs, l'avènement du football dans les années 1970 s'est fait à un moment où la jeunesse prenait son autonomie et une culture spécifique des supporters de football s'est développée, non pas forcément violente, mais caractérisée par une animation « musclée » : chants puissants, insultes pour déstabiliser l'adversaire et l'arbitre et utilisation de fumigènes...

- les qualités dramaturgiques du football, en raison du faible nombre de buts et de l'incertitude qui pèse tout au long des matchs, ont une influence sur le comportement des supporters ;

- mais surtout, la médiatisation extrême des enjeux liés au football donne un caractère public aux actions menées par les supporters, ce qui les pousse à adopter des comportements leur permettant d'être encore plus connus et médiatisés.

Après s'être demandé si la violence était le fait d'un grand nombre ou d'une poignée de supporters, M. Bernard Murat, rapporteur, a distingué quatre types de supporters :

- les spectateurs, qui constituent probablement la majorité du public dans les stades, venant seuls au stade ou en petits groupes, et manifestant éventuellement leurs sentiments de manière isolée par des applaudissements ou des huées. Ils s'opposent aux insultes collectives et à la violence physique ;

- les supporters adhérents d'associations traditionnelles de supporters, loyales et intégrées au club. Ils organisent leur présence au stade collectivement et manifestent leur soutien par des chants et des animations (drapeaux, ballons gonflables, banderoles). Leurs associations s'opposent à la violence physique, voire verbale, et adhérent à la Fédération des associations de supporters (FAS), qui préconise une attitude fair-play. Elles sont les interlocuteurs privilégiés des clubs, ainsi que de la Ligue de football professionnel (LFP), qui admet un membre de la FAS au sein de sa commission nationale sur la sécurité et l'animation dans les stades. Ces supporters sont en général plus âgés et viennent aux matchs en famille ;

- les membres des associations dites « ultras ». Ils passent beaucoup de temps à soutenir l'équipe, par leur présence régulière au stade et aux déplacements de l'équipe et par la préparation de nombreuses animations pendant la semaine, notamment les « tifos » déployés pendant le match et longuement préparés. Les supporters « ultras » se retrouvent pendant le match dans les kops et restent debout la plupart du temps ; leur action est très démonstrative, avec notamment l'utilisation de mégaphones, d'insultes, et de chants qui se moquent de l'adversaire. Ces manifestations ne dégénèrent que très occasionnellement en actes brutaux, le plus souvent liés au contexte spécifique du match, ou à la provocation de supporters adverses. M. Bernard Murat, rapporteur, a estimé que cet aspect imprévisible des ultras entraînait des difficultés de communication avec les instances du football ;

- enfin, les « hooligans » constituent la dernière catégorie de supporters, dont l'attachement au club, probablement réel au début, a dévié vers un soutien violent qui est devenu l'objet de leur venue au stade. Comme le stade est un territoire où le contrôle est relativement aisé, ils ont tendance à exercer leurs violences sur d'autres terrains comme les gares ou les parkings de supermarché.

est enfin intervenu plus largement sur le problème de la violence dans et aux abords des stades.

Soulignant que la prévention était un aspect majeur et que le dialogue avec les associations ultras était une nécessité, il s'est félicité que ces groupes aient récemment réussi à mettre en place une coordination nationale avec laquelle les autorités peuvent discuter.

Il a noté que les associations de supporters traditionnelles mettaient en place des actions très intéressantes, comme le programme « Jeunes supporters citoyens» qui promeut auprès des plus jeunes une nouvelle forme, plus positive, de manifestations de soutien. Il a valorisé ces actions qui ont pour objectif de changer la culture du supporter de football par le soutien des bonnes pratiques de supporters.

a ajouté que la mise en place de la vidéosurveillance, par les clubs pour l'entrée du stade, et par les collectivités territoriales aux abords des enceintes sportives, était également une solution qui permettrait aux riverains des stades d'être moins touchés par le phénomène et au football d'améliorer sa réputation.

Il a jugé que la répression devait également être utilisée. Les insultes racistes et les fumigènes, même lorsqu'ils relèvent plus de la provocation que de la volonté de nuire, doivent faire l'objet de condamnations. A ce titre, il a insisté sur l'importance de la fourniture des preuves pour que des peines d'interdiction de stade soient prises par les juges.

Il a observé que la répression ne devait pas concerner uniquement les supporters dans la mesure où les insultes proférées par les joueurs et les entraîneurs, notamment envers l'arbitre, et les provocations des présidents de club via les médias, avaient un impact sur le comportement des supporters.

Il appartient à la Ligue de football professionnel et aux collectivités territoriales de faire pression sur les dirigeants, respectivement à travers des sanctions sportives et financières, afin qu'ils ne jettent pas inutilement de l'huile sur le feu, prenant exemple sur le rugby, où ce ne sont pas seulement les supporters, mais bien l'ensemble des acteurs qui tentent d'adopter des comportements fair-play.

Abordant le dernier point de son exposé sur la nécessité de promouvoir les associations de supporters, M. Bernard Murat, rapporteur, a expliqué que, dès les premières auditions, il était rapidement apparu au groupe de travail que les associations de supporters ne devaient pas être envisagées uniquement sous l'angle de la violence. En effet, le ciment d'identification locale que constitue un club sportif est un élément essentiel pour les collectivités territoriales, qui doivent par conséquent s'investir sur la question des supporters. Les associations de supporters jouent également un rôle important d'intégration sociale pour leurs membres et de consolidation des identités individuelles et collectives pour les plus jeunes, et peuvent également constituer des espaces d'apprentissage de la vie associative et militante.

Soutenant également que les associations de supporters pouvaient être régulatrices de violence, ce qui en fait des acteurs sociaux incontournables, M. Bernard Murat, rapporteur, a souhaité que les autorités publiques et les collectivités territoriales engagent le dialogue avec les associations de supporters, même ultras afin de promouvoir leur structuration.

Il a jugé, enfin, que le droit de dissoudre des associations de supporters instauré en 2006 devait rester une arme purement dissuasive, permettant de fixer un cadre de discussion.

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