En préambule de son intervention, M. Pierre Martin, rapporteur, a déclaré que l'idée selon laquelle les stades étaient de plus en plus violents était une idée reçue. En effet, à Constantinople, dès l'an 532, l'armée a sauvé de justesse le règne de Justinien, menacé par des supporters violents. Il a remarqué ironiquement que les événements actuels n'étaient pas de cette ampleur et ne nécessitaient pas le recours à l'armée.
Il a annoncé qu'il allait procéder à un bilan des violences actuelles avant de présenter les propositions du groupe de travail.
S'agissant de la situation en France, il a observé que 95 % des matchs avaient lieu sans incident, mais que le bilan des exactions commises à l'occasion des matchs de football professionnel de la saison 2006-2007 avait cependant permis de recenser 400 incidents, ce qui constitue une stabilisation par rapport à la saison précédente.
A titre de comparaison, il a relevé que 3.462 arrestations pour des infractions concernant le football avaient été comptabilisées en Angleterre pendant la saison 2005/2006. Il a néanmoins remarqué que, depuis l'année 2000, les incidents liés au football étaient en constante augmentation.
Il a commenté, ensuite, l'évolution des incidents les plus généralement relevés :
- les actes de violence, bien qu'en léger recul, restent assez élevés ;
- l'usage des fumigènes et des autres moyens pyrotechniques, progresse, quant à lui, de 15 % : l'utilisation des fumigènes semble en effet être un point de crispation pour les supporters, notamment les ultras, qui considèrent qu'ils participent utilement à l'animation sportive. Le rapporteur a rappelé que ces fumigènes font régulièrement des blessés et a insisté sur le maintien de leur interdiction.
- les attitudes ostensibles de racisme, qui sont en baisse en 2006/2007, avec 9 faits recensés d'agressions ou tentatives d'agressions physiques et 11 faits de provocations verbales ou de comportements gestuels injurieux.
a par ailleurs noté, pour s'en inquiéter, que l'efficacité de la lutte contre les violences dans les stades a entraîné des phénomènes de violence, plus ou moins liés au football, à l'extérieur des stades, notamment des batailles rangées entre hooligans rivaux, lors de rendez-vous fixés dans le but de s'affronter physiquement. Alors qu'aucun événement de ce type n'a été enregistré pendant la saison 2005/2006, 16 de ces confrontations violentes ont eu lieu la saison dernière ; elles ont impliqué des supporters de 15 clubs différents.
Faisant un panorama des mesures mises en oeuvre au Royaume-Uni pour lutter contre la violence dans les stades, il a estimé que certaines de ces solutions pouvaient être préconisées en France.
Concernant l'accueil des supporters, il a souligné que le recrutement de stadiers dans les clubs anglais, qui ont un rôle majeur de prévention des conflits grâce à leur connaissance des supporters et de leurs manières de fonctionner, était une telle réussite que de nombreux matchs se jouaient aujourd'hui sans aucune présence policière, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des stades.
a rappelé, à cet égard, qu'en France, l'organisateur d'un spectacle sportif était responsable de la sécurité des personnes dans l'enceinte de la manifestation, et devait également surveiller ses accès. Dans le cas du football, les clubs sont donc responsables des rencontres qui se déroulent dans le stade qu'ils occupent et l'embauche de stadiers correspond ainsi à une obligation légale. Or de nombreux clubs ne sont pas conscients de ces obligations et ne mettent pas en place suffisamment de stadiers dans l'enceinte sportive. Il est donc nécessaire de les alerter sur la formation des stadiers, d'autant plus importante qu'un récent décret les a autorisés à procéder aux palpations de sécurité, qui permettent d'empêcher l'entrée de fumigènes dans le stade.
Evoquant l'encadrement préventif des supporters, M. Pierre Martin, rapporteur, a décrit le programme mis en place en Belgique, appelé « fan coaching », organisant notamment l'accompagnement physique du noyau dur de supporters par les éducateurs à l'occasion de tous les matchs. Cet encadrement permet, par une position privilégiée au coeur des événements, de désamorcer certains incidents dès leur genèse et d'induire un contrôle social informel qui engendre un comportement positif du groupe. Il a indiqué ensuite qu'en Angleterre, les supporters des 96 clubs professionnels étaient suivis par un policier référent toute la semaine, son rôle étant de prévenir les conflits, de collecter des informations sur les groupes, et éventuellement de réunir les preuves (grâce à un équipement vidéo) du comportement délictueux de certains supporters.
Notant que la Ligue de football professionnel (LFP) préconise que les clubs français assurent l'encadrement de leurs supporters en déplacement dès que le nombre dépasse la cinquantaine, il a recommandé que la police nationale envoie des policiers en permanence dans les clubs à risque, ces policiers devant être connus des groupes de supporters afin de jouer un rôle préventif. Il a ajouté que cette politique préventive permettrait de diminuer les effectifs des forces de l'ordre aux abords des stades, et donc de diminuer les dépenses pour certaines rencontres de football.
Abordant la question de la sécurité dans les stades, M. Pierre Martin, rapporteur, a relevé que les grilles séparant les tribunes du terrain avaient causé plus de morts chez les supporters que la violence des hooligans.
Il a donc préconisé une mesure réglementaire visant à les interdire, notant que l'Union des associations européennes de football (UEFA) y était favorable.
Il a souhaité rappeler qu'en France les stades appartenaient aux collectivités territoriales, qui étaient dès lors responsables des aspects de sécurité matérielle, même pendant les matchs.
S'agissant de l'information et de la coordination, le rapporteur a expliqué qu'en France, les renseignements généraux avaient une tâche difficile de prévention des conflits, grâce à la collecte d'informations. Il a suggéré l'utilisation d'informateurs membres des groupes de supporters, éventuellement rémunérés, pour améliorer la situation.
Abordant le sujet des mesures à caractère répressif, il a remarqué que les différents délits comme le jet de projectiles sur le stade étaient déjà passibles d'une peine complémentaire d'interdiction de stade et de ses abords, pour une durée maximale de 5 ans. Il a relevé que depuis 2006, cette peine pouvait, en outre, être assortie d'une astreinte obligeant l'intéressé à pointer au commissariat pendant le match.
Mais il a regretté que seulement une centaine d'interdictions judiciaires de stade, aient été prononcées, eu égard au nombre d'incidents relevés. Il a observé que les 3.500 interdictions prises en Angleterre avaient fait fléchir la violence dans les stades de 22 % en 3 ans.
Il a indiqué également que, depuis 2006, le préfet pouvait prendre une mesure administrative d'interdiction de stade à l'encontre d'individus dont le comportement d'ensemble avait constitué une menace à l'ordre public à l'occasion de manifestations sportives et que, selon les informations recueillies auprès des services du ministère de l'intérieur, 200 de ces mesures avaient été prises l'année dernière.
En Angleterre, ces interdictions peuvent aller de 3 à 10 ans et un effort très important a été fait en matière de réunion des preuves grâce à l'utilisation intensive de la vidéo-surveillance dans les stades, mais aussi aux abords. L'interdiction de stade peut, en outre, être accompagnée d'une interdiction de se déplacer dans certains lieux (bars habituels, gares à proximité des stades), voire à l'étranger (dépôt du passeport au commissariat quelques jours avant les rencontres internationales...), ce qui permet aussi de faire diminuer les violences en dehors des stades.
a donc proposé d'ouvrir la possibilité de porter l'interdiction administrative à une année entière, afin que les éléments violents puissent être écartés du stade en attente de la décision judiciaire, et de prévoir que les interdictions judiciaires de stade aient une durée minimale de 3 ans, ce qui serait un élément extrêmement dissuasif.
Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs.