Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 19 mai 2010 : 1ère réunion
Convention d'extradition entre la france et le maroc — Examen du rapport

Photo de Christian CambonChristian Cambon, rapporteur :

Nous allons examiner le projet de loi autorisant la ratification de la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc.

Une convention d'entraide judiciaire entre la France et le Maroc était en vigueur depuis le 5 octobre 1957. Cette convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition couvrait à la fois la coopération judiciaire en matière civile et la coopération judiciaire en matière pénale (entraide, extradition). Néanmoins, les dispositions de la convention de 1957 apparaissaient comme très largement incomplètes, d'où la nécessité de procéder à une révision.

Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition franco-marocaine limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'Etat requis la possibilité de refuser une demande d'extradition. La France et le Maroc, par l'article 1er, « s'engagent à se livrer réciproquement (...) toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux Etats est poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre Etat comme conséquence d'une infraction pénale ».

Deux conditions de base sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition : l'infraction doit, en application des législations marocaine et française, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans ; et si l'extradition est requise en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois. Si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'Etat requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces faits.

L'Etat requis peut refuser l'extradition. Les cas de refus obligatoire sont énumérés à l'article 3, on peut citer à titre d'exemple : lorsque l'infraction est considérée comme politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ; lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ; ou encore lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des Etats. Je vous renvoie à mon rapport pour la liste intégrale des refus obligatoires d'extradition.

Les motifs facultatifs sont également énumérés à l'article 3. A titre d'exemple, l'extradition pourra être refusée si la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis de poursuites pour l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée ou si l'Etat requis décide de ne pas engager de poursuites pour cette même infraction ; si conformément à la législation de l'Etat requis, il lui incombe de connaître de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée ; ou encore pour des raisons humanitaires si la remise de la personne est susceptible de provoquer chez elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Enfin, aux termes de l'article 4, l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'Etat requis.

La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par voie diplomatique. La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée de plusieurs pièces énumérées à l'article 6.

Concernant la procédure, l'article 12 concerne la décision prise par l'Etat requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé. L'article 13 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée. L'article 14 concerne la saisie des objets et leur remise. L'article 15 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un Etat tiers. L'article 17 règle la question des frais de l'extradition qui, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à la charge de l'Etat requérant.

Si les stipulations traditionnelles des conventions bilatérales d'extradition sont bien présentes, certains points de la rédaction apparaissent comme novateurs, du fait notamment de certaines spécificités du droit de la partie cocontractante.

La première spécificité, et non la moindre, est la légalité de la peine de mort dans le droit marocain. En effet, les conventions habituellement conclues par la France subordonnent l'octroi de l'extradition à la condition que la peine de mort, lorsqu'elle est encourue, ne sera pas prononcée ou, si elle l'est, qu'elle ne sera pas mise à exécution. La convention franco-marocaine propose plus de garanties puisqu'elle prévoit explicitement dans son article 5 qu'en une telle hypothèse, il est substitué « de plein droit » à la peine de mort encourue, la peine prévue dans la législation de la partie requise pour les mêmes faits.

Une autre spécificité est que la convention comporte une disposition limitant les possibilités de « requalification » de l'infraction par la partie requérante (article 8, par. 3). L'objectif de cette disposition est de faire en sorte qu'une personne extradée pour une infraction déterminée ne puisse, à la faveur d'une requalification, encourir une peine supérieure à celle attachée à l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée (notamment s'il s'agit de la peine capitale), sauf accord de la partie requise.

Enfin, la convention permet que les demandes puissent être indifféremment présentées dans la langue de la partie requérante ou dans celle de la partie requise, sans traduction. Cette disposition atypique s'explique par le fait que la convention bilatérale de 1957 prévoyait la possibilité d'établir les demandes en langue française. Cette disposition apparaissant aujourd'hui difficile à accepter pour la partie marocaine sans réciprocité, la partie française a accepté que les demandes puissent également lui être transmises dans la langue officielle de la partie requérante, en l'espèce l'arabe.

En termes statistiques, entre 1999 et 2009, la France a présenté 55 demandes d'extradition au Maroc, tandis que le Maroc a présenté 26 demandes à la France.

En conclusion, cette convention bilatérale entre la France et le Maroc révise et modernise utilement la convention de 1957 déjà en vigueur entre les deux pays, en incluant dans le texte même certaines stipulations novatrices. C'est pourquoi je vous propose d'adopter ce texte et suggère qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique le 31 mai prochain.

Le projet de loi est adopté en forme simplifiée par la commission.

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