Nous allons examiner le projet de loi autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc.
En matière de sécurité sociale, la France est liée à ses partenaires européens par le règlement communautaire (CE) n° 1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale en Europe et, avec les Etats tiers, par une trentaine de conventions bilatérales. Pour les plus anciennes, notre pays a engagé un travail de révision afin de les actualiser et simplifier. La France et le Maroc sont liés par une convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965, complétée, notamment, par l'arrangement administratif complémentaire du 4 février 1983 relatif à l'assurance vieillesse et à l'assurance décès. Du fait de son ancienneté, ce dispositif conventionnel, qui visait principalement la main-d'oeuvre marocaine venant travailler en France, n'était plus adapté aux législations marocaines et françaises qui ont évolué.
La convention de sécurité sociale entre la France et le Maroc a été signée le 9 juillet 1965 et est en vigueur depuis le 1er janvier 1967. Elle tendait à « coordonner l'application, aux ressortissants des deux pays, des législations marocaine et française sur les prestations familiales, les assurances vieillesse, décès (survivants), maladie, maternité, invalidité, accidents du travail, et maladies professionnelles ». Cette convention générale ne portait que sur le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés ou assimilés, mais l'extension de ses dispositions a été progressivement réalisée par divers instruments. Aucune difficulté particulière d'application n'est à signaler, la refonte de ce dispositif correspond à une demande partagée par les deux Parties de mieux adhérer aux évolutions intervenues des deux côtés au cours des quarante dernières années. Les négociations de la nouvelle convention ont débuté en février 2000, et ont abouti en septembre 2004. La signature par les deux Parties a été différée jusqu'en 2007, le temps de trouver une solution à la difficulté rencontrée par certains adhérents de la Caisse des Français de l'Etranger (CFE) pour transférer en France leurs cotisations. Un protocole a donc été élaboré en réponse, et annexé à la convention.
La rédaction de ce nouvel accord, et de son protocole annexe, rassemble en un texte unique des textes auparavant spécifiques à certains bénéficiaires ou des risques de sécurité sociale. Elle est également sensible à l'évolution des pratiques migratoires, en particulier le regroupement familial, ainsi que du vieillissement des travailleurs venus en France dans les années 1960, devenus aujourd'hui pensionnés des régimes français.
Dans son article 2, la convention définit le champ d'application, qui couvre les salariés ou assimilés, les non-salariés français et marocains, les réfugiés résidant dans l'un des deux Etats, mais également les fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, ainsi que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers relevant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Pour tenir compte de la proximité des deux pays et des allers retours fréquents qu'effectuent les familles, la Convention rend inopposable la clause de résidence en matière de prestations vieillesse (article 22), d'assurance invalidité (chapitre V), et d'assurance accidents du travail et maladies professionnelles (article 39).
La nouvelle rédaction de cet accord est assez classique et se rapproche des conventions de sécurité sociale bilatérales déjà en vigueur avec d'autres pays, particulièrement celle conclue avec la Tunisie en 2003. En particulier, on retrouve plusieurs principes traditionnels tels que l'égalité de traitement entre tout Français ou Marocain vivant au Maroc ou tout Marocain ou tout Français vivant en France (article 4), ou encore le principe de rattachement au régime de sécurité sociale du pays où une activité est exercée (article 5). Ce principe est cependant assorti de plusieurs dérogations concernant par exemple les salariés détachés par leur employeur dans l'autre Etat partie à la convention, les travailleurs non-salariés exerçant une prestation de service pour leur propre compte dans l'autre Etat, ou encore les agents diplomatiques. Une autre dérogation touche, de façon classique, le personnel roulant ou navigant des entreprises de transports internationaux, soumis à la législation de l'Etat sur le territoire duquel l'entreprise a son siège. La Convention prévoit que les autorités administratives compétentes peuvent s'accorder sur d'autres dérogations aux règles d'assujettissement.
Enfin, un autre principe standard est celui concernant la totalisation des périodes et de l'ouverture des droits, puisque la convention permet de faire appel, au cas où la totalisation des périodes d'assurance dans un Etat est insuffisante pour permettre l'ouverture des droits, à des périodes de cotisations accomplies dans l'autre Etat (article 6 pour l'assurance maladie, article 19 pour les prestations familiales, article 23 pour l'assurance vieillesse).
Le protocole annexe, quant à lui, est relatif au libre transfert des cotisations à la Caisse des Français de l'étranger(CFE), et répond à de multiples problèmes de transfert des cotisations du Maroc vers la France des adhérents de la CFE. Son article 1er fixe le champ d'application, tandis que son article 2 établit la reconnaissance du principe de libre transfert des cotisations des adhérents, sans les exonérer de l'obligation de cotiser au régime d'assurance obligatoire prévu par la législation marocaine, dès lors qu'ils en remplissent les conditions.
Les implications humaines et financières de la nouvelle convention ne sont pas négligeables. En effet, les populations concernées par cet accord sont nombreuses. S'agissant des Français immatriculés au Maroc, en 2009, le nombre était de 39 044, en hausse depuis quelques années, et s'agissant des Marocains immatriculés en France, les statistiques font état de près de 800 000 personnes. En matière de flux financiers, le centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale a établi un rapport statistique afin de constater l'impact financier pour la sécurité sociale française de l'actuelle convention de sécurité sociale en vigueur. En matière de soins de santé, les flux financiers sont limités, le Maroc ayant notifié des dettes d'un montant de 16 117,16 euros en 2008, et 30 745,83 euros en 2007. A titre comparatif, les créances présentées par la France sont quasi-inexistantes (2 937,75 euros en 2007).
En matière de prestations familiales transférées par la France pour les enfants résidant au Maroc, le montant s'élève, tous régimes confondus, à 3 130 850,20 euros pour 6 412 bénéficiaires en 2008. Ce chiffre est en constante baisse depuis 2000 (baisse par rapport à 2007 de 25 %). Pour les pensions de vieillesse, le nombre de bénéficiaires est de 82 624 pour 267 093 854,69 € transférés.
En conclusion, cette convention simplifie les textes existant en matière de sécurité sociale entre la France et la Maroc, et son caractère complet en fait un instrument juridique indispensable. Je vous propose donc d'adopter ce texte et suggère qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique le 31 mai prochain.
Le projet de loi est adopté en forme simplifiée par la commission.