Puis la commission a entendu, dans le cadre de l'examen du projet de loi pénitentiaire, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, président du comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire.
Après avoir salué la forte implication du Sénat sur les questions relatives à la justice, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a indiqué que le comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, qu'il avait présidé, avait été institué par la garde des sceaux le 11 juillet 2007 et avait rendu ses travaux le 12 novembre 2007, lesquels comportaient 122 préconisations s'ordonnant autour de sept orientations : faire de la peine privative de liberté l'ultime recours ; donner un sens à l'exécution de la peine privative de liberté ; rendre le détenu acteur de son temps d'enfermement et accompagner son parcours d'exécution de peine ; diversifier et revisiter les régimes de détention ; garantir au détenu les droits ordinaires du citoyen et affirmer les devoirs qui en sont le corollaire ; mettre en oeuvre l'exécution de la peine privative de liberté en l'individualisant et en l'aménageant ; offrir les voies et moyens nécessaires, par la promotion d'un grand service public pénitentiaire et en favorisant les indispensables synergies entre acteurs en milieu « fermé » et acteurs en milieu « ouvert ».
Il a fait observer que le comité d'orientation avait eu pour objectif de définir les missions d'un grand service public pénitentiaire modernisé.
a regretté que le projet de loi ne soit pas accompagné des projets de décret nécessaires à son application, la vie quotidienne des détenus résultant avant tout de dispositions à caractère réglementaire. Il a observé en particulier que les dispositions relatives à la communication au médecin des éléments psychiatriques contenus dans le dossier pénal du détenu, ainsi que celles concernant le respect de la confidentialité du dossier médical du détenu, étaient définies au seul niveau réglementaire. Il a souligné que près des trois quarts des propositions émises par le comité d'orientation relevaient du domaine réglementaire.
Analysant les dispositions du projet de loi, il s'est félicité de ce que son article premier définisse pour la première fois les missions du service public pénitentiaire, chargé à la fois de l'exécution des décisions de justice et des mesures de détention ainsi que de l'insertion et de la probation, et prévoie qu'il doit être organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines.
Il a jugé intéressant que l'article 2 du projet de loi précise la participation au service public pénitentiaire des associations, des collectivités territoriales et d'autres personnes publiques ou privées. En revanche, il lui a semblé maladroit d'évoquer le « concours » des autres services de l'Etat en matière de santé ou d'enseignement, dans la mesure où, en ces deux matières, l'administration pénitentiaire n'a plus la compétence. Il a en conséquence estimé qu'il serait opportun de poser clairement le principe selon lequel l'éducation des détenus soumis à obligation de scolarité relève de la compétence de l'Education nationale et leur santé de celle du ministère de la santé.
Constatant que l'article 3 reprend pour l'essentiel les préconisations du comité d'orientation, il a souligné la pertinence du caractère expérimental du dispositif proposé, destiné à permettre d'évaluer le degré d'implication des régions en matière de formation professionnelle.
s'est félicité de ce que l'article 4 du projet de loi prévoie l'établissement d'un code de déontologie des agents de l'administration pénitentiaire et des collaborateurs du service public pénitentiaire, soulignant que la France disposerait ainsi d'un corps de règles semblables à celles existant dans d'autres Etats européens. Il a insisté sur l'importance du serment auquel seraient désormais soumis les agents de l'administration pénitentiaire.
Il a jugé que l'article 12 permettrait opportunément aux détenus d'élire domicile, pour l'exercice de leurs droits civiques, dans l'établissement pénitentiaire où ils sont incarcérés, estimant cependant qu'il devait s'agir d'une simple faculté pour les détenus disposant d'un domicile personnel.
Il a fait observer que l'institution d'un revenu minimum au profit des détenus avait fait l'objet de longues discussions au sein du comité d'orientation, qui se concrétisaient à l'article 13 du projet de loi par la création d'une aide en nature versée par l'Etat afin d'améliorer leurs conditions matérielles d'existence. Il a estimé qu'un dispositif consistant à verser une rémunération aux détenus suivant une formation aurait pu être retenu.
Il a salué le fait que l'article 14 prévoie désormais un acte d'engagement professionnel pour la participation de détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires. Il lui a toutefois semblé souhaitable que cet engagement revête un caractère contractuel.
a souligné l'importance pratique du droit à l'accès au téléphone pour les détenus, consacré par l'article 16, qui met fin à une différence de traitement injustifiée entre les prévenus, pour lesquels cet accès n'est actuellement pas garanti, et les condamnés. Il a estimé que cette mesure pourrait limiter les recours à la « téléphonie sauvage », c'est-à-dire à l'introduction et à l'utilisation illicites au sein des établissements pénitentiaires de téléphones portables. Il a rappelé qu'en effet, faute pour de nombreux établissements pénitentiaires de disposer d'un « glacis » suffisant autour de leurs emprises, de nombreux objets étaient projetés de l'extérieur.
Evoquant l'article 23, il a regretté l'absence d'une disposition instituant une obligation de procéder à un inventaire des biens des détenus lors de leur transfèrement, relevant que la disparition alléguée de biens à l'occasion de ces mouvements était au coeur de très nombreuses réclamations des détenus.
Il a indiqué que le principe d'une adaptation aux circonstances de la nature et de la fréquence des fouilles, prévu par l'article 24, constituait une avancée, mais il a regretté que le dispositif proposé ne précise pas expressément que les fouilles corporelles ne devraient intervenir qu'à défaut de tout autre type de mesure d'investigation.
Il a déploré qu'aucune disposition du projet de loi n'évoque les conditions dans lesquelles doivent intervenir les perquisitions et saisies dans les cellules des détenus à la suite de la constatation de certaines infractions. Faisant observer que des règles en ce domaine existaient au niveau européen, il a indiqué qu'il n'y avait aujourd'hui en droit français aucune garantie en la matière, ce qui avait récemment conduit à l'annulation de certaines perquisitions ou saisies. Il a estimé que l'une des solutions à ce problème pourrait être de donner aux directeurs d'établissements pénitentiaires la qualité d'officier de police judiciaire aux seules fins d'effectuer ce type d'opérations.
Abordant le titre II du projet de loi consacré aux aménagements de peine, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a salué le principe, figurant à l'article 32, selon lequel le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme en matière correctionnelle doit constituer un ultime recours.
Commentant les dispositions de l'article 33, il s'est interrogé sur la pertinence, dans la pratique, de permettre d'exécuter sous le régime de la semi-liberté des peines pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement, faisant observer qu'en général, les obligations résultant d'un tel régime n'étaient respectées par les condamnés que pendant une période d'un an au plus. Il a en revanche approuvé l'augmentation du quantum de la peine pouvant donner lieu à fractionnement.
A l'article 34, ayant pour objet de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général, il a jugé contradictoire de prévoir l'exécution d'une telle peine en même temps qu'une assignation à résidence sous surveillance électronique ou qu'un placement à l'extérieur.
Il a estimé que les dispositions de l'article 35 permettant la conversion des peines mixtes en sursis assortis de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général risquaient de poser des difficultés d'application, l'exécution du travail d'intérêt général entraînant le non-avenu de la totalité de la peine.
Il a souligné que l'article 37 prévoyait que la durée de l'assignation à résidence avec surveillance électronique s'imputerait sur la peine d'emprisonnement ferme prononcée et instituait un droit à réparation lorsque la personne ayant fait l'objet de cette mesure bénéficiait d'une décision de relaxe, de non-lieu ou d'acquittement. Il a estimé souhaitable que ce droit soit reconnu pour toute mesure coercitive, en particulier pour les mesures de contrôle judiciaire et les gardes à vue.
Concernant les autres dispositions relatives aux aménagements de peines, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a relevé, pour s'en féliciter, la suppression de l'obligation d'organiser un débat contradictoire lorsque la mesure d'aménagement fait l'objet d'un accord unanime, une simple ordonnance du juge de l'application des peines paraissant effectivement suffisante.
Relevant l'intérêt d'enserrer dans des délais stricts, comme le propose l'article 48, la convocation par le juge d'application des peines, puis par le service pénitentiaire d'insertion et de probation du condamné non encore incarcéré, il a estimé souhaitable de limiter la possibilité d'utiliser cette procédure simplifiée d'aménagement aux peines inférieures à un an et de prévoir un système d'homologation par le juge de l'application des peines de la mesure proposée par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, par l'intermédiaire du parquet. Il a souligné que l'individualisation des peines devait conduire à un aménagement contractualisé de celles-ci, assorti d'un contrôle strict.
Abordant la question du droit à l'encellulement individuel, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a regretté que le projet de loi ne l'érige plus en principe, mais prévoie sa mise en oeuvre au bénéfice des seules personnes en faisant la demande. Il a toutefois reconnu que les contraintes immobilières actuelles limiteraient incontestablement la portée pratique d'un tel principe. Enfin, il a jugé que le projet de loi devrait, en tout état de cause, obliger l'Etat à garantir à chaque condamné une place décente en détention.
Concernant la possibilité, prévue par l'article 50, de maintenir en maison d'arrêt des condamnés ayant un reliquat de peine supérieur à deux ans et en attente d'un aménagement de peine, il a estimé qu'il conviendrait à l'inverse de poser le principe selon lequel les intéressés devraient être transférés dans un établissement pour peines, une telle mesure lui paraissant de nature à apporter de réels progrès par rapport à la situation actuelle.
s'est enfin déclaré choqué par les dispositions de l'article 43 qui permettraient à une juridiction de l'application des peines de relever elle-même un condamné d'une interdiction professionnelle prononcée à titre de peine complémentaire, estimant qu'une telle décision devrait continuer de relever de la compétence de la seule juridiction de jugement.