Intervention de Louis Schweitzer

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 février 2006 : 1ère réunion
Discrimination — Quartiers en difficulté - egalité des chances -Audition de Mm. Louis Schweitzer président marc dubourdieux directeur général luc ferrand directeur du service juridique de la halde haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Louis Schweitzer :

Dressant un rapport d'étape de l'activité de la HALDE plutôt qu'un « bilan » qu'il a jugé, à ce stade, prématuré, M. Louis Schweitzer a d'abord souligné que la lutte contre les discriminations était considérée comme une priorité, non seulement par les autorités publiques, mais également par l'opinion. Il a rappelé que les Français souscrivaient au principe d'une autorité chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination, alors que d'autres pays européens avaient fait le choix d'autorités plus spécialisées. L'expérience, a-t-il ajouté, démontrait la pertinence de l'option française ; en effet, d'une part, les discriminations pouvaient être liées à des causes de même nature, d'autre part, la lutte contre les discriminations, quelle que soit leur origine, pouvait impliquer des modes d'action similaires et, enfin, il était possible d'être victime simultanément de plusieurs discriminations.

a observé que la HALDE n'exerçait aucun monopole en matière de lutte contre les discriminations, mais que son action s'inscrivait, dans le cadre d'une politique plus générale destinée à favoriser également l'emploi et, à travers l'accès à l'éducation en particulier, la mobilité sociale. Il a ajouté que compte tenu de ses moyens (un budget de 10,7 millions d'euros et un effectif de 66 personnes aux termes de la loi de finances pour 2006), la HALDE ne disposait pas de capacités d'intervention considérables et qu'il était donc essentiel qu'existent d'autres instruments d'action au titre, notamment, de la politique de la ville et des différents dispositifs de lutte contre les inégalités.

Evoquant alors les missions de la HALDE, M. Louis Schweitzer, a d'abord rappelé que cette autorité avait la responsabilité de traiter toutes les réclamations des personnes s'estimant victimes de discrimination dont elle était saisie, la Haute autorité fondant ainsi son activité sur le traitement de cas concrets. Il a noté qu'à ce jour, l'institution avait été saisie de 1.377 réclamations. Après avoir relevé que le code pénal recensait 17 motifs de discrimination illégaux considérés comme des délits, il a indiqué que 38 % des discriminations dont la HALDE avait été saisie étaient liées aux origines (qu'il s'agisse de la nationalité ou de l'appartenance à une « minorité visible »), 14 % à la santé et au handicap, 6 % à l'âge et 6 % au sexe. Sur ce dernier motif de discrimination, après avoir observé que la moitié des réclamations étaient présentées par des hommes, il a estimé que la part des femmes était certainement sous-représentée par rapport à leur situation effective au regard des discriminations. Il a précisé, à cet égard, que de nombreuses personnes étaient, en fait, victimes de discriminations sans se reconnaître comme telles et donc, a fortiori, sans saisir la HALDE. Présentant alors ces réclamations selon le domaine dans lequel s'exerçaient les discriminations, le président de la HALDE a indiqué que les saisines concernaient l'emploi (45 %), les services publics [réglementation et fonctionnement de l'administration (22 %)], mais aussi, par ordre décroissant, l'accès aux biens et services, privés ainsi que le logement et l'éducation. Lieu principal de l'intégration, l'emploi apparaissait aussi, selon M. Louis Schweitzer, comme le lieu principal des discriminations.

Rapprochant le nombre de réclamations adressées à la Haute autorité du nombre d'affaires portées devant le juge, le président de la HALDE a constaté que les condamnations au pénal pour discrimination ou appel à discrimination (soit une quarantaine en moyenne par an), apparaissaient très en deçà de la réalité des discriminations. Le nombre de réclamations portées devant la HALDE semblait, quant à lui, moins le reflet de la fréquence des discriminations que l'indicateur du nombre de personnes se percevant comme victimes de ces discriminations. A cet égard, M. Louis Schweitzer, a estimé que la HALDE n'avait pas encore atteint son objectif, tout en rappelant qu'à l'exemple du Médiateur, il faudrait sans doute plusieurs années pour qu'elle soit en mesure de répondre pleinement à sa vocation.

Le président de la HALDE a cité parmi les priorités de son action la nécessité d'accroître la notoriété de cette institution. Il a noté que si l'autorité n'avait pas les moyens financiers de mener des campagnes publicitaires, elle pouvait compter sur le soutien de certains organes de communication tels que la chaîne Public-Sénat à laquelle il a souhaité rendre hommage, ainsi que de relais institutionnels comme l'Association des maires de France et l'ANPE afin notamment d'assurer une meilleure information sur la HALDE auprès du grand public. En deuxième lieu, il importait selon M. Louis Schweitzer que les recours soumis à la HALDE se révèlent efficaces. Il a estimé que l'octroi d'un pouvoir de sanction pourrait, si les dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances étaient adoptées, permettre de lutter contre un plus grand nombre de situations de discrimination. En effet, d'après le président de la HALDE, le juge donnait une priorité aux atteintes physiques à l'ordre public sur les atteintes morales ; en outre, la réponse judiciaire pouvait sembler aujourd'hui soit excessivement complexe et lente, soit disproportionnée. Il a cité pour exemple le cas des offres d'emploi fixant des limites d'âge, contraires à la loi mais pour lesquelles une procédure devant le tribunal correctionnel ne constituait pas nécessairement la réponse la plus adaptée.

a estimé qu'au-delà du traitement des cas concrets de discrimination, la HALDE devait déceler les formes de discrimination qui ne faisaient pas l'objet de réclamation et mener une politique de prévention plus large, en particulier en sensibilisant, comme cela avait été fait pour les offres d'emploi comportant des limites d'âge, les directeurs des ressources humaines et les organes de presse aux pratiques inacceptables. Il a ajouté que le projet de loi relatif à l'égalité des chances, en légalisant la pratique du « testing », ne ferait que confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation. Après avoir rappelé que la HALDE avait appliqué cette méthode en matière d'emploi et de logement, il a souligné qu'elle présentait l'avantage de permettre l'identification de pratiques discriminatoires en recourant à des personnes fictives (envoi de CV fictifs), plutôt qu'à des personnes réelles.

a souligné que la HALDE participait aussi à la promotion d'une politique d'égalité en citant, pour exemple, la convention signée avec la Fédération nationale de l'immobilier afin de garantir que toutes les agences respectent les principes de non-discrimination, de sorte qu'aucune d'entre elles ne soit tentée de transiger avec ces principes pour attirer la clientèle d'agences plus scrupuleuses. Il a également indiqué que la HALDE avait adressé une lettre à 150 entreprises afin de proposer des instruments de lutte contre les discriminations ainsi qu'un mécanisme de suivi des actions conduites en faveur de la diversité.

a conclu en indiquant que les moyens de la HALDE, certes inférieurs à ceux dévolus aux institutions homologues, mais plus anciennes, de certains pays européens, lui paraissaient suffisants au regard de son activité actuelle.

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