Rappelant les résultats des « testings » menés par l'Observatoire des discriminations en 2004 à partir de curriculums vitae quasiment identiques envoyés pour 258 offres de postes de commerciaux de niveau Bac + 2, M. Jean-François Amadieu a constaté que les discriminations en matière d'emploi étaient de grande ampleur, bien qu'encore sous-estimées, multiples et souvent cumulatives.
Il a observé que par rapport à un homme français « de souche » de 28 ans, une personne handicapée avait quinze fois moins de chances d'être retenue pour un entretien d'embauche, un homme d'origine marocaine cinq fois moins, une personne âgée de 50 ans quatre fois moins, et que de semblables discriminations touchaient les personnes au physique disgracieux ou résidant dans un quartier en difficultés. Il a ajouté qu'être mariée et avoir des enfants constituait également un facteur de discrimination pour les femmes.
a poursuivi en indiquant qu'une étude de 2005 avait montré qu'une femme maghrébine résidant à Trappes recevait, malgré un meilleur curriculum vitae, trois fois moins de propositions d'entretien, alors qu'elle aurait dû en toute logique en recevoir davantage que le candidat de référence.
Il a précisé que les entretiens d'embauche passés par des acteurs professionnels, dans le cadre du « testing » réalisé en 2005, avaient révélé qu'une personne handicapée ne mentionnant pas son handicap dans son curriculum vitae avait 50 % de chances d'obtenir un emploi à l'issue de l'entretien et en a conclu que le fait de masquer une information potentiellement discriminante améliorait réellement les chances d'embauche.
Il a ajouté que l'étude de 2005 avait montré que les personnes obèses avaient trois fois moins de chances d'obtenir un entretien, même, dans une moindre mesure toutefois, s'agissant d'emplois dans des centres d'appels sans contacts avec la clientèle.
a en outre observé que ces discriminations étaient souvent associées et produisaient un effet cumulatif particulièrement redoutable. Rappelant l'absence d'études concernant la fonction publique, il a précisé que ces résultats ne permettaient pas d'avoir une vision d'ensemble de la situation française.
Après avoir souligné le paradoxe de la persistance d'un haut niveau de discrimination malgré l'existence d'un cadre légal très complet, il a déploré la modicité du nombre de condamnations pénales, de l'ordre d'une quarantaine par an.
Il a rappelé que beaucoup d'employeurs, y compris les grandes entreprises et les cabinets de conseil en recrutement, ignoraient ces dispositions et leurs sanctions, et pour la plupart exposaient leur politique discriminatoire dans des documents écrits, comme des annonces d'emplois mentionnant des conditions d'âge. Il a dans ces conditions jugé difficile d'appliquer brusquement des sanctions correctionnelles.
S'agissant de la reconnaissance par le projet de loi du « testing », M. Jean-François Amadieu a observé qu'il s'agissait d'une technique ancienne, déjà utilisée dans les années 1960 au Royaume-Uni, puis dans l'ensemble des pays anglo-saxons. Il a indiqué que le Bureau international du travail (BIT) avait formalisé cette méthode en 1992, notamment en préconisant le recours à des acteurs professionnels. Jugeant la France très en retard, malgré l'action des associations sur ce point, il a indiqué que les études de l'Observatoire des discriminations avaient été les premières réalisées en France.
Estimant qu'il s'agissait d'une méthode très intéressante en matière de preuves, simple, et donc médiatisable, permettant de sensibiliser les managers ou les équipes de recrutement à ces questions, mais également de réaliser des comparaisons internationales, il a salué l'utilisation croissante par les plus grandes entreprises de l'« auto-testing ».
Il a toutefois souligné la nécessité de garantir la qualité des « testings », notamment par la définition d'échantillons pertinents, et d'encadrer leur utilisation, du fait de leur impact, tant juridictionnel que médiatique.
Enfin, il a observé que cette méthode, certes très efficace en matière de discrimination à l'embauche, ne permettait pas de mettre en évidence des différences indues de salaires ou de déroulement de carrières.
a poursuivi en indiquant que mesurer les discriminations permettrait de suivre leur évolution et d'apporter des preuves des discriminations. Il s'est toutefois interrogé sur la possibilité de tout mesurer, en se référant notamment à l'appartenance à une religion ou aux préférences sexuelles.
Il a rappelé que la CNIL s'était en juillet dernier prononcée en faveur de mesures statistiques portant sur le prénom et le nom patronymique ainsi que sur le lieu de naissance, permettant de définir l'origine géographique de la personne, tout en réfutant les notions d'ethnie ou de race. Elle a ajouté que ces données ne devaient pas être intégrées aux fichiers des ressources humaines.
Soulignant que le cadre légal n'était pas respecté, il s'est ému que certaines sociétés annoncent la composition de leurs recrutements par origine ethnique et a rappelé que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avait adressé un questionnaire à certaines grandes entreprises afin qu'elles identifient le pourcentage de minorités visibles, mais également sexuelles, parmi leurs effectifs.
Il a regretté le sentiment d'impunité prévalant à l'heure actuelle tout en reconnaissant un problème de réactivité de la CNIL, certaines des entreprises ayant sollicité des autorisations n'ayant pas reçu de réponse, et a estimé indispensable de renforcer ses moyens d'action.