Intervention de Annie David

Réunion du 24 février 2006 à 22h20
Égalité des chances — Article 1er

Photo de Annie DavidAnnie David :

...mais aussi grâce à l'éducation, votre proposition d'autoriser l'apprentissage à partir de quatorze ans va exactement dans le sens inverse.

Il s'agit là d'un coupable renoncement : coupable non seulement à l'égard de tous ceux qui vont être poussés à « choisir » l'apprentissage au détriment de l'éducation, rétrécissant ainsi leur horizon professionnel dès le sortir de l'enfance, mais coupable également à l'égard de l'avenir de la nation.

En effet, dans le contexte de la mondialisation, il est clair que l'atout de la France est de fournir des travailleurs hautement qualifiés, à la différence de nombreux autres pays qui nous font davantage concurrence sur le terrain des emplois peu qualifiés.

Ainsi, le développement de l'apprentissage vise à encourager la création d'emplois et la constitution d'une main-d'oeuvre dans des domaines où la main-d'oeuvre française est très mal placée.

Cette orientation est d'ailleurs contraire aux décisions adoptées au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, qui visaient à faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive à l'horizon 2010. Je peux vous dire, mes chers collègues, qu'on s'en éloigne ! Les chefs d'Etat s'étaient alors mis d'accord pour considérer que les facteurs clés pour une croissance économique durable sont le savoir et la créativité, ainsi que l'importance de l'investissement en capital humain et social.

À l'inverse, ici, il s'agit de favoriser les emplois de formation réduite, mal rémunérés, en enfermant, qui plus est, de nombreux enfants dans un métier qu'ils n'auront pas choisi.

En effet, il ne faut pas se leurrer : les enfants à qui l'équipe pédagogique proposera l'apprentissage seront ceux qui posent le plus de difficultés en termes d'acquisition des connaissances et d'insertion sociale. Au lieu de relever ce défi, il s'agira alors de botter en touche, en confiant directement l'enfant au monde du travail.

Le Conseil supérieur de l'éducation ne s'y est d'ailleurs pas trompé : il a rejeté, jeudi 16 février dernier, votre projet d'apprentissage à quatorze ans.

Ce dispositif ne tient pas compte du fait que le monde du travail n'est pas adapté à un enfant de quatorze ans : la violence des rapports professionnels ne manquera pas de produire des marques profondes dans son être. De même, un enfant de quatorze ans n'a pas la maturité suffisante pour être livré à l'apprentissage. Il est en effet trop jeune pour qu'on le mette en situation de sceller son destin de manière quasiment définitive.

De fait, il sera très difficile de sortir d'une orientation aussi radicale et aussi éloignée de l'enseignement classique.

Comment fera l'enfant qui se rend compte, deux ans après le début de son apprentissage, qu'on ne lui a pas fait choisir la bonne voie ? Comment pourra-t-il rattraper le temps perdu ? Comment pourra-t-il rejoindre l'enseignement général ? Cela lui sera impossible ! Aussi sera-t-il enfermé dans un secteur professionnel, donc à la merci des évolutions positives ou négatives de ce secteur. C'est tout le sens de cet amendement.

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