Intervention de Christine Lagarde

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 mai 2010 : 1ère réunion
Deuxième loi de finances rectificative pour 2010 — Audition de Mme Christine Lagarde ministre de l'économie de l'industrie et de l'emploi et de M. François Baroin ministre du budget des comptes publics et de la réforme de l'etat

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Venir devant votre commission des finances est, pour un moi, un plaisir renouvelé, quelle que soit l'heure...

La Grèce, la presse s'en est fait largement l'écho, a été confrontée à un problème de rétrécissement de l'accès au marché et à un déficit aggravé de confiance à la suite de la révision, par le nouveau gouvernement de M. Papandréou, de la prévision de déficit de 6 % à 12,5 %, d'attaques spéculatives et de la dégradation de sa note par les trois agences de notation. La récente révision du déficit grec à 13,6 % jette le doute sur la fiabilité des informations fournies par les autorités statistiques grecques, l'état de l'économie et la qualité du risque, d'autant que ce chiffre ne serait pas définitif selon la Commission. La Grèce n'est pas seule en cause, il y va de la stabilité de l'euro et de la zone euro comme l'ont montré les récentes attaques dont ont fait l'objet l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et, dans une moindre mesure, l'Italie.

Face à cette situation, lors des Conseils européens, informels puis formels, du 11 février et des 25 et 26 mars, les chefs d'État et de gouvernement, encouragés par le Président de la République, ont décidé d'un plan de solidarité européenne envers la Grèce, cofinancé par le fonds monétaire international (FMI), dont les modalités ont été précisées lors d'une réunion de l'Eurogroupe le 11 avril. Après une dizaine de jours de négociations avec la Commission, la Banque centrale européenne et le FMI, la version définitive de ce plan a été soumise à l'Eurogroupe le 2 mai. Il s'agit d'un plan triennal de 110 milliards, dont 30 milliards émanant du FMI et 80 milliards des quinze membres de l'Eurogroupe, à l'exclusion de la Grèce, répartis entre les membres à proportion de leur participation au capital de la Banque centrale européenne. En conséquence, la participation de la France s'élève donc à 20,97 % de 80 milliards, soit 16,8 milliards. D'où ce projet de loi de finances rectificative, adopté hier à l'Assemblée nationale, modifié par un amendement du Gouvernement visant à inscrire notre engagement triennal de 16,8 milliards, dont 3,9 milliards pour cette année, plutôt que notre engagement annuel. Concernant le taux d'intérêt, sujet à de longs débats, nous avons choisi de valoriser le risque grec, de ne pas consentir de prêts à un taux concessionnel ou bonifié, de définir un taux commun à tous les pays de l'Eurogroupe et aligné sur les conditions pratiquées par le FMI. En contrepartie, le gouvernement grec, qui soumettra le plan de soutien au Parlement demain, s'est engagé le 2 mai à maîtriser ses finances publiques, via l'augmentation de la TVA de 2 % pour atteindre 23 %, l'augmentation des droits sur le pétrole, le tabac et les produits de luxe, la suppression du treizième et du quatorzième mois pour les fonctionnaires, la révision des pensions, la réforme des retraites, et à mener des réformes structurelles de fond pour améliorer sa compétitivité.

Pour tenir cet engagement de solidarité, la France doit être en mesure de décaisser sa part respective au plus tard le 19 mai, date à laquelle la Grèce fera face à une échéance de 8,1 milliards. D'où ce projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 21 avril, et adopté hier à l'Assemblée nationale, qui ne constitue en rien un chèque en blanc signé sur le dos du contribuable français. De fait, le taux d'intérêt est fixé à 5 % et les engagements pris par la Grèce feront l'objet d'un contrôle trimestriel par la Commission et le FMI. De mémoire de FMI, m'a-t-on dit, jamais programme n'a été aussi rigoureux.

Pour conclure, la crise grecque a révélé les insuffisances de la gouvernance politique et économique au sein de l'Eurogroupe : le temps de la démocratie a un coût réel, car il ne correspond pas à celui des marchés. Le Président de la République fera des propositions à ce sujet lors de la réunion de l'Eurogroupe du 7 mai, de même qu'il en soumettra sur le rôle et le mode fonctionnement des agences de notation. Celles-ci doivent adopter un code de conduite pour éviter des comportements aussi erratiques qu'un changement de note quinze minutes avant la clôture des marchés. Nous devons également réfléchir à la régulation du marché des CDS, les credit default swaps, ces mécanismes d'assurance contre le défaut de créance, potentiellement très déstabilisateurs sur ce marché étroit et totalement opaque.

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