Avant de préconiser sans surprise l'adoption conforme du projet de loi, je veux poser quelques questions de fond. Tout d'abord, pour quel montant la Grèce a-t-elle bénéficié des fonds structurels, qui lui ont permis de connaître une période de croissance accélérée, et avec quel contrôle ? Je gage que celui-ci était moins rigoureux que celui appliqué aujourd'hui à la Bulgarie et à la Roumanie...
Ensuite, nous pouvons tirer de cet épisode des leçons positives pour le fonctionnement de nos institutions européennes. Premièrement, ne faut-il pas renforcer le rôle de l'Eurogroupe dans la surveillance du respect du pacte de stabilité ? Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur les propositions du Président de la République à ce sujet ? Deuxièmement, si les chiffres sont si incertains, n'est-ce pas la preuve qu'Eurostat doit disposer des moyens humains et matériels à la hauteur de ses missions ? La commission le répète depuis longtemps. Hélas !, vox clamantis in deserto... Cette affaire grecque pose la question d'un statut d'autorité indépendante pour Eurostat, indispensable au fonctionnement de la zone euro. Quel est l'avis du Gouvernement ?
J'en viens au paradoxe des agences de notation. Lors de l'examen de la loi sur la sécurité financière, le Sénat avait formulé de nombreuses propositions sur la méthode de travail des agences de notation, leur rémunération et les conflits d'intérêt. Le ministre de l'économie d'alors, Francis Mer, nous avait répondu d'un « Circulez, il n'y a rien à voir » au prétexte que les agences sont régies par la loi du marché. Avec la crise grecque, la position officielle a évolué. Paradoxe, ensuite, car l'on ne peut balayer d'un revers de la main l'insatisfaction justifiée par les méthodes des agences de notation, qui ont fait des annonces dégradant la dette grecque deux jours de suite peu avant la clôture des marchés. Cependant, il est un fait que celles-ci évaluent les risques souverains en fonction de critères de long terme : la compétitivité des États, les modèles économiques nationaux, la capacité à accroître le taux de croissance réelle et potentielle. Paradoxe, enfin, quand la banque centrale européenne (BCE) subordonne la prise en collatéral de titres de dette publique à la note que leur donnent les agences. La crise grecque a montré que cette pratique devra changer. Madame Lagarde, quelle sont les évolutions en cours ?
Après avoir insisté sur le fait que les États emprunteurs ne peuvent plus tenir un double langage -l'un envers l'opinion publique, l'autre envers l'Union européenne et les marchés-, j'ose suggérer que le pacte de stabilité et de croissance soit soumis au Parlement en France, comme il l'est dans d'autres pays, par exemple lors du débat d'orientation budgétaire où le pacte pourra être décliné sur la base du rapport du Gouvernement. Je rappelle que l'objectif de convergence doit être crédible et les hypothèses de croissance fondées sur un consensus raisonnable des économistes. Enfin, ne surestimons pas l'ampleur des effets à attendre de la maîtrise de la seule dépense budgétaire. Le débat sur la stratégie fiscale, sans cesse repoussé, est inéluctable car notre capacité à rembourser la dette dépend d'une combinaison d'actions sur les dépenses et les recettes dans le but de maîtriser le solde, seule donnée vraiment importante.