A titre liminaire, M. Christian de Portzamparc a souligné la difficulté d'établir une synthèse des projets de développement pour le Grand Paris présentés à l'initiative du Gouvernement, en avril 2009, à la cité de l'architecture et du patrimoine, par dix équipes d'architectes urbanistes.
Puis il a indiqué que le Grand Paris constitue, de son point de vue, un « projet de civilisation » majeur. En effet, l'enjeu consiste à passer de « l'époque des villes » à « l'époque des villes monde » qu'il a définies comme les « métropoles têtes de réseau dans le réseau international des villes » , alors que la « cyber-économie » et l'exigence de rendement à court terme sont devenues les moteurs du développement mondial.
Il a fait observer qu'en Asie, au Brésil ou aux Etats-Unis d'Amérique, l'aménagement urbain a été délaissé, pendant le dernier quart de siècle, afin de rentabiliser le plus rapidement possible les investissements immobiliers. En outre, la dématérialisation des échanges permise par l'Internet tend à faire négliger les contraintes physiques d'aménagement et d'urbanisme. Ainsi, la ségrégation sociale et le déficit en réseaux de transports, préjudiciables à la qualité de vie des habitants comme à la protection de l'environnement, lui paraissent résulter directement du modèle contemporain d'une « économie accélérée ».
Il a reconnu que l'Île-de-France ne se trouve pas dans cette situation. Toutefois, les architectes qui ont collaboré au projet du Grand Paris ont cherché à éviter de semblables impasses. Ils ont souhaité promouvoir le « mieux vivre » des habitants, sans négliger les nécessités du développement économique et les enjeux de la compétition internationale entre grandes capitales.
Le projet élaboré par l'équipe de M. Christian de Portzamparc a été bâti à partir du « fait métropolitain » existant, qu'il a analysé en comparant la structure de développement des métropoles modernes à celle d'un « rhizome ». En effet, les liaisons urbaines, et particulièrement les transports, tendent à s'ordonner entre pôles d'activité spécialisés (centres d'affaires, parcs d'exposition, aéroports...). Le schéma de développement traditionnel des villes, à partir de leur seul centre historique, en forme de « tache d'huile », n'a plus cours.
a mis l'accent sur le caractère stimulant de la compétition entre architectes. Il a d'ailleurs précisé que, pendant ce travail, des échanges fructueux ont pu être menés avec des élus locaux. Le projet du Grand Paris a suscité une convergence de vues, par delà les appartenances politiques, quant aux enjeux en cause et aux problèmes à traiter.
En particulier, alors que le territoire francilien s'avère discontinu et hétérogène, il a fallu déterminer les zones d'habitat et d'activité en prenant en compte les exigences environnementales. Certaines équipes d'architectes ont poursuivi un objectif de « compacité » de la ville, pour éviter le recours trop fréquent aux transports. Celle de M. Christian de Portzamparc, à l'inverse, a élaboré un projet d'aménagement « en archipel », afin que les interstices ménagés entre les zones denses permettent à ces dernières, ultérieurement, de se développer en s'élargissant. Chaque territoire doit être mis à même d'accueillir, en même temps, de l'activité, de l'habitat et des équipements collectifs.
En tout état de cause, il a attiré l'attention sur la nécessité d'éviter de reproduire la situation d'enclavement que connaissent actuellement certains territoires de l'Île-de-France, par exemple des zones d'entrepôts ou des cités d'habitation, mal desservis et coupés du reste du territoire par les axes de transports rapides, autoroutes et voies ferrées. Faisant référence à la mythologie de la Grèce ancienne, il a ainsi appelé à « réconcilier Hestia et Hermès », comme le symbole d'une ville où on peut tout à la fois s'installer et se déplacer.
Il a alors fait part des réactions que le projet de loi a pu susciter parmi les architectes ayant travaillé sur le projet du Grand Paris. Ces derniers, d'abord, dans la mesure où ils avaient envisagé un projet structurel d'ensemble pour la « ville monde », se sont émus que ce projet de loi se borne à établir, pour l'essentiel, un nouveau réseau de métro. Au demeurant, ils ont peiné à comprendre le processus que le Gouvernement entend suivre pour la mise en oeuvre du Grand Paris en tant que projet plus global. Par ailleurs, des inquiétudes ont été exprimées, parmi eux, en ce qui concerne les caractéristiques du futur réseau de métro lui-même.
En premier lieu, selon M. Christian de Portzamparc, un réseau aérien, qui faciliterait l'« appropriation » du nouveau métro par le public, serait plus pertinent qu'un réseau souterrain.
En second lieu, les architectes estiment que le tracé de ce nouveau réseau, qui n'est pas encore arrêté, doit procéder, à la fois, d'études approfondies des réalités locales, pour se garder des erreurs d'aménagement commises par le passé, et d'une vision d'ensemble, afin d'assurer la cohérence du dispositif. L'Atelier du Grand Paris, en collaboration avec l'APUR (Atelier parisien d'urbanisme) et l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France), et en concertation avec les élus locaux, devrait mener une réflexion en ce sens. Conformément au voeu du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du développement de la région capitale, il s'agit de dépasser le stade des différents projets d'architectes, présentés en avril 2009, pour formuler des propositions opérationnelles.
Cependant, M. Christian de Portzamparc a insisté sur les délais importants qui seront requis, eu égard à l'ampleur du projet, pour que le Grand Paris voit effectivement le jour. Il est certain que ce projet évoluera, dans le temps même de sa mise en oeuvre, à l'image de tous les grands projets urbains de l'histoire.