Intervention de Nicolas Sarkozy

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 septembre 2006 : 1ère réunion
Prévention de la délinquance — Audition de Mm. Nicolas Sarkozy ministre d'etat ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire pascal clément garde des sceaux ministre de la justice xavier bertrand ministre de la santé et des solidarités brice hortefeux ministre délégué aux collectivités territoriales et philippe bas ministre délégué à la sécurité sociale aux personnes âgées aux personnes handicapées et à la famille

Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire :

a donc estimé que l'ordonnance de 1945, malgré ses modifications successives, n'apportait pas de réponse appropriée aux faits les plus graves, pour lesquels la répétition de mesures calibrées pour des incivilités, comme l'admonestation ou la remise à parents, avait pour effet de décrédibiliser l'action de la police et de la justice.

Il a en conséquence souhaité diversifier les réponses à la délinquance, depuis l'obligation d'effectuer des devoirs scolaires pour un enfant de onze ans jusqu'à l'éloignement du mineur de son milieu pendant un temps limité pour un jeune de seize ans. Il a en outre estimé que la création d'un avertissement solennel, l'obligation de réparation, ainsi que le placement en internat, permettraient d'apporter des réponses plus fermes.

Enfin, le ministre d'Etat a estimé que la délinquance des mineurs devait recevoir une réponse rapide, cette rapidité important tout autant que le contenu de la réponse. Il a ainsi indiqué que les mineurs de plus de seize ans, réitérants ou récidivistes et ayant commis des infractions particulièrement graves, pourraient se voir appliquer, avec leur accord et celui de leurs représentants légaux, la procédure de jugement immédiat ou quasi immédiat, afin de remédier aux délais de convocation actuels.

Il a donc jugé cette réforme de l'ordonnance de 1945 équilibrée, puisque prévoyant pour la première fois une véritable diversification des mesures, et donc une réponse proportionnée aux faits commis.

S'agissant de la lutte contre la toxicomanie, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a rappelé l'importance et la progression de la consommation française de cannabis -3,5 millions de personnes- ainsi que la gravité de ses conséquences, qu'il s'agisse d'échec scolaire ou de risque accru d'accidents de la route, voire même de passages à l'acte, déjà mis en évidence s'agissant de viols et de meurtres.

Stigmatisant l'écart entre la sanction théoriquement très sévère de l'usage de stupéfiants -un an d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende - et l'impunité de fait l'entourant, il a appelé à réformer la loi de 1970, désormais inadaptée. Le ministre d'Etat s'est ainsi félicité de la possibilité introduite par le projet de loi de réprimer l'usage de stupéfiants par le biais de la procédure de composition pénale, désormais étendue aux mineurs de plus de treize ans, ainsi que par celui de l'ordonnance pénale, ces procédures, qui excluent le prononcé de peines d'emprisonnement, devant permettre d'allier efficacité et respect du principe de proportionnalité.

Il a en outre souligné que cette réforme accordait une place centrale aux soins, grâce à la possibilité de prononcer une injonction thérapeutique à tous les stades de la procédure et à l'instauration d'un médecin relais.

S'agissant des dispositions du projet de loi concernant les maladies psychiatriques, il a jugé que leurs conséquences sur l'ordre public, notamment s'agissant des sorties à l'essai, justifiaient leur prise en compte au sein d'un projet de loi consacré à la prévention de la délinquance. Il a indiqué que la décision d'hospitalisation d'office reviendrait en premier lieu au maire, que la période d'observation conduisant à la confirmation de la décision serait allongée à 72 heures, et que la création d'un fichier national des hospitalisations d'office permettrait d'éviter la délivrance d'une autorisation de port d'arme à une personne ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office. S'agissant des sorties à l'essai, il a jugé indispensable que le maire de la ville de résidence de l'intéressé en soit averti.

a revendiqué sa méthode : adapter le droit, sans se laisser impressionner par les préjugés, afin d'enrayer la violence, en prenant en compte la souffrance des familles des victimes et le nécessaire respect dû au juge. Il a ainsi estimé que le dépistage précoce des difficultés d'ordre physique ou psychologique prévu dans le projet de loi relatif à la protection de l'enfance visait avant tout à soulager les souffrances des enfants. Il a également évoqué la nécessité de protéger les enfants vis-à-vis des pédophiles sur l'Internet.

Il a indiqué qu'il convenait, sur le plan de la méthode, de s'intéresser aux hommes et aux femmes, aux situations concrètes et non à des zones, des quartiers ou des catégories sociales.

Il a ensuite expliqué que le premier but de la prévention était d'empêcher la violence de se diffuser en agissant à la racine des difficultés. Il a indiqué que la prévention devait s'efforcer d'appréhender toutes les situations à risque avant qu'elles ne dérivent vers la violence. Il a cité l'absentéisme scolaire comme exemple d'un phénomène pouvant conduire vers la délinquance, mais que nos structures et procédures administratives échouaient à maîtriser.

a insisté sur la nécessité de mobiliser en même temps tous les acteurs de terrain, pour s'informer, et pour réagir de manière concertée. Il a justifié son choix de placer le maire au centre du dispositif de prévention par sa proximité incomparable avec le terrain. Toutefois, pour que cette politique réussisse, il a souligné qu'elle devrait s'affranchir des logiques de guichet et de corps qui prévalent aujourd'hui.

Il a indiqué que le maire était le seul capable de jouer ce rôle d'interface entre les publics en difficulté et les acteurs de la prévention. Toutefois, il a averti qu'il ne s'agissait nullement de faire du maire un « shérif » ou un procureur, aucun pouvoir de sanction ou de coercition ne lui étant confié.

Il a estimé que les événements de novembre 2005 avaient montré l'urgence de faire mieux.

a indiqué que l'article premier du projet de loi faisait du maire l'animateur et le coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance, dans le respect des compétences du préfet et de l'autorité judiciaire.

Il a rappelé que la création des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires depuis juillet 2002, avait déjà amorcé cette évolution, le projet de loi rendant ces conseils obligatoires dans les villes de plus de 10.000 habitants.

Par ailleurs, il a ajouté que le maire présiderait désormais un conseil des droits et devoirs des familles, également rendu obligatoire dans les villes de plus de 10.000 habitants. Il a expliqué que ce conseil, inspiré par de nombreuses expériences locales, aurait pour mission de rappeler aux parents leurs devoirs d'éducateurs vis-à-vis de leurs enfants et de leur proposer, le cas échéant, des mesures d'accompagnement. Il a indiqué que les modalités d'organisation resteraient très souples afin de laisser à chaque commune une grande liberté.

Il a expliqué que, dans le cadre de ce conseil, le maire pourrait proposer un accompagnement parental avant, en cas d'échec, de demander au président du conseil général de proposer un contrat de responsabilité parentale. Il a également relevé qu'il pourrait saisir le juge des enfants en vue de la mise sous tutelle des prestations familiales.

Résumant l'esprit de ce dispositif, il a déclaré qu'il s'agissait de mettre en place des réponses graduées et de permettre au maire de saisir des autorités capables de mettre en oeuvre des instruments plus coercitifs que la médiation.

Concernant les départements, il a tenu à préciser qu'ils restaient chef de file en matière d'aide sociale, particulièrement en matière de protection de l'enfance. Il a souhaité que le département accepte de déléguer par convention aux communes qui le souhaitent tout ou partie des compétences en matière d'action sociale, dès lors qu'elles apparaissent les mieux placées pour intervenir.

a ensuite évoqué la question du partage du secret professionnel. Il s'est indigné que des enfants meurent de mauvais traitements, citant des cas pour lesquels une meilleure coordination du travail social aurait pu éviter de tels drames.

Il a affirmé que le partage de l'information n'avait d'autre objet que la coordination et l'efficacité du travail social. De nouveau, il a souhaité que le maire soit placé au centre du partage de l'information dans le respect du secret professionnel et de la déontologie de chaque professionnel de l'action sociale.

Il a souligné qu'une concertation approfondie avec les professionnels du travail social avait présidé à l'élaboration du projet de loi. Il a remarqué que lors de la création des Groupes d'intervention régionale (GIR) des difficultés identiques liées au secret professionnel des agents des impôts s'étaient posées et qu'elles avaient été surmontées.

Il a ajouté que ce dispositif était complémentaire de celui prévu par le projet de loi réformant la protection de l'enfance.

Enfin, il a indiqué que le projet de loi comportait deux mesures limitées au champ du ministère de l'intérieur : la création d'un service volontaire citoyen de la police nationale et la prise en compte de la période de service civil volontaire pour l'accès à la fonction publique. Il a expliqué que ces dispositifs avaient notamment pour objet d'aider des jeunes à s'insérer dans la vie sociale et professionnelle à travers un engagement au service de valeurs positives.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion