Intervention de S.E. M. Muhamedin Kullashi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de s.e. M. Muhamedin Kullashi ambassadeur du kosovo en france

S.E. M. Muhamedin Kullashi, ambassadeur du Kosovo en France :

Je n'avais pas oublié votre question et j'allais justement y venir.

Tout de suite après la publication du rapport de M. Marty, les autorités kosovares se sont dites prêtes à coopérer avec Eulex. Ce qui pose problème dans le rapport de M. Dick Marty, c'est tout d'abord son approche politique, puisqu'il part du postulat que tous les événements et les faits au Kosovo auraient été considérés par les instances internationales dans une optique rigoureusement manichéenne, avec d'un côté les Serbes, nécessairement méchants, et de l'autre, les Kosovars albanais, inévitablement innocents, dévalorisant ainsi le travail énorme des instances internationales au Kosovo.

Un autre postulat est que le Kosovo présenterait un caractère mafieux, régi par les clans et l'omerta.

Par ailleurs, M. Dick Marty porte, dans son rapport, des jugements très généraux. Ainsi, il évoque les crimes commis, non pas par des membres de l'UCK, mais par l'UCK dans son ensemble. Il présente l'UCK, la société kosovare et l'Etat du Kosovo comme des structures fondamentalement mafieuses.

Les positions de M. Dick Marty ne peuvent se comprendre sans prendre en compte le fait qu'il s'était violemment opposé à l'intervention de l'OTAN au Kosovo en 1999 et à l'indépendance du Kosovo en 2008. Ainsi, son rapport apporte une sorte de justification a posteriori à ses prises de position antérieures.

Concernant la principale accusation, qui concerne un trafic d'organes qui aurait été commis par l'UCK à l'encontre de prisonniers serbes, M. Dick Marty n'apporte aucune preuve de ses graves allégations et son rapport ne repose que sur des suppositions, une rumeur.

Dans un entretien pour le quotidien « Svedok » de Belgrade, le 31 décembre 2010, un spécialiste serbe de la transplantation d'organes de l'Académie militaire de Belgrade (VMA), le professeur Goran Kronja, a mis fortement en doute cette supposition, en mettant en avant les conditions techniques et professionnelles, et le caractère extrêmement compliqué du prélèvement d'organes et de la transplantation. On voit mal une telle opération se dérouler dans une maison isolée dans la montagne, comme le laisse entendre M. Dick Marty dans son rapport.

D'autres experts, comme M. Alexeï Douma, directeur d'un Institut de Médecine de Skopje, ont également confirmé ce point de vue.

D'ailleurs, lorsqu'il a été interrogé par les membres de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, M. Dick Marty n'a pu apporter de réponses précises à leurs questions.

Enfin, ce qui est peut être le plus grave, en mettant en avant un crime supposé, qui aurait concerné une dizaine de cas, d'une telle gravité, qui frappe l'imagination, mais qui n'est fondé sur aucune preuve, et tout en affirmant vouloir s'intéresser à toutes les victimes, sans égards à leur importance ethnique, M. Dick Marty occulte la question de l'impunité des auteurs de crimes commis à l'encontre de plus de 10 000 civils kosovars, dont deux-tiers d'Albanais.

Plutôt que de réduire l'enquête sur un cas particulier, un crime supposé, n'aurait-il pas été plus légitime de faire également une enquête sur les disparus albanais, dont certains corps ont été transportés et enterrés en Serbie ?

Les autorités du Kosovo sont donc disposées à coopérer pleinement avec la mission Eulex de l'Union européenne dans leur enquête sur les allégations de M. Dick Marty, mais nous ne voulons pas que cette affaire empêche le travail qui reste à faire concernant les 10 000 civils kosovars disparus, qui eux sont avérés, notamment en ce qui concerne l'exhumation des corps enterrés en Serbie, car les familles attendent la restitution de ces corps.

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