Intervention de André Vantomme

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 5 mai 2011 : 1ère réunion
Contrat d'objectifs et de moyens de l'agence française de développement afd — Examen de l'avis

Photo de André VantommeAndré Vantomme, co-rapporteur :

Voilà le contexte, venons-en à l'AFD. L'AFD est un établissement public singulier. C'est d'abord et peut-être avant tout une banque. De par son statut d'établissement bancaire, de par son résultat comptable, de par ses procédures, l'AFD est une banque qui, grâce à sa signature triple A, emprunte sur les marchés internationaux des ressources à bas coûts, pour financer des projets de développement dans nos pays partenaires. Une partie de ces crédits sont bonifiés grâce à une ressource publique, et une partie croissante procède de ce que l'on appelle dans le jargon du « rehaussement de signature ». Elle emprunte à un faible coût et prête à des Etats ou des collectivités locales qui n'auraient pas accès à des taux d'intérêts aussi bas s'ils se finançaient directement sur les marchés. L'AFD ne reçoit pas de subvention de fonctionnement mais couvre ainsi ses frais grâce à ses marges bancaires.

Voilà pour la banque, mais l'AFD est également une agence de coopération, qui, pour le compte de l'Etat, gère des subventions et des fonds spécialisés pour financer des projets de développement dans des zones prioritaires de la coopération française. Elle constitue à ce titre le prolongement du ministère de la coopération.

L'AFD est troisièmement un outil d'influence de la diplomatie française qui permet, grâce à une palette assez large d'instruments, qui vont de l'assistance technique aux prêts en passant par différents degrés de subventions et de garanties, de nourrir des relations bilatérales avec des pays partenaires. C'est à ce titre que l'AFD vient de débloquer deux prêts de 350 millions d'euros pour la Tunisie et pour la Côte d'Ivoire. L'AFD favorise également l'expertise française dans les pays du Sud, dans des secteurs stratégiques comme les infrastructures, le transport ou l'eau.

L'AFD est enfin, quatrièmement, pour l'Etat, à la fois une source de dépenses et de recettes. Parce qu'elle dégage un résultat bénéficiaire et que l'Etat depuis 2004 prélève 100 % de son résultat net, l'AFD est devenue une source de revenus pour la direction du budget du ministère des finances. En 2009, l'Etat a ainsi prélevé plus de 200 millions d'euros. Une partie de ces crédits est d'ailleurs reversée au budget de la coopération.

L'AFD est également une source de dépenses. J'ai parlé de subventions qui s'élèvent pour le programme 209 à environ 200 millions d'euros. Il faut aussi parler des bonifications qui représentent pas loin de 800 millions d'euros. L'Etat et l'AFD entretiennent des relations assez complexes puisque l'Etat rémunère l'AFD pour les prestations qu'elle effectue en son nom, mais dans des proportions qui ne couvrent pas les frais de gestion. De même, les activités bénéficiaires de l'AFD lui permettent de financer les activités de production intellectuelle, de conseil auprès des pouvoirs publics, de communication qui relèvent en partie de l'Etat.

Agence de développement, banque, bras séculier de la diplomatie française, l'AFD est un peu tout à la fois ; on parle souvent de couteau suisse de la coopération française. C'est d'ailleurs une configuration assez particulière parmi les bailleurs de fonds qui n'a vraiment d'équivalent que la banque japonaise du développement. Ses différents mandats lui permettent d'avoir une palette d'instruments très étendue qui constitue sans doute l'un des avantages comparatifs importants de l'AFD par rapport à ses concurrents. C'est aussi régulièrement une source d'incompréhension. On a notamment tendance à évaluer l'action de l'AFD à l'aune des quelque 200 millions de subventions qu'elle gère alors qu'en fait ses engagements au service de projets de développement s'élèvent en tout à près de 7 milliards d'euros. Ces multiples facettes expliquent également la faible lisibilité de son action et en particulier de la diversification géographique de ses engagements.

L'AFD a en effet développé ses activités dans les pays émergents à la demande de l'Etat, essentiellement pour y exercer son mandat de banque de développement. En tant que banque, cette activité en Inde et en Chine devrait lui permettre de diversifier ses risques sur des contreparties solvables. Elle devrait également à terme lui permettre de dégager une marge bancaire dont les résultats devraient pouvoir bénéficier à l'ensemble de l'établissement et en particulier aux activités orientées vers l'Afrique. Dans ces pays, l'AFD a également le mandat de défendre une vision française de la lutte contre le réchauffement climatique et de défendre dans le cadre d'une aide déliée les intérêts français. On ne comprend pas ce que fait l'AFD en Inde ou en Chine si on n'a pas à l'esprit cette activité bancaire.

Alors quel bilan peut-on faire de l'activité de l'AFD ?

6,2 milliards d'engagements en 2009 : c'est l'approvisionnement du réseau d'eau potable au bénéfice de 7,3 millions de personnes, la vaccination de 1,8 million d'enfants, l'amélioration des conditions de logement pour 2,1 millions d'habitants des quartiers défavorisés, l'économie de 4,9 millions de tonnes de CO, le développement de plus de 320 000 entreprises, le raccordement de 6,6 millions de personnes à un réseau de télécommunications et la scolarisation de 1,8 million d'enfants au niveau primaire.

Grâce à une croissance très soutenue, l'AFD s'est imposée au niveau international comme une agence de coopération reconnue qui bénéficie d'une excellente réputation. Cette réputation lui a permis de nouer de nombreux partenariats avec d'autres bailleurs de fonds comme la Kfw allemande ou la banque européenne d'investissements. Sa diversification géographique s'est accompagnée d'une diversification sectorielle avec des projets remarqués dans le domaine du soutien à l'initiative privée, de l'urbanisme, de la préservation de la biodiversité et plus généralement de la préservation de l'environnement.

Le contrat d'objectifs et de moyens qui nous est soumis doit être signé entre la direction générale de l'AFD et l'Etat.

Dans le cadre de l'AFD, l'Etat est représenté par les deux principales tutelles de l'AFD qui sont le ministère des finances à travers la direction du Trésor et le ministère des affaires étrangères à travers la direction générale de la mondialisation. A cette double tutelle, il faut ajouter celle de la direction du budget. Ce contrat a fait l'objet d'intenses négociations depuis juillet 2010 et les délais dans lesquels il a été conclu illustrent la complexité du pilotage de l'AFD qui est à l'image de l'architecture institutionnelle de la coopération française partagée entre la rive droite et la rive gauche de la Seine.

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