Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 5 mai 2011 : 1ère réunion
Contrat d'objectifs et de moyens de l'agence française de développement afd — Examen de l'avis

Photo de Christian CambonChristian Cambon, co-rapporteur :

Pour analyser ce contrat nous avons assez classiquement comparé son contenu au contrat précédent, au document cadre de coopération que nous avions analysé l'année précédente et à la réalité de ce que nous avons vu lors de nos missions et entendu lors de nos auditions.

J'aborderai d'abord la question des objectifs laissant à André le soin de parler des moyens. Les objectifs généraux et géographiques assignés à l'AFD sont en tous points conformes à ceux du document-cadre. Ils se traduisent notamment par la volonté de consacrer 60 % de l'effort financier de l'Etat à l'Afrique subsaharienne, 20 % aux pays méditerranéens, 10 % aux pays émergents. Il est également prévu de consacrer 50 % des dons aux 14 pays prioritaires et 10 % aux pays en crise ou en sortie de crise.

Ce cadrage budgétaire correspond à ce que nous avons approuvé l'année dernière dans le document-cadre. Il constitue, semble-t-il, un bon équilibre entre nos priorités et l'état de développement respectif des différentes zones. Ce cadrage confirme la stratégie mondiale de l'AFD mais encadre le coût sur fonds publics des interventions dans les pays émergents. Il consacre la priorité de l'effort budgétaire à l'Afrique et en particulier à l'Afrique subsaharienne. Le cadrage général nous convient.

Quand on rentre un peu plus dans le détail, plusieurs observations peuvent être faites.

S'agissant des priorités géographiques, la première est que l'augmentation du taux de concentration sur l'Afrique est inversement proportionnelle aux moyens disponibles en subventions, si bien que les montants effectivement disponibles pour les 14 pays prioritaires sont de plus en plus limités.

La deuxième est que la priorité accordée à l'Afrique dans son ensemble en matière d'engagements se traduit de fait en matière de prêts par des engagements dans les zones les plus prospères de l'Afrique où l'AFD trouve des contreparties solvables, c'est-à-dire par exemple en Afrique du Sud ou au Nigeria. Augmenter le montant des prêts à l'Afrique subsaharienne ne permet pas de toucher une grande partie des pays prioritaires qui sortent d'un processus de désendettement. Pour contourner cet obstacle, l'AFD a développé des prêts dits « non souverains » aux collectivités territoriales et aux entreprises publiques. Cette stratégie comporte des risques à la fois pour l'AFD et pour les pays en question si elle conduit de nouveau à un surendettement. Il reste que la croissance africaine qui a été très soutenue ces dernières années avec des taux supérieurs à 5 % a besoin de financements et que l'AFD doit y contribuer.

S'agissant de la Méditerranée, on peut se demander si l'accompagnement de la transition démocratique en Tunisie et en Égypte et peut-être demain en Libye ou en Syrie ne va pas contribuer à augmenter les interventions de l'AFD dans ces pays au-delà des 20 %. La situation en Tunisie a déjà entraîné un nouveau prêt de 350 millions à l'Etat tunisien. C'est évidemment un enjeu essentiel pour la stabilité de la zone.

En ce qui concerne les Etats en crise, il s'agit en fait dans le vocabulaire de l'AFD des Territoires palestiniens, de l'Afghanistan et de Haïti, la part des subventions consacrée à ces pays passerait de 23 % actuellement à 10 %. L'ensemble de ces pays ne recevra plus que le montant des subventions actuellement engagées dans les Territoires palestiniens. Nous vous proposons de soulever ce sujet dans notre rapport.

S'agissant maintenant des objectifs sectoriels, notre appréciation est plus mesurée. Si les priorités décrites sont très larges, elles sont accompagnées d'indicateurs de concentration très ciblés sur deux secteurs, la santé et l'éducation, et accessoirement sur un troisième secteur, l'agriculture.

S'agissant de l'agriculture, nous ne pouvons qu'approuver cette priorité qui a longtemps été délaissée alors que la France dispose d'une vraie compétence dans ce domaine et que les enjeux en matière de sécurité alimentaire sont considérables pour l'Afrique.

En revanche, nous sommes un peu plus réservés sur la surconcentration des subventions sur les secteurs de la santé et de l'éducation. En soi, ces deux secteurs sont évidemment légitimes. Il s'agit d'enjeux majeurs pour le développement, cela ne fait aucun doute. En revanche, quand on analyse de façon approfondie les différents chiffres, on s'aperçoit que les taux de concentration proposés vont conduire à ne faire en Afrique subsaharienne que de la santé et de l'éducation. Or, du point de vue de la méthode, on rentre dans une logique d'offre qui est contestable. En effet, l'idée communément admise est qu'il faut partir du besoin exprimé par nos partenaires et pas leur imposer nos priorités. Ici, on risque de définir deux priorités pour l'ensemble de la zone sans prendre en compte ni la diversité des besoins, ni la diversité de nos compétences dans les différents secteurs. La coopération française dispose notamment de compétences dans le domaine de l'eau, de l'urbanisme, qui sont reconnues et qui risquent d'être exclues par cette nouvelle répartition.

Voilà ce qu'on peut dire sur les priorités sectorielles. J'en viens aux objectifs en matière de production intellectuelle, de stratégie et d'évaluation.

En matière de réflexion sur le développement, et de production intellectuelle, on notera une ambition plus limitée que dans la période précédente et un budget en fort diminution. Le contrat d'objectifs insiste sur la nécessité de mieux coordonner la réflexion avec les autres organismes de recherche, ce que l'on ne peut qu'approuver. Je regrette en revanche que le contrat ne fixe pas des axes de réflexion et notamment des thèmes qui correspondent à l'agenda de notre diplomatie multilatérale.

Je note également un recul des ambitions en matière d'évaluation qui me paraît pour le coup très contestable. Dans le plan d'orientation stratégique de 2003, il était prévu qu'à l'horizon 2010, 100 % des projets dans les pays étrangers fassent l'objet d'une évaluation de leur impact a posteriori. Il s'agit d'évaluer quelques années après la finition du projet, son impact en matière de raccordement des foyers aux réseaux d'eau potable, de production d'électricité ou d'alphabétisation d'une génération. L'évaluation des impacts est un élément essentiel pour rentrer dans une logique de résultat. Or, le contrat qui nous est soumis prévoit que seulement 33 % des projets devront faire l'objet d'une telle évaluation. Je vous propose de demander que cet objectif soit revu.

J'en viens aux dispositions relatives à la maîtrise des coûts de fonctionnement. Le contrat qui nous est soumis manifeste une volonté de maîtrise des coûts qui a été introduite par la direction du budget. Cette volonté est issue de la politique de maîtrise des effectifs que les pouvoirs publics appliquent actuellement aux opérateurs de l'Etat. L'AFD fait valoir, à juste titre, me semble-t-il, qu'elle n'est pas à proprement parler un opérateur de l'Etat, dans la mesure où elle ne reçoit pas de subventions de fonctionnement puisqu'elle finance son activité grâce à son activité bancaire. Il reste que si l'AFD n'est pas un opérateur au sens de la LOLF, son activité est en partie dépendante des deniers publics et c'est donc à ce titre que l'Etat a souhaité introduire des indicateurs d'efficience.

Le COM contient plusieurs types d'indicateurs. Je ne vais pas ici rentrer dans les détails très techniques. Figurent notamment un certain nombre de ratios financiers qui mettent en rapport les coûts de fonctionnement avec le niveau de l'activité. On peut discuter sur la question de savoir ce que signifie la rentabilité financière pour un établissement comme l'AFD avec ses nombreuses casquettes, mais la démarche ne nous semble pas illégitime.

En revanche, la direction du budget a insisté pour introduire un encadrement des effectifs et des frais généraux en valeur absolue, ce qui nous semble en soi une démarche contraire à l'autonomie dont devrait bénéficier l'AFD pour atteindre ces objectifs. On a un établissement dont l'essentiel des ressources provient des marchés, qui dégage un résultat positif, et à qui l'on fixe des plafonds sans prendre en compte son niveau d'activité. Il nous semblerait plus pertinent de fixer des objectifs même en termes de marges plutôt que des normes en valeur absolue qui sont forcément arbitraires.

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