Le contrat qui nous est présenté prévoit par ailleurs que, dorénavant, le résultat net de l'AFD sera distribué de façon à rémunérer l'actionnaire mais aussi à assurer le maintien des fonds propres de l'établissement. Dans son principe, ces dispositions sont une bonne nouvelle dans la mesure où, depuis 2004, l'Etat captait l'intégralité du résultat net à son profit. L'AFD a ainsi distribué à l'Etat 1,1 milliard d'euros. Cette situation n'est aujourd'hui plus tenable. L'AFD manque de fonds propres. Cela conduit l'AFD à plafonner ses activités dans des pays aussi stratégiques que la Tunisie où le ratio dit de « grand risque » est quasiment atteint.
Un accord a été trouvé, qui ne figure pas dans le COM mais dans une lettre à part, qui prévoit que l'Etat ne prélève plus que 75 % sur les cinquante premiers millions et 50 % au-delà, jusqu'à 140 millions. Cet accord, imposé par la direction du budget à la direction du Trésor et à la direction de la mondialisation, ne nous semble pas satisfaisant ni sur la forme, ni sur le fond. Sur la forme, il nous semble que l'accord doit figurer dans le COM puisqu'il détermine une partie des ressources dont pourra disposer l'AFD pour atteindre les objectifs fixés. Si le COM est un contrat d'objectifs et de moyens, il faut que tous les moyens y soient inclus. Sur le fond, au regard des auditions auxquelles nous avons procédé, et les projections en notre possession, il nous semble qu'un accord prévoyant une répartition 50/50 serait plus prudent. Il faut considérer que l'AFD s'est constitué un capital grâce à l'accumulation en fonds propres de ses résultats. En tant que banque, le montant de ses fonds propres détermine la qualité de sa signature et sa capacité à emprunter. Jusqu'en 2004, l'AFD intégrait à ses fonds propres 100 % de son résultat. À un moment où les engagements de l'AFD ne cessent de croître, nous vous proposons de ramener cette proportion à 50 %, et non à 25 % comme le prévoit un accord qui encore une fois devrait figurer dans le contrat.
S'agissant des moyens, le contrat qui nous est soumis prévoit dans ses annexes l'ensemble des crédits budgétaires qui transitent par l'AFD. Ces moyens sont globalement maintenus. On observe une stagnation des subventions à un niveau historiquement bas, et une légère progression des crédits de bonification des prêts. Il nous semble que le montant actuel des crédits sous forme de subventions n'est plus aujourd'hui cohérent avec les objectifs fixés pour l'Afrique subsaharienne. Comme l'a dit Christian, nous ne pouvons plus intervenir dans la région sahélienne que sous forme de subventions. Une grande partie de ces pays sortent d'un processus de désendettement. L'AFD cherche légitimement à financer des projets de collectivités territoriales ou d'entreprises publiques à travers des prêts non souverains, mais il y a une limite à ne pas franchir si l'on ne veut pas commettre les mêmes erreurs que par le passé.
En l'absence d'un rééquilibrage des moyens en faveur des subventions, la priorité accordée à l'Afrique subsaharienne risque de rester purement rhétorique. Comme nous sommes des gens responsables et que nous ne voulons pas aggraver les finances publiques d'un Etat déjà impécunieux, nous vous proposons d'insister sur deux mesures de réallocation des crédits, à discuter dans le cadre de la loi de finances.
La première concerne un rééquilibrage des crédits alloués aux instruments européens et multilatéraux au profit de l'AFD ; la deuxième concerne une nouvelle répartition des crédits entre les bonifications de prêts et les subventions. Alors que les subventions risquent de diminuer de 22 % entre 2008 et 2013, la feuille de route budgétaire annexée au contrat prévoit, pour le même période, une augmentation de 20 % des bonifications. Il y a sans doute un rééquilibrage à opérer plus conforme aux orientations géographiques des objectifs fixés à l'AFD.
S'agissant des modalités d'adoption de suivi de ce contrat, je me contenterai de quelques remarques pour ne pas abuser de votre patience et vous renvoie au rapport écrit pour des précisions plus techniques.
La première remarque porte sur l'absence d'un bilan des précédents contrats. Nous l'avons dit pour le document-cadre, nous le disons pour le contrat d'objectifs et de moyens, nous souhaiterions que ces documents stratégiques soient élaborés sur la base d'un bilan des précédents documents, nous pensons que ces bilans devraient faire l'objet d'un débat au conseil d'administration de l'AFD et au sein du Parlement, de sorte que les nouveaux objectifs et les moyens qui leur sont consacrés soient éclairés à la lumière de l'expérience.
La deuxième remarque porte sur l'absence d'indicateurs d'impact. Le contrat de l'AFD prévoit des indicateurs de moyens, dit comment cet établissement doit dépenser ses crédits, dans quelles zones, dans quels secteurs. Il ne fait pas référence à l'impact des projets financés par l'AFD. Or, c'est cet impact qui est primordial. Il faut que l'AFD entre dans une logique de résultat et prévoit un suivi d'indicateurs d'impact tels que le nombre de personnes raccordées au réseau d'eau potable ou le nombre de personnes vaccinées, le nombre d'enfants alphabétisés, etc. C'est une tâche qui n'est pas simple, qui suppose tout un travail méthodologique, mais c'est une tâche essentielle si on veut pouvoir évaluer cette politique. Nous vous proposons donc que ce contrat intègre un objectif de suivi d'indicateurs de résultats d'impact et plus largement que le contrat indique que l'AFD s'inspire des principes de l'efficacité de l'aide telle qu'ils ont été formulés à la conférence de Paris.
Troisième remarque : ce contrat devait être complété par des dispositions visant à clarifier les relations budgétaires entre l'Etat et l'AFD. D'un côté, l'agence effectue toute une série de prestations pour le compte de l'Etat qui ne sont pas rémunérées à leur coût réel. De l'autre côté, la garantie de l'Etat fait l'objet de provisionnements qui nuisent à la lisibilité du résultat de l'agence. Le tout aboutit à toute une série de financements croisés. Nous vous proposons de demander que ces relations soient clarifiées et qu'un principe de financement équilibré de ces prestations soit inscrit dans le contrat.
Quatrième remarque : j'estime que ce contrat doit comporter un objectif de renforcement des partenariats européens. Aujourd'hui un des défis, dans une période où les budgets sont comptés, c'est de conjuguer les actions bilatérales des 27 Etats membres avec celles de l'Union afin d'être le plus efficace. Je vous propose de demander à ce que le passage relatif aux partenariats soit complété par l'indication selon laquelle : « Dans le cadre du Consensus européen et du Code de conduite sur la complémentarité et la division du travail, l'AFD participe aux efforts de coordination des stratégies et des actions de coopération au développement » ;
Cinquième remarque : les précédents contrats contenaient des objectifs de partenariat avec les collectivités territoriales et les ONG. Ce nouveau contrat ne le prévoit pas. Je vous propose de demander à ce que ces objectifs soient intégrés dans le nouveau contrat, afin qu'il soit dit que l'accompagnement des collectivités territoriales et les ONG figurent bien parmi les objectifs stratégiques de cet établissement.