Intervention de Gérard César

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 décembre 2009 : 1ère réunion

Photo de Gérard CésarGérard César, vice-président :

a rappelé qu'il avait eu l'honneur de conduire la délégation de sept sénateurs envoyée par la commission de l'économie en mission en Russie, du 31 août au 4 septembre 2009, pour y étudier surtout les questions énergétiques. Cette délégation se composait, outre lui-même, de M. Gérard Cornu, Mme Elisabeth Lamure, MM. Gérard Le Cam, Jean-Claude Merceron, Georges Patient, et Paul Raoult. Le programme de la mission, préparé par les services économiques de l'ambassade de France, a conduit la délégation à Moscou et à Mourmansk, ville qui se situe au nord du cercle polaire, sur les rives de l'océan Arctique. Celle-ci a rencontré des personnalités russes du monde de l'administration et de l'entreprise, ainsi que les élus locaux de Mourmansk, et a également eu des contacts avec des représentants des entreprises françaises présentes en Russie, notamment dans le secteur de l'énergie, mais aussi dans d'autres secteurs comme l'automobile ou l'agroalimentaire.

Le rapport de mission comporte deux parties, la première exposant comment l'énergie se trouve au coeur de la puissance économique russe, et la seconde évoquant les opportunités de coopération et d'investissement qui existent pour la France dans le domaine énergétique, en mettant plus particulièrement l'accent sur la région de Mourmansk.

Abordant la première partie, M. Gérard César a indiqué que l'énergie apporte une contribution essentielle à l'économie de la Russie, et qu'elle constitue son principal pilier. En effet, ce pays dispose de ressources énergétiques colossales avec les deuxièmes plus importantes réserves de charbon de la planète, derrière les Etats-Unis d'Amérique, mais devant la Chine. Il est le premier producteur de gaz au monde, et le deuxième de pétrole, derrière l'Arabie saoudite. Sa production nationale d'uranium ne couvre que 20 % de ses besoins, mais les 80 % restants sont couverts par le stock de réserve, qui permettra au pays d'être auto-suffisant jusqu'en 2015.

Le secteur économique de l'énergie présente en Russie une dimension politique marquée. Après la vague de privatisations qui a suivi la fin de la période soviétique, les autorités russes, depuis l'arrivée au pouvoir de M. Vladimir Poutine, ont repris en main le secteur. La renationalisation du groupe pétrolier Loukol est emblématique de cette évolution et la volonté ainsi exprimée du Kremlin de contrôler les ressources énergétiques du pays, notamment en hydrocarbures, bien compréhensible. En effet, en plus de son intérêt stratégique, la production d'énergie apporte une contribution majeure aux finances publiques, puisque les seuls hydrocarbures fournissent 50 % des recettes du budget fédéral.

L'énergie est aussi un secteur exportateur, la Russie étant le premier exportateur mondial de gaz et le deuxième de pétrole. L'énergie occupe ainsi une part prépondérante dans la balance commerciale de la Russie, qui échange ses hydrocarbures contre des biens d'équipement et de consommation. Les recettes d'exportation ainsi dégagées lui ont permis d'accumuler des réserves de change qui, après avoir atteint un maximum de 580 milliards de dollars, ont sensiblement fléchi à la suite de la crise financière, pour s'abaisser à 380 milliards au début de 2009. Elles sont depuis en voie de reconstitution, et atteignent 440 milliards de dollars à la fin de cette année.

Dans ce panorama général, M. Gérard César a voulu mettre l'accent sur le rôle stratégique de Gazprom, dont la délégation a rencontré à Moscou le directeur-adjoint des relations économiques extérieures, M. Sergueï Balashov. Avant de devenir le président de la Fédération de Russie, M. Dmitri Medvedev avait été président du conseil d'administration de Gazprom, et l'actuel président du directoire de Gazprom, M. Alexei Miller, a été un proche collaborateur de Vladimir Poutine à la mairie de Saint-Pétersbourg, tout comme M. Dimitri Medvedev, d'ailleurs.

Gazprom, qui est la première entreprise russe et la troisième entreprise mondiale par sa capitalisation, est majoritairement contrôlée par l'État. Elle constitue un vecteur d'influence de la Russie à l'étranger, que ce soit par ses ventes - elle fournit 20 % du gaz consommé par l'Union européenne -ou par ses approvisionnements- en sécurisant à long terme ses ressources en provenance d'Asie centrale et du Caucase. Enfin, jusqu'à l'éclatement de la crise, Gazprom s'était engagée dans une politique ambitieuse de prises de participations dans des actifs à l'étranger, aussi bien dans le développement de gisements que dans l'aval du traitement et du stockage du gaz ou dans son transport. Gazprom souhaiterait également devenir distributeur dans plusieurs pays européens. Ainsi, elle livre déjà 1 % du marché français du gaz, essentiellement des clients industriels, et souhaite conquérir aussi le marché des consommateurs domestiques. Bien qu'elle ait subi de plein fouet l'impact de la crise, à cause du repli des volumes consommés et des cours du gaz qui en est résulté, Gazprom ne perd pas de vue ses objectifs stratégiques de long terme, auxquels elle peut encore consacrer des moyens financiers importants.

Toutefois, M. Gérard César a considéré que, au-delà de cette apparence de puissance économique, la Russie doit faire face à trois défis dans le domaine énergétique.

Premièrement, ce pays présente tous les points faibles d'une économie de rente. A ce titre, il est exposé aux dangers de la « maladie hollandaise ». Cette expression désigne, en théorie économique, ce qui est arrivé aux Pays-Bas à la suite de la découverte d'importants gisements de gaz en mer du Nord dans les années 1970. La « manne énergétique » qui s'est alors déversée sur la Hollande, outre un impact inflationniste, a eu des effets d'éviction sur le reste de l'économie du pays. En effet, l'appréciation du taux de change résultant des exportations de gaz a été dommageable à tous les secteurs exposés à la concurrence internationale. L'économie néerlandaise s'est alors polarisée sur son secteur énergétique et sur les secteurs abrités de la concurrence étrangère, tels que l'administration, la construction ou les services de proximité, tandis que son industrie manufacturière périclitait.

La Russie, qui fait figure « d'émirat gazier » présente de nombreux symptômes de cette « maladie hollandaise ». L'industrie russe est, pour l'essentiel, non compétitive sur les marchés internationaux et, au total, la croissance économique de long terme du pays risque de s'en trouver réduite. La vulnérabilité de l'économie russe, qui avait connu une phase d'expansion continue entre 1998 et 2008, à un rythme annuel de 7 %, a été révélée par la crise financière et économique, qui s'est traduite par un sévère fléchissement des cours des hydrocarbures, par l'effondrement de la bourse de Moscou, qui a plongé de 70 %, et par l'érosion rapide des réserves de change du pays.

Un autre point faible de cette économie fondée sur la rente énergétique réside dans le transit des hydrocarbures, qui peut être considéré comme un véritable « talon d'Achille » de la Russie. A cet égard, les crises de 2006 et 2009 avec l'Ukraine, par laquelle transite 70 % du gaz exporté par la Russie, ont sonné comme des coups de semonce. Le projet de gazoduc Nabucco, soutenu par certains pays européens qui veulent s'assurer un accès direct au gaz d'Asie centrale et de la mer Caspienne en transitant par la Turquie, peut aussi être considéré comme une menace par la Russie.

En réaction, les autorités russes ont mis en avant les projets de gazoducs Nord Stream, qui desservirait l'Allemagne en transitant par la Baltique, et South Stream, qui desservirait l'Europe centrale et l'Italie en transitant par la mer Noire. Dans les deux cas, il s'agit pour la Russie de contourner des pays considérés comme peu sûrs pour son transit de gaz, comme l'Ukraine ou la Pologne.

a indiqué que le deuxième défi à relever est celui de la diversification du bouquet énergétique de la Russie. Actuellement, celui-ci est constitué à près de 55 % par le gaz, à 20 % par le pétrole et à 16 % par le charbon. Cette prédominance des énergies fossiles n'est pas soutenable dans le long terme. C'est pourquoi, sous l'impulsion directe de M. Vladimir Poutine, la Russie a décidé de relancer sa filière nucléaire. La part de l'électricité d'origine nucléaire devrait passer de 16 %, actuellement, à 30 % à l'horizon 2030. En conséquence, la Russie a engagé la construction de 26 nouveaux réacteurs à eau pressurisée de troisième génération, et a relancé son programme de centrales à neutrons rapides. A l'exportation, la Russie bénéficie d'une technologie robuste à des prix compétitifs, et vise clairement la première place mondiale. Elle a ainsi percé en Inde, en Chine, en Afrique du Sud, en Turquie, en Mongolie, au Kazhakstan, et dans d'autres pays encore. Parallèlement, elle cherche à s'assurer la maîtrise des technologies nucléaires du futur, notamment dans le retraitement et le recyclage des combustibles usés.

Un autre moyen efficace pour la Russie de diversifier son bouquet énergétique, qui n'a pourtant été évoqué par aucun des interlocuteurs de la délégation sénatoriale, serait de développer les énergies renouvelables. La Russie soviétique a joué un rôle pionnier dans ce domaine : dans les années 1930, la plus grande ferme éolienne du monde de l'époque a été installée en Crimée, et dans les années 1950, les premiers Spoutniks envoyés dans l'espace fonctionnaient grâce à des cellules photovoltaïques. Mais cette avance technologique ne s'est jamais concrétisée industriellement car, à partir des années 1950 et 1960, la planification a donné la priorité au nucléaire et à l'exploitation d'énergies fossiles surabondantes.

La Russie dispose pourtant d'un potentiel considérable encore fort peu exploité dans les énergies renouvelables. Ainsi, elle n'utilise que 20 % de son immense potentiel hydroélectrique, là où le Canada exploite 65 % du sien et la France 95 %. La biomasse, qui constitue traditionnellement le mode de chauffage des isbas, n'est pas mise en oeuvre avec les technologies modernes aux rendements les plus performants, tandis que la forêt, qui couvre 50 % du territoire de la Russie, demeure encore largement inexploitée. Enfin, le solaire et l'éolien présentent également des potentiels considérables, qui pourraient être économiquement rentables pour alimenter en énergie les zones d'habitation isolées et les régions de la Fédération les plus orientales, qui ne sont pas connectées au réseau centralisé d'électricité.

Enfin, M. Gérard César a évoqué le troisième défi à relever pour la Russie, qui est celui de l'amélioration de son efficacité énergétique. L'économie de la Russie consomme trois à cinq fois plus d'énergie par unité de PNB produite que celles des pays d'Europe occidentale. Les réseaux de chauffage urbain, dont la Russie concentre à elle seule la moitié du parc mondial, sont particulièrement peu efficaces, dépourvus de régulateurs de température et de compteurs d'énergie, et subissant des pertes massives de chaleur. Les processus industriels sont aussi d'un très mauvais rendement énergétique. Prenant l'exemple du gaz associé aux forages pétroliers, il a indiqué que la Russie brûle à la torche directement dans l'atmosphère chaque année l'équivalent de la consommation annuelle de gaz de la France.

Les autorités russes ont désormais pris conscience qu'il faut impérativement que l'économie gagne en efficacité énergétique, si le pays veut continuer à dégager des surplus d'énergie pour l'exportation. C'est aussi devenu un enjeu dans la perspective du Sommet de Copenhague, dans le cadre duquel la Russie s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 10 à 15 % à l'horizon 2020 et a accepté le principe de mise en oeuvre des mécanismes de mise en oeuvre conjointe (MOC). La France a aujourd'hui l'opportunité de devenir un partenaire privilégié dans la valorisation du potentiel carbone de la Russie. Ainsi, lors du séminaire gouvernemental de Sotchi le 20 septembre 2008, un accord bilatéral franco-russe a été signé pour encourager les projets MOC. Il se concrétise, pour la première fois, à travers l'accord conclu par BNP-Paribas avec la société pétrolière russe TNK-BP, afin de réduire la production de gaz associée à la production de pétrole en Sibérie.

Ensuite, M. Gérard César a abordé la seconde partie de son rapport, relative aux opportunités de coopération et d'investissement pour la France en Russie.

D'une manière générale, il a estimé que la présence française en Russie s'est affirmée au cours des années récentes, certes à partir d'un niveau modeste par rapport à d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Italie ou les Pays Bas. Les exportations françaises en Russie ont progressé de manière continue de 1998 à 2008, pour atteindre un montant de 7 milliards d'euros cette dernière année. La balance commerciale reste néanmoins déséquilibrée en faveur de la Russie, en raison de la facture énergétique, les hydrocarbures représentant 92 % des 13,7 milliards d'euros d'exportations russes vers la France.

La crise a eu un impact négatif en 2009, mais les exportations françaises ont relativement moins reculé que celles d'autres pays, ce qui a permis à notre pays de passer du 8ème au 6ème rang des fournisseurs de la Russie, devant les Etats-Unis d'Amérique. Et l'on peut attendre un effet accélérateur de « l'année croisée » 2010, durant laquelle la France sera à l'honneur en Russie et la Russie en France. Le dixième séminaire gouvernemental franco-russe qui vient de se tenir à Paris, le 10 décembre 2009, a déjà produit ses fruits, puisqu'un nombre considérables d'accords commerciaux ont été signés en marge des accords politiques conclus à cette occasion.

En ce qui concerne les investissements directs, la progression a également été remarquable jusqu'en 2008, année où ils ont atteint un montant de 3,2 milliards d'euros, notamment dans la banque, l'assurance, l'automobile, l'agroalimentaire et la grande distribution. Toutefois, c'est dans le secteur énergétique qu'existent les plus importantes marges de progression pour les investissements français en Russie.

a ensuite évoqué la stratégie des entreprises françaises en Russie. Dans le secteur des hydrocarbures, il faut signaler la présence de Total, qui est le premier acheteur de pétrole brut russe et poursuit une stratégie de montée en puissance dans l'amont, celle de GDF-Suez, qui entretient des liens particuliers avec Gazprom en tant que client historique, et celle d'EDF, qui négocie auprès de Gazprom une participation dans le projet de gazoduc South Stream. Dans le secteur de l'électricité, EDF privilégie une stratégie de prise de participation minoritaire mais visible au capital d'Inter RAO, entreprise détenant le monopole russe d'importation et d'exportation de l'électricité, et GDF souhaite investir dans la production électrique. Enfin, Alstom a réussi à vendre des turbines en Russie, mais doit encore développer une production et des partenariats locaux pour réussir à percer sur un marché en expansion. La coopération en matière d'efficacité énergétique est un domaine d'avenir pour la présence française, et a une dimension institutionnelle, avec la signature d'un accord entre le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDEM) et le ministère russe de l'énergie, et la mise en place d'un comité conjoint animé par l'ADEME et Inter RAO. Elle a également une dimension industrielle, avec l'implication de Dalkia, d'EDF et de GDF-Suez pour la rénovation des réseaux de chaleur dans les régions de la Fédération de Russie.

Enfin, M. Gérard César a souhaité donner un coup de projecteur sur Mourmansk et sa région, qui sont encore méconnues en France, mais sont appelées à prendre de plus en plus d'importance pour la Russie.

Il a estimé que les enjeux du grand Nord Russe sont doubles. D'une part, les régions arctiques russes font figure « d'Eldorado gazier ». Actuellement, l'essentiel de la production de gaz russe est concentré dans l'extrême nord de la Sibérie occidentale. Mais l'avenir est surtout dans les gisements de gaz géants découverts dans l'océan Arctique, notamment en mer de Barents. Au total, les ressources en gaz recensées dans cette mer dépassent les 10 000 milliards de mètres cubes. D'autre part, le réchauffement climatique se traduit par un regain d'intérêt pour la route maritime du Nord, cette voie stratégique qui relie Mourmansk à Vladivostok. Elle est d'un intérêt vital pour la desserte de toutes les régions septentrionales de Sibérie, où se concentrent l'essentiel des hydrocarbures, mais aussi des ressources minières considérables. Maintenant qu'elle se trouve libre de glaces plus souvent et plus longtemps chaque année, en raison du réchauffement climatique, cette voie présente également un intérêt pour les armateurs internationaux, puisqu'elle permet de réduire considérablement les distances maritimes entre l'Europe occidentale et le Japon ou l'Amérique. Les temps de navigation pourraient ainsi être réduits de 22 jours à 15 jours entre Rotterdam et Yokohama, en passant par l'océan Arctique plutôt que par le canal de Suez.

a exposé que, dans ce contexte du Grand Nord russe, vient s'inscrire le projet Shtokman, auquel participe le groupe Total, et qui constitue une véritable chance pour Mourmansk. Shtokman est le nom du plus grand champ gazier offshore du monde, d'une capacité estimée à 3 800 milliards de mètres cubes, découvert en mer de Barents, au nord-est de Mourmansk, à 600 kilomètres des côtes. Pour l'exploitation de ce champ gazier, un montage industriel tripartite a été créé, associant Gazprom à 51 %, Total à 25 % et le norvégien StatoilHydro à 24 %. Le montant de l'investissement nécessaire est à la mesure du projet, puisqu'il pourrait atteindre jusqu'à 30 milliards de dollars.

Le projet Shtokman, qui n'en est encore qu'au stade des études techniques de faisabilité, doit relever de multiples défis technologiques. En effet, l'exploitation d'un champ gazier en plein océan arctique se heurte à des conditions climatiques extrêmes : froids polaires, présence de la banquise la plus grande partie de l'année et d'icebergs toute l'année, tempêtes déchaînant des vents surpuissants et des vagues dont les creux peuvent atteindre 27 mètres. Néanmoins, des solutions techniques originales ont été trouvées pour répondre à ces contraintes. En pratique, ce n'est pas une plateforme offshore fixe qui sera construite, mais un navire mobile relié aux forages sous-marins par un lien détachable à tout moment. En effet, en cas de dérive signalée d'un iceberg en direction du navire, celui-ci pourra larguer ses amarres en urgence pour sortir de sa trajectoire. Cette tête d'exploitation sera reliée à la terre par un double gazoduc sous-marin de 600 kilomètres de long, qui alimentera le gazoduc Nord Stream à travers la presqu'île de Kola vers la Baltique, ainsi qu'une usine de liquéfaction basée à Teriberka dans les environs de Mourmansk, qui devrait être la plus grande du monde.

La décision finale d'investissement devrait être prise au mois de mars 2010, mais le directeur général de Total, M. Christophe de Margerie, a déjà fait savoir publiquement que, au cours actuel du gaz, le projet n'était pas rentable. La question est donc de savoir quelles prévisions il est raisonnable de faire pour l'évolution des cours du gaz dans les deux décennies à venir.

En conclusion, M. Gérard César a donné un aperçu des perspectives de développement de Mourmansk et de sa région. Débouché occidental de la route maritime du Nord, Mourmansk est le seul port libre de glaces toute l'année qui donne à la Russie un accès direct à la haute mer, sans passer par les détroits de la Baltique ou de la Mer Noire. C'est pour cette raison que Mourmansk fut le théâtre d'une terrible bataille entre l'Allemagne et la Russie au cours de la seconde guerre mondiale, car, par ce port, transitait le ravitaillement en armes et en denrées alimentaires fourni par les Alliés.

La région de Mourmansk, avec une population de 840 000 habitants, représente la plus forte concentration humaine de la planète existant au nord du cercle polaire. Son économie est centrée sur l'exploitation et le transit des ressources naturelles, qu'il s'agisse d'hydrocarbures, de minerais ou encore de ressources halieutiques, puisque Mourmansk est le premier port de pêche russe. Après une transition difficile à la fin de l'époque soviétique, Mourmansk et sa région envisagent une reconversion vers l'énergie et les transports. Les entretiens de la délégation sénatoriale avec le maire de Mourmansk, M. Serguei Soubbotine, et avec le gouverneur de la région, M. Dmitry Dmitrienko, ont permis de mieux connaître leurs besoins et leurs projets d'investissement : ouvrages d'art, modernisation du port, développement des capacités hôtelières, construction de centrales électrique, développement de la grande distribution.

a affirmé que, dans ce contexte porteur, le projet Shtokman se présente comme un atout important pour les entreprises françaises, dont la présence à Mourmansk est pour l'instant discrète. Si Total confirme son engagement, nombre de sous-traitants et d'entreprises françaises dont les offres seront complémentaires pourraient réussir à s'implanter dans la région, à condition, bien sûr, d'être compétitives et de remporter les appels d'offres qui seront lancés. Enfin, Mourmansk pourrait également offrir des opportunités de coopération décentralisée franco-russe, et il y a manifestement des synergies entre la région de Mourmansk et une région maritime française comme la Bretagne, et plus particulièrement avec la ville de Brest.

En conclusion, le rapporteur a proposé d'intituler ainsi le rapport qui sera déposé au nom de la commission : « La Russie : puissance ou interdépendance énergétique ? ». Cette double thématique, formulée sous forme d'interrogation, résume bien la nature ambivalente de la « manne énergétique » dont bénéficie l'économie de la Russie. Pour ce pays, c'est à la fois une grande force, tant à l'intérieur de ses frontières qu'à l'exportation, et une dangereuse incitation à relâcher l'effort de compétitivité de son appareil industriel. La réussite économique de la Russie dépendra sans doute de sa capacité à triompher de cette tentation de facilité.

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