Intervention de Élisabeth Lamure

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 décembre 2009 : 1ère réunion

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur :

a rappelé que le bureau de la commission de l'économie avait décidé le 23 septembre 2009 la constitution d'un groupe de suivi de l'application de la LME, en vue de l'organisation d'un débat en séance plénière demandé par le groupe socialiste sur ce sujet. Après avoir souligné que la LME était un texte volumineux, elle a indiqué que le groupe de travail composé, outre elle-même, de MM. Claude Biwer, Gérard Cornu, François Fortassin, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Raoul et Bruno Retailleau, avait concentré son attention sur quatre thèmes relevant du champ de compétence de la commission de l'économie : la réduction des délais de paiement, la réforme des relations commerciales, le régime de l'auto-entrepreneur et l'urbanisme commercial.

Soulignant que le groupe de travail avait procédé à une vingtaine d'auditions, elle a relevé que cet exercice de contrôle était un peu précoce, certaines données ne devant être disponibles qu'au cours du premier semestre 2010. Cependant, elle a estimé que le bilan de l'application de la LME apparaissait contrasté.

S'agissant des délais de paiement, Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, a souligné que le bilan de la LME, qui plafonne à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires, à compter de la date d'émission de la facture, le délai de paiement convenu entre les parties, était très positif. Les premières études montrent une réduction effective des délais de paiement ; l'étude menée par la Fédération des industries mécaniques (FIM) évoquant une réduction de 17 jours des délais clients. Trente-neuf accords dérogatoires, portant sur environ 20 % de l'économie, ont été signés : ils assurent une transition en douceur pour certains secteurs comme le bâtiment et les travaux publics (BTP). Une difficulté spécifique se pose cependant dans le secteur du livre qui justifierait une dérogation permanente : une proposition de loi en ce sens a été adoptée par l'Assemblée nationale et sera soumise très prochainement au Sénat.

a estimé qu'il fallait aujourd'hui assurer l'application effective de la loi et clarifier l'interprétation de quelques-uns de ses aspects. Certaines pratiques doivent ainsi être surveillées et l'application de la loi à l'international clarifiée. Elle a souligné le rôle essentiel joué par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) en la matière.

S'agissant de la réforme des relations commerciales, elle a considéré que le bilan devait être beaucoup plus nuancé. Si les marges arrière ont été effectivement fortement réduites, passant de 32 % des prix à 11 % entre 2008 et 2009, l'impact de la LME sur les prix reste difficile à apprécier. La loi a contribué cependant à la baisse des prix de grande consommation qui a atteint 0,65 % au premier semestre 2009.

Au-delà, Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, a estimé que la LME n'avait pas permis une réelle amélioration des relations commerciales : les relations entre fournisseurs et distributeurs restent fortement déséquilibrées ; fournisseurs et distributeurs divergent quant à l'interprétation de la loi ; de nombreux abus ont été constatés. Une difficulté porte par ailleurs sur la date butoir du 1er mars pour la conclusion de la convention unique.

Face à cette situation, les contrôles et une interprétation unique de la loi doivent assurer le respect de la LME et un rééquilibrage des relations commerciales. Les pouvoirs publics ont d'ailleurs pris leurs responsabilités : la DGCCRF a mené de nombreux contrôles en 2009. Sur quatre cents conventions uniques contrôlées, la quasi-totalité comprenait au moins une disposition significativement déséquilibrée. Neuf enseignes de la grande distribution ont ainsi été assignées devant les tribunaux de commerce. La CEPC joue elle aussi un rôle essentiel d'exégète de la loi et d'observateur des relations commerciales.

S'agissant de l'auto-entrepreneur, Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, a fait quatre constats.

- Le régime micro-social et fiscal est bien entré en vigueur comme prévu au 1er janvier 2009, avant de s'étendre progressivement à une gamme de plus en plus large de publics et ce grâce à l'adoption rapide des textes d'application et à la forte mobilisation des institutions concernées, qu'il s'agisse de l'ACOSS, du RSI, de la CIPAV ou de l'Agence pour la création d'entreprise.

- Le nouveau régime a exercé un effet stimulant pour la création d'entreprise : 263 000 auto-entreprises ont en effet été créées du 1er janvier au 31 octobre 2009, ce qui s'est traduit par une hausse des créations d'entreprises de 68 % par rapport à la même période de 2008. Ces chiffres doivent cependant être tempérés car une large majorité d'auto-entreprises n'ont toujours pas déclaré de chiffre d'affaires au troisième trimestre. De plus, pour des raisons techniques liées au circuit de recueil des statistiques, il y a peut-être une surestimation des chiffres de créations d'entreprises. Enfin, les auto-entreprises se substituent en partie aux entreprises individuelles classiques dont le nombre de créations a fortement baissé depuis le début de l'année (- 37 %).

- Le succès de l'auto-entreprise s'appuie sur une vraie demande sociale. Les auto-entrepreneurs plébiscitent le fait que l'auto-entreprise permet de compléter les revenus des ménages grâce au cumul entre emploi salarié ou retraite et activité indépendante. L'auto-entreprise permet également de tester sans risque un projet. Enfin, au-delà de son caractère utile, rassurant et simple, l'auto-entreprise est perçue comme le symbole et le moyen de l'accès de tous au droit d'entreprendre et d'une certaine autonomie individuelle dans la vie professionnelle.

- Le dernier constat est que l'auto-entreprise suscite encore un certain nombre de questions, sinon d'inquiétudes. La première concerne l'opposition des organisations représentant les entreprises de l'artisanat, sur le thème de la concurrence déloyale. La deuxième porte sur les phénomènes de concurrence entre salariat et sous-traitance auto-entrepreneuriale. L'intensité de cette concurrence dépendra de la manière dont les entreprises intègrent le régime de l'auto-entreprise dans leurs outils de gestion de la ressource en travail. Pour l'instant, c'est la complémentarité entre salariat et auto-entreprise qui domine, plutôt que la substituabilité. Mais c'est une question qu'il faut suivre de près.

a alors formulé trois recommandations :

- le Gouvernement doit établir très vite un rapport économique et social sur les auto-entrepreneurs afin que l'on sache vraiment qui ils sont, ce qu'ils font, quels sont l'emploi et la valeur ajoutée réellement créés par eux, quel est leur impact sur le monde de l'artisanat, sur les comptes sociaux et sur les pratiques de gestion de la main-d'oeuvre des entreprises ;

- il faut renforcer l'information sur le caractère illégal et les risques des pratiques consistant à requalifier de façon abusive une relation salariale sous la forme d'une relation commerciale de sous-traitance ;

- il faut développer un accompagnement et une formation des auto-entrepreneurs, notamment par l'inscription gratuite, pour une durée limitée, auprès des chambres consulaires ; ou bien par la mise en place d'une formation professionnalisante pour aider les auto-entreprises les plus dynamiques à passer à un statut plus propice au développement économique.

Sur la question de l'urbanisme commercial, Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, a dressé trois constats.

- Les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) sont un outil dont la mission n'est pas claire. Leur composition et leurs règles de décision sont critiquées, notamment parce que leur procédure de décision prend également en compte la voix des personnalités qualifiées nommées et celles des élus locaux. Par ailleurs, elles ne peuvent s'appuyer sur des critères ou des normes partagés pour définir les exigences minimales à respecter en matière de développement durable et d'aménagement du territoire. Troisièmement, la notion de seuil de saisine perdure, alors qu'elle n'est peut-être pas l'outil adéquat pour appréhender l'impact du commerce sur les territoires. Enfin, les équipements commerciaux effectivement construits ne sont pas tenus d'être conformes aux projets qui ont été préalablement présentés et validés par les CDAC.

- On déplore l'absence d'outil statistique pour évaluer l'impact de la libéralisation des implantations commerciales, ce qui donne lieu à des rumeurs sur la multiplication des installations d'équipements qu'il est impossible de vérifier. De même, l'impact sur la concurrence et sur les prix reste indéterminé. Il faut garder à l'esprit cependant que la réforme de l'urbanisme commercial est structurelle et que son évaluation doit se faire sur le moyen terme.

- L'intégration de l'urbanisme commercial à l'urbanisme reste inachevée. La réforme contenue dans la LME était conçue comme transitoire, un texte plus complet devant lui succéder rapidement. Or, le régime institué par la LME perdure et s'accompagne d'une grande incertitude concernant le contenu et la portée juridique du document d'aménagement commercial d'un SCOT. Le projet de loi Grenelle II comporte une avancée importante dans ce domaine mais ne peut remplacer une réforme d'ensemble cohérente.

a conclu son propos par deux recommandations :

- mettre en place dans les plus brefs délais un outil d'observation des équipements commerciaux permettant d'établir un bilan objectif de la LME ;

- élaborer rapidement un texte sur l'urbanisme commercial, qui ne soit pas un texte sur le commerce, mais bien un texte d'urbanisme ; si l'urbanisme commercial a jusqu'à présent été d'abord une affaire de commerce, il devra à l'avenir être avant tout une affaire d'urbanisme.

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