Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Audition de M. Michel Mercier garde des sceaux ministre de la justice et des libertés

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Il y a une vraie demande de justice de la part de nos concitoyens. En associant les citoyens à la formation de jugement en correctionnelle et au suivi de l'application des peines, ce projet de loi vise à rapprocher les citoyens de la justice et à les réconcilier avec elle. Leur présence modifiera l'oeuvre de justice : ils apporteront un éclairage neuf aux magistrats et auront une influence réelle sur le jugement. Le prévenu, confronté au regard des citoyens, aura une appréciation différente des faits qu'il a commis.

Nous voulons une justice pénale plus proche, plus ouverte, plus réactive. La justice est rendue au nom du peuple français : il est juste que celui-ci soit partie prenante aux formations de jugement. Chacun pourra être appelé à exercer cette fonction, ce sera un devoir civique. La participation de la société civile à la justice a fait ses preuves, en France et à l'étranger. Les citoyens participent au jugement des délits en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Norvège, en Suède, entre autres.

L'unicité de la formation collégiale sera respectée : il n'y aura pas d'une part les magistrats professionnels, d'autre part les assesseurs citoyens. Le texte limite le champ de la participation de ces assesseurs citoyens aux délits qui portent quotidiennement atteinte à la sécurité et à la tranquillité des citoyens : il s'agira des faits de violence contre les personnes passibles d'une peine comprise entre cinq et dix ans. Cela comprend les violences volontaires, notamment au sein du couple, les agressions sexuelles, les vols avec violence, etc. Sont exclus les contentieux spécialisés, en matière économique, financière, de santé publique ou de délinquance organisée. En ces matières, la politique de spécialisation des magistrats se poursuit, car nous avons besoin de professionnels rompus à ces sujets complexes.

La composition de la formation collégiale - trois magistrats professionnels et deux assesseurs citoyens - répond aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 2005.

La participation des assesseurs citoyens est prévue en première instance ainsi qu'en appel. Les décisions prises avec les citoyens seront ainsi mieux acceptées et mieux comprises. Pourquoi se priver de leur apport en première instance ?

Les citoyens seront associés à tous les stades de la procédure, y compris auprès du tribunal d'application des peines. Cela se justifie tout particulièrement pour les lourdes peines, prononcées par un jury populaire, qui intéressent de très près la société.

Le mode de sélection des assesseurs citoyens doit garantir leur aptitude à juger. Le principe du tirage au sort sur les listes électorales est maintenu, mais des garanties supplémentaires d'impartialité et de moralité seront exigées, ainsi que d'aptitude. Le citoyen ne pourra se soustraire à ce devoir civique, sous peine d'amende, mais sa participation sera limitée à huit jours par an et fera l'objet d'une indemnisation.

Le texte améliore en outre le fonctionnement des assises en créant une formation d'assises simplifiée, avec obligation de motiver les décisions. Cette formation de trois magistrats et de deux assesseurs citoyens ne traitera que des crimes passibles de vingt ans de réclusion au plus ; les plus graves continueront de relever de la cour d'assises traditionnelle avec neuf jurés en première instance et douze en appel.

Le but est de limiter la correctionnalisation des crimes. La cour d'assises ne juge que 2 200 crimes par an. En effet, les juges d'instruction préfèrent souvent soumettre au tribunal correctionnel des affaires qui relèvent des assises, pour des raisons notamment de rapidité, mais au prix d'un affaiblissement de la réponse pénale. Les viols, par exemple, sont souvent requalifiés en « agressions sexuelles », afin de pouvoir être jugés par le tribunal correctionnel, où le quantum de peine encouru est limité à dix ans. La pratique varie d'un département à l'autre, d'où une inégalité de traitement entre les justiciables.

Il n'est pas question de créer une cour d'assises au rabais, mais d'aller plus vite qu'une cour d'assises classique, en préservant toutes les garanties nécessaires. Je suis prêt à discuter avec votre commission des modalités pratiques de mise en oeuvre.

Cette mise en oeuvre de la loi sera progressive. Comme le permet l'article 37-1 de la Constitution, elle fera l'objet d'une expérimentation dès le 1er janvier 2012 dans deux cours d'appel ; la mise en oeuvre sera étendue au tiers du territoire début 2013, avant une entrée en vigueur définitive au 1er janvier 2014. Une telle réforme entraînant un besoin de personnels supplémentaires, j'ai d'ores et déjà obtenu la création de 155 postes de magistrats et 108 postes de greffiers.

Dans son deuxième volet, le texte modifie l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Tout garde des Sceaux rêve de refondre intégralement ce texte, qui, modifié à 33 reprises, ne ressemble plus guère à l'original...

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