Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Audition de M. Michel Mercier garde des sceaux ministre de la justice et des libertés

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

J'exposerai lors de la discussion générale toutes les raisons de notre hostilité à ce texte. Chacun sait qu'il s'agit d'affichage. Après la logorrhée législative des dix dernières années, ni les professionnels de la justice, ni le public ne savent où ils en sont. Les magistrats n'ont plus les moyens d'accomplir correctement leurs missions. Les recrutements prévus correspondent-ils seulement aux nouveaux besoins créés par ce texte ?

Je pourrais faire les mêmes remarques que mes collègues sur les contradictions de ce projet de loi, qui réduit la place des jurés citoyens qu'il introduit ailleurs, qui crée deux poids et deux mesures en correctionnelle selon le type de délits. On suppose que les assesseurs citoyens seront plus sévères que les magistrats professionnels ; en cour d'assises, ils sont souvent indulgents au contraire à l'égard des « crimes passionnels »... Vous avez parlé de « correctionnalisation » des crimes ; mais si les auteurs de viols sont envoyés en correctionnelle, c'est parce que beaucoup de gens estiment encore qu'il est excessif de condamner un violeur à vingt ans de prison ! On qualifie alors son acte de « harcèlement sexuel »...

Je suis favorable en général à l'échevinage, mais introduire deux citoyens assesseurs en correctionnelle, qui risquent de ne pas être capables de comprendre le procès, c'est nous tendre un leurre.

Au sujet des mineurs, vous avez dit que ceux d'aujourd'hui, au contraire de ceux de 1945, n'ont ni travail ni famille. Si je paraphrase, cela signifie donc qu'on envoie en prison ceux qui n'ont ni travail ni famille ! Pour ma part, je crois que les jeunes d'aujourd'hui, qui connaissent des difficultés d'insertion sociale, scolaire et professionnelle, restent mineurs et donc irresponsables plus longtemps que leurs aînés. On accepte que les enfants des bourgeois restent mineurs de plus en plus longtemps -ils sont assistés par leur famille jusqu'à 25 ans- mais pour les jeunes des couches populaires, on voudrait qu'ils soient considérés comme majeurs de plus en plus tôt ! Dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, on rencontre des enfants de 13 à 18 ans qui n'ont plus aucun contact avec leur famille... De tout temps, on a dit que les jeunes n'étaient plus ce qu'ils étaient. Mais il y avait beaucoup de jeunes délinquants en 1945. D'ailleurs, c'est bien après cette date que d'autres pays ont créé des juridictions spéciales pour mineurs : la France a ouvert la voie, mais aujourd'hui elle rebrousse chemin. Vous portez un nouveau coup au principe selon lequel les infractions des mineurs, mis à part les crimes, doivent toutes être jugées par une juridiction spéciale, car il faut appréhender le parcours d'un mineur dans sa globalité.

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