Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 mai 2011 : 1ère réunion
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

En revanche, la présence de citoyens assesseurs au sein du tribunal et de la chambre de l'application des peines m'a toujours semblé justifiée ; elle lèvera le doute sur les décisions du juge de l'application des peines (JAP), qui fait souvent office de bouc émissaire lorsqu'une libération tourne mal.

Deuxième volet du texte, une vingtaine de propositions visant à adapter l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour une réponse judiciaire plus rapide et plus lisible. Entre 2002 et 2009, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a crû de 19%, contre 32% chez les majeurs. Peu de ces mineurs réitèrent : sept mineurs sur dix ne font pas l'objet de nouvelles poursuites ou d'une mesure alternative aux poursuites dans l'année suivant la fin de leur prise en charge. En revanche, un petit noyau de 5% serait responsable de près de la moitié des infractions commises. Plus de trois délinquants mineurs sur quatre sont âgés de 16 ans et plus, 20% ont entre 13 et 16 ans, 2% moins de treize ans. Enfin, près de neuf délinquants sur dix sont des garçons.

Entre 2002 et 2009, on a noté, d'une part, une progression de la réponse judiciaire dont le taux s'élevait à 92,9% en 2009 et, d'autre part, un fort accroissement de 62% des procédures alternatives aux poursuites. En outre, la prise en charge des mineurs délinquants évolue. Elle relève de la compétence de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui exécute directement la mesure ordonnée ou recourt au secteur associatif habilité. Concomitamment à l'abandon de la prise en charge des mineurs en danger depuis 2008, la PJJ porte un effort particulier sur la prise en charge de mineurs multirécidivistes au sein de structures nouvelles. En 2009, près de 96 000 mineurs délinquants ont été pris en charge par la PJJ, soit une hausse de 40% depuis 2002. En outre, avec l'entrée en vigueur de la loi Perben I, une prise en charge renforcée est notamment assurée dans des centres éducatifs fermés (CEF), dont les résultats sur la récidive sont encourageants.

« La justice des mineurs en France n'est pas particulièrement laxiste, mais erratique ». Aujourd'hui, en dépit de neuf modifications apportées à l'ordonnance du 2 février 1945 depuis 2002, ce constat, dressé par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs il y a neuf ans, est encore largement partagé. Le principal grief est celui de la lenteur : entre les faits et la condamnation définitive par le juge ou le tribunal s'écoulent 16,6 mois, cinq ans pour la condamnation par une cour d'assises des mineurs. Autre difficulté, le manque cruel de lisibilité et de cohérence. Depuis 1945, l'ordonnance a fait l'objet de 34 modifications sans que son architecture fasse l'objet d'une refonte d'ensemble. A la demande du Gouvernement, une commission présidée par le recteur André Varinard a remis un rapport en décembre 2008 préconisant, entre autres, l'élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs. L'avant-projet de loi qu'il a inspiré, a fait valoir le Gouvernement, sera discuté en lien avec la réforme de l'ensemble de la procédure pénale. Pour l'heure, son examen par le Parlement a été repoussé -c'est une litote.

Aussi le Gouvernement a-t-il jugé nécessaire de modifier dès à présent l'ordonnance de 1945.

Premier objectif, renforcer l'efficacité de la chaîne pénale. La création du dossier unique de personnalité, qui rassemblera toutes les investigations sur la personnalité du mineur, mettra la juridiction en mesure de statuer en pleine connaissance de cause, y compris lorsqu'elle est saisie par une procédure rapide de poursuites. La procédure de convocation par officier de police judiciaire (OPJ) devant le tribunal pour enfants permettra de juger les mineurs déjà connus de l'institution judiciaire dans un délai bref. Corrélativement, la procédure de convocation par OPJ devant le juge des enfants aux fins de jugement, peu utilisée, est supprimée. Enfin, le texte prévoit un nouveau tribunal correctionnel pour mineurs, compétent pour juger les mineurs de 16 à 18 ans ayant commis des délits en état de récidive légale.

Deuxième objectif, accroître l'éventail des outils à la disposition des magistrats afin d'adapter la réponse pénale à la personnalité des mineurs. Désormais, la juridiction de jugement pourra assortir une peine d'une sanction éducative. De même, le texte facilite le placement du mineur en centre éducatif fermé et encadre l'assignation à résidence avec surveillance électronique. Enfin, le juge des enfants pourra convertir une peine d'emprisonnement ferme de faible quantum en travail d'intérêt général pour les mineurs de plus de 16 ans.

Troisième objectif, renforcer l'implication des parents défaillants. Ceux-ci seront systématiquement informés des décisions de l'autorité judiciaire et les juridictions pourront délivrer un ordre de comparaître à leur encontre, afin de les contraindre à assister à l'audience. Enfin, les représentants légaux du mineur seront jugés par jugement contradictoire à signifier, et non plus par défaut.

Votre rapporteur, plutôt favorable à ces dispositions, a estimé que les procédures rapides de poursuites devaient se faire à la condition que la juridiction dispose d'investigations approfondies et récentes sur la personnalité du mineur. Cette clarification est nécessaire, compte tenu de la censure du Conseil constitutionnel de la Loppsi 2. Conformément à l'exigence constitutionnelle de spécialisation des juridictions pour mineurs, le tribunal correctionnel pour mineurs, à mon sens, doit être présidé par un juge des enfants. Enfin, nous prévoyons que la victime sera systématiquement informée de la date de jugement afin de pouvoir se constituer partie civile.

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