Intervention de Jacques Mézard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 mai 2011 : 1ère réunion
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je suis opposé à ce texte tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, l'urgence n'est nullement justifiée et M. Michel a rappelé ce qu'il en avait été du projet de réforme du code de procédure pénale.

Sur le fond, le but poursuivi est désormais connu : à la page 36 de l'étude d'impact, on lit : « Les citoyens peuvent estimer que les décisions de justice ne prennent pas suffisamment en compte les évolutions de la société », ce qui signifie, en clair, que le Gouvernement estime les magistrats fautifs de ne pas prendre en compte les évolutions de la société. Cela justifierait selon moi une grève générale des magistrats.

Et puis, se pose la question de la sévérité : pour avoir plaidé des dizaines d'affaires d'assises, j'ai constaté que les jurés étaient en général plus sévères que les magistrats professionnels dans les affaires médiatiques.

En outre, je relève dans ce texte toute une série d'incohérences : pendant des années, l'objectif de l'exécutif a été d'aller vers le juge unique et vers l'accélération des audiences. Et d'un seul coup, pour des raisons d'affichage médiatique, changement de cap : des citoyens assesseurs sont nécessaires à tous les niveaux.

Nous venons de voter sur la répartition des contentieux : les juridictions de proximité ont été supprimées et les juges de proximité iront désormais renforcer les tribunaux correctionnels. Le champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) a été élargi à tous les délits. Et puis arrive ce texte : à quelques semaines d'intervalle, quelle cohérence législative ! Même remarque sur la comparution immédiate : comment pourra-t-elle encore fonctionner avec ce nouveau projet de loi ?

La seule question qui me semblait s'imposer tenait au maintien ou non des jurés devant les cours d'assises, et non pas celle de l'introduction de citoyens-assesseurs.

Enfin, la liste des délits concernés au niveau correctionnel se déclinera en fonction des unes de France-Soir et du Figaro. En revanche, tout ce qui concerne les infractions économiques échappera aux citoyens-assesseurs. C'est original.

Je vois également une incohérence au niveau des objectifs : M. le ministre a dit hier que l'objectif n'était pas d'aggraver les peines, mais il affirme aussi qu'il fallait lutter contre la correctionnalisation comme si, d'un coup, cette dernière devait être supprimée car ayant fait trop de mal à la politique pénale.

Les statistiques ne prouvent rien : il faut examiner les choses au cas par cas et des divergences d'appréciation peuvent apparaître pour savoir s'il s'agit de délits ou de crimes, notamment dans les affaires sexuelles.

Tout ce qui concerne la libération conditionnelle ressort également de l'affichage médiatique, puisqu'on dira désormais que le citoyen-assesseur aura donné son avis sur la sortie de prison d'un dangereux délinquant.

Ceux qui ont imaginé la cour d'assises simplifiée n'ont pas dû y mettre souvent les pieds : des négociations vont s'ouvrir comme pour la CRPC. Croyez-vous qu'on puisse mener sereinement une négociation lorsqu'on encourt jusqu'à 20 ans de réclusion ? On demandera à l'accusé s'il veut aller devant une cour simplifiée ou une cour plénière, sachant que cette dernière risque de le condamner beaucoup plus sévèrement.

Enfin, l'augmentation du nombre d'audiences sera considérable. La justice ne va pas gagner en rapidité !

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