Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 mai 2011 : 1ère réunion
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

En tout cas, cela l'explique.

Les présidents de cour d'assises m'ont dit que certains jurés présentaient parfois des insuffisances, mais qu'ils étaient noyés dans la masse du jury. A partir du moment où ils ne sont que deux, il sera beaucoup plus difficile de justifier que l'un d'entre eux ne fasse pas correctement son travail.

Sur la question de savoir s'il faut privilégier la nature du délit ou le quantum de peine encouru, nous essayons de maintenir les deux critères, à savoir un élargissement de la nature des délits pour dépasser les seules violences aux personnes et les peines égales ou supérieures à cinq ans.

J'en viens aux expérimentations. Il peut apparaître choquant que la justice ne soit pas rendue partout de la même façon, mais la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée des pouvoirs publics le permet : l'article 37-1 de la Constitution autorise en effet le recours à l'expérimentation dans le domaine des libertés publiques.

M. Cointat m'a interrogé sur la composition des formations collégiales correctionnelles. Mais nous nous trouvons devant un ukase du Conseil constitutionnel qui estime que les juges professionnels doivent être plus nombreux que les citoyens assesseurs en matière correctionnelle. Pour les cours d'assises, le Conseil rappelle qu'elles ont été mises en place sous la Révolution française, on pourrait assimiler à un principe fondamental reconnu par les lois de la République la présence des jurés populaires. En revanche, sa jurisprudence est extrêmement claire sur les juridictions correctionnelles. Certes, on va gonfler démesurément le tribunal correctionnel et l'appel correctionnel, mais de deux choses l'une : ou bien on introduit des citoyens-assesseurs, ou bien on ne le fait pas.

M. Michel m'a interrogé sur le citoyen-assesseur : on n'attend pas de lui une approche technicienne qui est celle du juge professionnel, mais plutôt du bon sens.

Bien sûr, cette réforme va provoquer des retards, monsieur Mézard. La justice sera moins expéditive, ce qui n'est pas un mal en soi. Pour la comparution immédiate, M. Zocchetto a déposé un amendement qui réduit la durée de la détention provisoire telle qu'elle est prévue par le projet de loi lorsque les citoyens assesseurs ne sont pas immédiatement disponibles. En matière de CRPC, lors du texte sur la répartition des juridictions, la commission des lois en avait exclu les violences aux personnes les plus graves.

M. Frimat s'est interrogé sur le devenir des juges de proximité : nous essayons de les sauvegarder. Certains contentieux correctionnels seront jugés sans citoyens assesseurs: le juge de proximité pourra alors continuer à siéger dans les formations collégiales. En revanche, il ne siégera pas dans les tribunaux correctionnels citoyens. On ne le retrouvera donc que dans le contentieux collégial non citoyen.

Pour les juridictions qui traitent des mineurs et de l'application des peines, les représentants de la société civile qui ont fait preuve d'une grande disponibilité vont en effet disparaître. Je ne suis pas sûr que cette décision soit judicieuse, mais le Gouvernement a fait le choix des jurés ou des citoyens assesseurs. Ce texte nous éloigne de l'échevinage qui était par ailleurs parfaitement justifiable.

Je partage les regrets de M. Pillet sur le manque de cohérence d'ensemble d'une grande réforme de la justice. Peut-être aurait-il été préférable de procéder à une refonte totale de l'ordonnance de 1945, plutôt qu'à une énième modification. Mais la présence de représentants du peuple au sein des tribunaux correctionnels n'est pas une idée nouvelle et le Syndicat de la magistrature l'a réclamé depuis fort longtemps.

M. Anziani a parlé de l'absence des citoyens assesseurs pour un certain nombre de contentieux compliqués. J'ai voulu élargir leurs compétences pour ne pas les borner aux violences aux personnes, mais ils restent exclus des domaines économiques et financiers. Cela dit, on ne leur demande pas de faire le même travail que les magistrats professionnels. Peut-être que ces citoyens assesseurs pourraient être compétents dans ces domaines. En outre, il faudra que les citoyens assesseurs soient formés, de manière à ce qu'ils puissent exercer convenablement leurs fonctions. En revanche, il n'y a pas de problème concernant l'accès aux dossiers : les assesseurs pourront en prendre connaissance.

Vous craignez que l'application des peines ne soit réduite à la portion congrue avec la présence des citoyens assesseurs. C'est insulter l'avenir que de prétendre cela ! On peut leur expliquer que la liberté conditionnelle peut être gage de réinsertion. Un amendement prévoit que les centres nationaux d'observation pourront se pencher sur les aménagements de peine pour mieux prévenir le risque de dangerosité de la personne.

Je suis moins pessimiste que Mme Borvo Cohen-Seat sur l'attitude de l'Assemblée nationale. Le fait d'avoir recréé, avec l'accord du Gouvernement, une cour d'assises unique avec des jurés populaires qui connaîtra de l'ensemble des crimes devrait faire l'unanimité.

M. Portelli a attiré notre attention sur le fait qu'on ne devrait toucher aux lois que d'une main tremblante. Certes, mais cette leçon de Montesquieu a été oubliée depuis longtemps. Je suis en revanche moins pessimiste que lui sur la réforme de la garde à vue, qui se met en place de façon moins chaotique qu'on ne le craignait. Je suis comme lui très attentif à la décision du Conseil constitutionnel sur la Loppsi II et j'ai déposé des amendements qui garantissent davantage la constitutionnalité des dispositifs relatifs aux mineurs.

M. Collombat nous a demandé pourquoi la désignation des citoyens assesseurs est plus sélective que celle des jurés. J'ai déjà répondu et je vais faire en sorte qu'elle soit moins sélective qu'initialement prévu, en supprimant le questionnaire qui me semble trop intrusif. Je souhaite qu'on en revienne à des critères beaucoup plus objectifs mais l'absence de récusation justifie une attention un peu plus particulière sur le choix du citoyen-assesseur.

Enfin, M. Béteille s'inquiétait de l'enquête sur le citoyen-assesseur. Nous allons faire en sorte que cette enquête ne porte que sur des éléments objectifs, notamment sur le passé pénal de l'intéressé. Quand la commission départementale composée de magistrats et de conseillers généraux aura des doutes, elle pourra rencontrer la personne pour se faire une opinion sur l'aptitude de ladite personne à exercer la fonction d'assesseur.

J'ai oublié de répondre à M. Anziani sur l'entrée en vigueur de cette loi : elle sera immédiate en ce qui concerne les mineurs. Pour la motivation des décisions des cours d'assises et le rapport du président, elle est reportée au 1er janvier 2012. Pour les citoyens-assesseurs, la réforme fera l'objet d'une expérimentation entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2014.

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